LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
EN1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 février 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 127 F-B
Pourvoi n° E 22-18.078
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2025
M. [U] [W], domicilié [Adresse 6], a formé le pourvoi n° 22-18.078 contre l'ordonnance rendue le 7 juin 2022 par le premier président de la cour d'appel de Douai, dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [G] [D], domiciliée [Adresse 4],
2°/ à la société [8], dont le siège est [Adresse 1], agissant en sa qualité d'administrateur ad'hoc de M. [Z] [W],
3°/ au département du Nord, Aide sociale à l'enfance du Nord, dont le siège est [Adresse 7], représentée par le président du conseil départemental du Nord,
4°/ à l'association pour la gestion des services spécialisés de l'UDAF de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 3],
5°/ au procureur général près la cour d'appel de Douai, domicilié en son parquet général, [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [W], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 décembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Douai, 7 juin 2022), une mesure d'assistance éducative a été instaurée, le 25 septembre 2020, à l'égard des mineurs [Z] et [S], enfants de M. [W] et de Mme [D], et, par décision du 3 novembre 2021, Mme [R], juge des enfants au tribunal judiciaire de Cambrai, a ordonné le placement de l'enfant [Z] auprès du service de l'aide sociale à l'enfance.
2. Par requête du 13 mai 2022, M. [W] a sollicité la récusation de ce juge.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. M. [W] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa demande de récusation du juge des enfants du tribunal judiciaire de Cambrai chargé de la procédure d'assistance éducative ouverte à l'égard de [Z] et [S] [W], alors « que, de troisième part, toute personne a droit, aux termes des stipulations de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'il en résulte qu'une demande de récusation d'un juge est fondée dès lors qu'il existe une cause permettant de douter de l'impartialité de ce juge ; qu'en procédant, dès lors, pour rejeter la demande de M. [U] [W] de récusation de Mme [O] [R], en tant que juge des enfants du tribunal judiciaire de Cambrai chargé de la procédure d'assistance éducative ouverte à l'égard de [Z] et [S] [W], à l'examen séparé des circonstances, qui étaient invoquées par M. [U] [W] dans sa requête en récusation, liées aux circonstances dans lesquelles elle avait tenu l'audience en date du 3 novembre 2021 au terme de laquelle avait été décidé le placement de [Z] [W], au rejet de ses demandes tendant à ce que soit organisé un débat contradictoire entre les parties, à la dispense de comparution à des audiences préalablement à la prise de décisions et à l'absence d'organisation de débat contradictoire antérieurement au prononcé de plusieurs ordonnances, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. [U] [W] sur le fondement des stipulations de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si ces différentes circonstances, prises dans leur ensemble, ne permettaient pas de douter de l'impartialité de Mme [O] [R], le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 341, 344 et 346 du code de procédure civile et des stipulations de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. L'ordonnance relève qu'il ne résulte ni de l'exposé des faits, ni des motifs retenus par M. [W] au soutien de sa requête, la démonstration d'une inimité notoire manifestée sous une forme quelconque par la juge.
6. Elle retient que, quoique la mention sur la convocation adressée à M. [W] d'un objet différent de celui effectivement retenu à l'audience puisse être considéré comme susceptible d'entacher la régularité de la procédure et de la décision subséquente, il ne résulte pas de ce fait un comportement personnel constitutif d'une violation par la juge de son devoir d'impartialité objective, et que la présence des services de police à l'audience du 3 novembre 2021, imposée pour des motifs de sécurité des personnes, ne peut être interprétée comme la démonstration de la partialité de la juge.
7. Elle ajoute que la tenue de l'audience du 3 novembre 2021, ayant permis à M. [W] d'être entendu et de pouvoir présenter ses observations sur le placement envisagé de [Z], mesure préconisée par les rapports d'assistance éducative, de mesure judiciaire d'investigation éducative et d'expertise psychiatrique de M. [W] et requises par le ministère public, ne peut être considéré comme l'expression d'un comportement partial de la juge envers M. [W].
8. Elle précise que le défaut de convocation de l'avocat de M. [W] ne constitue pas, compte tenu du risque qu'il fait peser sur la régularité du jugement, un comportement partial de la juge, que la décision de celle-ci de reporter l'audience que M. [W] avait sollicité et l'absence de débat contradictoire reposent sur des motifs de droit et de fait justifiés, que, selon les pièces du dossier, l'audience que la juge a souhaité tenir dès le mois de février a été différée pour des raisons objectives de procédure, sans que les décisions de report révèlent un comportement partial, qu'en outre, il est permis au juge des enfants de se prononcer sur une modification de la mesure d'assistance éducative en dispensant les parties de comparaître lorsque l'urgence de la modification envisagée l'impose, les demandes formées par M. [W] de modification de son droit de visite ayant été déposées dans des conditions de délais telles que la juge pouvait user de cette faculté et que la dispense de comparution ne saurait, dans ces conditions, caractériser une atteinte portée au droit du justiciable à l'accès au juge et un manquement de ce dernier à son obligation d'impartialité.
9. En l'état de ces constatations et énonciations, le premier président, qui, en retenant, après avoir examiné tous les griefs de la requête, qu'aucun manquement à l'obligation d'impartialité ne peut être imputé à la juge, a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. [W] aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt-cinq.