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05/02/2025 | FRANCE | N°C2500134

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 février 2025, C2500134


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° F 23-81.356 F-D


N° 00134




GM
5 FÉVRIER 2025




REJET




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 FÉVRIER 2025




MM. [X] et [V] [Z],

Mme [O] [Y], épouse [Z], parties civiles, ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, en date du 22 février 2023, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 9 mars 2022, pourvoi n...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 23-81.356 F-D

N° 00134

GM
5 FÉVRIER 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 FÉVRIER 2025

MM. [X] et [V] [Z], Mme [O] [Y], épouse [Z], parties civiles, ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, en date du 22 février 2023, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 9 mars 2022, pourvoi n° 21-87.375), dans la procédure suivie contre personne non dénommée, des chefs de violences suivies d'une mutilation ou infirmité permanente et violences, aggravées, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de MM. [X] et [V] [Z], Mme [O] [Y], les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, Féliers, avocat de M. [C] [P], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 28 avril 2016, en marge d'une manifestation, M. [X] [Z] a reçu un projectile, entraînant la perte de la vision de l'oeil gauche.

3. L'enquête de flagrance ayant permis d'établir que ce projectile émanait d'un lanceur de balles de défense, une information a été ouverte contre personne non dénommée, notamment, du chef de violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente par personne dépositaire de l'autorité publique.

4. M. [Z] s'est constitué partie civile, et M. [C] [P], brigadier-chef de police, affecté à la section d'intervention de [Localité 1], a été placé sous le statut de témoin assisté.

5. Par ordonnance du 29 mai 2020, le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque.

6. Les parties civiles ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et cinquième branches

7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre du chef de violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur M. [X] [Z], par une personne dépositaire de l'autorité publique, alors :

« 2°/ qu'à supposer que la chambre de l'instruction puisse se prononcer sur un fait justificatif, elle doit l'identifier et caractériser l'ensemble de ses éléments constitutifs ; qu'en l'espèce, en confirmant l'ordonnance de non-lieu, aux motifs que « lorsqu'il a agi, Monsieur [P] se trouvait dans l'absolue nécessité de faire cesser les tirs de fusée » et « qu'il n'existe pas contre Monsieur [P] de charges suffisantes d'avoir agi en dehors du cadre légal qui confère un caractère légitime à une violence volontaire exercée par un dépositaire de l'autorité public », sans identifier précisément le fait justificatif retenu et sans caractériser l'ensemble de ses éléments constitutifs, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 122-4, 122-5 et 122-7 du code pénal, L. 211-9, R. 211-9 et R. 434-18 du code de la sécurité intérieure et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3°/ que l'atteinte à l'intégrité physique d'un individu ne peut être légalement justifiée qu'à la condition qu'elle résulte d'un recours à la force absolument nécessaire et strictement proportionné ; qu'il s'en déduit l'obligation pour les forces de l'ordre, agissant dans le cadre du maintien de l'ordre, et en présence de voie de fait ou de violences, de n'avoir recours à des armes dangereuses que si celles-ci sont absolument nécessaires et que cette force est proportionnée à l'objectif de faire cesser ces voies de fait et violences ; que, lors d'une manifestation, M. [Z] a été atteint au visage par un tir venant de policiers situés sur le quai faisant face à celui sur lequel il se trouvait, le projectile ayant entraîné l'éclatement de son oeil ; que le magistrat instructeur a rendu un non-lieu, aux motifs que s'il était établi que M. [Z] avait été atteint par un projectile de LBD, il n'était pas possible d'établir lequel des deux fonctionnaires de police munis de LBD avait atteint la victime ; que, saisie de l'appel, en tant que juridiction de renvoi après cassation d'un précédent arrêt, uniquement à l'égard de l'un des fonctionnaires de police, M. [P], la chambre de l'instruction a admis que M. [Z] ne faisait pas partie des manifestants lançant des engins dangereux vers les fonctionnaires de police qui leur faisaient face sur le quai opposé de la Vilaine ; que, pour confirmer le non-lieu, elle a cependant estimé que « lorsqu'il a agi, Monsieur [P] se trouvait dans l'absolue nécessité de faire cesser les tirs de fusée » et que le policier avait fait usage d'un LBD qui n'est pas une arme létale, de manière appropriée au regard de la distance du manifestant violent, d'autant que « Monsieur [Z] était situé à proximité de celui qui envoyait les fusées et que la partie civile portait un masque pour lutter contre les gaz lacrymogènes, ce qui était de nature à provoquer la confusion » ; qu'en admettant que le fonctionnaire de police pouvait s'être trompé de cible après avoir constaté que la victime ne faisait pas partie des manifestants violents, ce dont il s'évinçait que l'usage de l'arme que constitue le LBD, s'il était approprié au regard des règles techniques de distance des cibles, n'était pas strictement nécessaire, la victime n'étant pas violente, et proportionné au but visé, au regard des circonstances particulières du tir, la chambre de l'instruction qui a confirmé le non-lieu a violé les articles 122-4, 122-5 et 122-7 du code pénal, L. 211-9, R. 211-9 et R. 434-18 du code de la sécurité intérieure et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

4°/ que la chambre de l'instruction a estimé que le tir de LBD était approprié au regard des violences en cours et dès lors que le policier n'avait pas méconnu les règles concernant la distance maximum d'utilisation d'une telle arme, même si la victime, qui n'était pas l'auteur des violences visant les policiers, avait été atteinte du fait de sa proximité avec le lanceur de fusée incendiaire éventuellement visé ; qu'en faisant de la confusion de la situation, un élément étayant le caractère approprié de l'usage du LBD, quand il lui appartenait de rechercher s'il était approprié et proportionné de tirer avec un LBD, sur une distance de plus de 30 mètres, les conditions d'utilisation de cette arme n'étant dès lors plus idéales, malgré la proximité des individus violents et de manifestants qui ne l'étaient pas, au risque de blesser l'un de ces derniers, ce qui était effectivement arrivé, et en l'état d'une situation confuse comme l'arrêt attaqué le relève, la chambre de l'instruction a encore violé des articles 122-4, 122-5 et 122-7 du code pénal, L. 211-9, R. 211-9 et R. 434-18 du code de la sécurité intérieure, et l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

9. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué constate notamment que le tir est intervenu tout à la fois après que les sommations de se disperser avaient été faites et alors que des manifestants avaient recours à des engins prohibés.

10. Les juges retiennent que si, peu de temps auparavant, un major avait donné l'ordre de ne pas faire usage de lanceur de balles de défense en direction de l'autre rive de la Vilaine, où se trouvait M. [Z], la situation avait évolué par la suite, prenant un tour plus violent. En effet, plusieurs fusées avaient été tirées depuis cette rive, dont une avait provoqué l'incendie d'une banne située juste au-dessus des forces de l'ordre.

11. Ils relèvent encore qu'une fusée incendiaire, tirée au moyen d'un mortier, est de nature à porter une atteinte grave, voire irréversible, à celui qu'elle atteint.

12. Ils en déduisent que, lorsqu'il a agi, le policier se trouvait dans l'absolue nécessité de faire cesser les tirs de fusée.

13. Ils ajoutent qu'un lanceur de balles de défense n'étant pas une arme létale, son action pour contrer l'action d'un homme qui tire des fusées incendiaires apparaît constituer un usage proportionné de la force.

14. Ils retiennent que si le lanceur de balles de défense connaît sa précision et son efficacité optimales pour une distance inférieure, cette arme peut toutefois être utilisée jusqu'à 40 mètres. En l'espèce, les conditions de son utilisation, à une distance de 36,35 mètres, apparaissent avoir été respectées.

15. Les juges précisent que M. [Z] était situé à proximité de celui qui envoyait les fusées et qu'il portait un masque pour lutter contre les gaz lacrymogènes, ce qui était de nature à provoquer une confusion.

16. Ils en concluent qu'il n'existe pas contre M. [P] de charges suffisantes d'avoir agi en dehors du cadre légal qui confère un caractère légitime à une violence volontaire exercée par un dépositaire de l'autorité publique.

17. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui a établi, sans insuffisance ni contradiction, compte tenu des circonstances qu'elle a souverainement constatées, le caractère absolument nécessaire et proportionné de l'usage d'un lanceur de balles de défense, et a fait ressortir que les conditions d'application de l'article 122-4 du code pénal instituant une cause d'irresponsabilité pénale étaient réunies, a, sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées, justifié sa décision.

18. Dès lors, le moyen ne peut être accueilli.

19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500134
Date de la décision : 05/02/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, 22 février 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 fév. 2025, pourvoi n°C2500134


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500134
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