LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 février 2025
Cassation partielle
Mme OTT, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 125 F-D
Pourvoi n° D 23-13.297
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025
M. [G] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-13.297 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Banque populaire Caisse d'épargne, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, sept moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [R], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Banque populaire Caisse d'épargne, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents Mme Ott, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Ollivier, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 2022), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 16 septembre 2020, pourvoi n° 18-19.889), et les productions, M. [R] a été engagé en qualité de responsable des modèles statistiques par la société Banque fédérale des banques populaires, devenue la société Banque populaire Caisse d'épargne (la société), le 17 mars 2003.
2. Désigné en qualité de délégué syndical par lettre du 21 janvier 2010, élu en mars 2010 en qualité de délégué du personnel et en juin 2010 en qualité de membre de la délégation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, il exerce, depuis lors, divers mandats.
3. Le salarié a saisi le 30 mars 2011 la juridiction prud'homale de diverses demandes notamment au titre d'une discrimination syndicale et d'un rappel de salaires concernant la part variable de la rémunération.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches, et le sixième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation de l'avertissement du 8 février 2021, alors :
« 1°/ qu'une sanction disciplinaire ne peut être prononcée qu'en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que ''la société BPCE reconnaît que les objectifs de M. [R] n'ont pas été fixés chaque année'' et que ''l'employeur est défaillant à démontrer par des éléments objectifs extérieurs à toute discrimination, les raisons de ses manquements en terme (?) de fixation des objectifs du salarié'', ce dont il résultait que l'absence de fixation des objectifs, qui était discriminatoire, ne pouvait justifier l'avertissement du 8 février 2021 ; qu'en affirmant que ''sans que le salarié ne puisse opposer le litige en cours sur la discrimination pendant devant la Cour de cassation comme il le fait dans son courrier du 5 janvier 2021, l'avertissement notifié par la BPCE est justifié'', la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, ensemble les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
2°/ qu'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposée à un salarié protégé ; que le salarié protégé est en droit de refuser une modification de son contrat de travail et l'exercice d'un tel droit ne peut être regardé comme une faute ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé, pour retenir que l'avertissement était justifié, que ''M. [R] se situe toujours dans l'opposition à tout changement à la suite notamment de la fusion de 2009, affirmant ainsi par courriel du 5 juin 2020 à 15h37 que « l'emploi de responsable de mission RCCP indiqué sur son profil RH n'est pas son emploi et ne correspond pas à son contrat de travail, que son emploi actuel est responsable des modèles statistiques pour lequel il a été embauché comme l'indique son contrat de travail et ses bulletins de paie et correspondant à l'emploi de manager risque »'' ; qu'en estimant ainsi la sanction fondée compte tenu du refus du salarié protégé d'accepter une modification de son contrat de travail et de ses conditions de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, ensemble les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
3°/ que lorsque les objectifs sont définis unilatéralement dans le cadre du pouvoir de direction de l'employeur, ce dernier peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé ce principe pour estimer que c'est donc ''en vain que l'employeur qui admet ne pas avoir fixé d'objectifs au salarié invoque l'impossibilité de les fixer'', ce dont il résultait que l'absence de fixation des objectifs constituait une faute de l'employeur qu'il ne pouvait pas imputer au salarié ; qu'en retenant cependant, pour refuser d'annuler l'avertissement, une faute du salarié pour ne pas avoir fixé ses objectifs en 2020, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;
4°/ qu'en rejetant la demande tendant à l'annulation de l'avertissement du 8 février 2021 motivé par l'absence de fixation par le salarié de ses objectifs pour 2020, sans se prononcer sur le moyen faisant valoir, preuves à l'appui, que ''dès le 5 juin 2020, M. [R] avait adressé ses objectifs et que ceux-ci avaient bien été validés par son N+1'', la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ qu'en affirmant, pour rejeter la demande tendant à l'annulation de l'avertissement du 8 février 2021, que ''M. [R] se situe toujours dans l'opposition à tout changement'' sans se prononcer sur le moyen faisant valoir, preuves à l'appui, qu'il restait dans l'attente de formations nécessaires n'ayant pas ou plus les compétences requises pour ce qui était demandé, ce que l'employeur n'avait pas contesté en organisant finalement une formation, au moment où elle avait changé l'objectif, comme dénoncé par l'inspecteur du travail, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ qu'en rejetant la demande tendant à l'annulation de l'avertissement du 8 février 2021, sans se prononcer sur le moyen du salarié faisant valoir, preuves à l'appui, que celui-ci a été ''en réalité sanctionné parce que, dans le cadre de la discrimination syndicale dont il fait l'objet, il a été écarté unilatéralement de son poste et que la société cherche à lui fixer des objectifs ne correspondant pas à son poste de responsable des modèles statistiques'', la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Ayant constaté, dans son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve produits, d'une part, que par lettre du 6 juillet 2020, faisant suite à un premier entretien du 5 juin 2020, le directeur des ressources humaines de la société avait demandé au salarié de revoir la liste de ses objectifs individuels, en cohérence avec sa mission, l'organisation de département et celle de sa direction, d'autre part, qu'un second entretien a eu lieu le 14 septembre 2020 et que le 5 janvier 2021, les objectifs pour l'année 2020 n'étaient toujours pas définis, la direction attendant des propositions concrètes et cohérentes du salarié, ce qui n'est pas contredit par celui-ci, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a estimé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, que la sanction disciplinaire prononcée par l'employeur relativement aux seuls objectifs de 2020 était justifiée.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le quatrième moyen, réunis
Enoncé des moyens
8. Par son deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, le salarié fait grief à l'arrêt de limiter les sommes allouées en réparation du préjudice financier causé par la discrimination et à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par la discrimination, et en conséquence, de le débouter de ses demandes principales tendant à son repositionnement aux fonctions de responsable des modèles statistiques équivalent à manager risques au sein de la direction des risques conformité & contrôle permanent de la société, sous astreinte, et à la fixation de son salaire fixe mensuel à la somme de 17 975 euros, de le débouter de ses demandes subsidiaires tendant à la communication de l'intégralité des bulletins de paie de mars et décembre depuis leur embauche ainsi que les contrats et avenants aux contrats de travail de neuf autres salariés et à son repositionnement aux fonctions de responsable des modèles statistiques équivalent à manager risques au sein de la direction des risques conformité & contrôle permanent de la société, sous astreinte, et à la fixation de son salaire fixe mensuel à 14 068 euros, alors :
« 1°/ que lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que l'exposant avait notamment soutenu, en produisant des documents en justifiant, que l'employeur avait pris en considération ses mandats pour arrêter ses décisions et notamment qu'il avait été mis à l'écart dans un bureau isolé éloigné de ses collègues de travail, que son emploi avait été changé sur ses bulletins de paie en février 2012, qu'il s'était vu notifié un avertissement discriminatoire au titre de la fixation des objectifs 2021, qu'il avait subi une nouvelle affectation à un nouveau service fin 2021 avec rétrogradation et changement d'objectif à deux mois de l'échéance, ayant conduit à l'intervention de l'inspection du travail par courrier du 31 janvier 2022 pour dénoncer la situation et qu'il n'était plus invité aux réunions ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces griefs pour apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, si l'employeur prouvait que la situation était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
2°/ que la cour d'appel a constaté qu'à l'appui de ses demandes, l'exposant produisait les courriers de l'inspecteur du travail des 22 décembre 2016 et 28 juin 2017 dans lesquels, saisi par les syndicats CGC, CFTC et CFDT d'une demande d'enquête sur des discriminations en raison de l'activité syndicale des militants et représentants du personnel, l'inspecteur relevait que les représentants SNB, CFTC et CFDT étaient nettement discriminés par rapport à l'ensemble des salariés et par rapport aux autres représentants du personnel et, s'agissant de M. [R], représentant du syndicat CFTC, une évolution salariale de 0 % entre 2013 et 2016 contre 4,54 % entre 2014 et 2016 pour l'ensemble des salariés, et même une évolution négative de -1,48 % du brut imposable annuel pour la même période, qu'après étude de l'évolution salariale depuis 2005, 11 salariés sur 23 avaient bénéficié d'une évolution inférieure à 2 % par an sur 12 ans, un graphique sur l'évolution de sa rémunération depuis 2003, un courrier du 1er août 2016 de la BPCE annonçant une augmentation annuelle brute de 2 000 euros en précisant que ''cette mesure doit vous encourager à rechercher le juste équilibre entre l'existence de vos mandat et votre contribution personnelle à la réussite des enjeux de notre entreprise'', la stagnation de son salaire en comparaison de celui de M. [L], l'attribution d'un taux de variable à 8 % inférieur à celui des cadres classés K (+10 %), son affectation en avril 2010 comme chargé de missions sans responsabilités managériales alors qu'il occupait auparavant le poste de responsable des modèles statistiques dirigeant le département modèles statistiques avec une équipe de salariés avant de retenir que ''M. [R] présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination'' ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher si l'employeur prouvait que ces éléments étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail. »
9. Par son quatrième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à 13 743,73 euros la somme allouée en réparation du préjudice financier causé par la discrimination, alors « qu'en refusant de se prononcer sur le moyen du salarié faisant valoir, preuve à l'appui, que s'il était débouté de sa demande de réparation intégrale du préjudice en raison de la discrimination dont il a fait l'objet dans l'embauche au poste de responsable du département modèles internes et validation, l'indemnisation de son préjudice devait être déterminée sur la base d'un panel de salariés ayant un âge et une expérience professionnelle similaire, occupant des fonctions de même qualification K, appliquer la méthode de triangulation entérinée par les tribunaux et, à titre subsidiaire, tenir compte de la revalorisation du salaire moyen du panel en appliquant les % d'augmentation Ipso Facto observés sur la tranche de salaire correspondante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. Ayant constaté, par une appréciation souveraine de l'ensemble des éléments produits, que le salarié présentait des éléments qui, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'une discrimination syndicale et estimé, d'une part, dans son appréciation souveraine de la pertinence du panel de comparaison produit par le salarié, que sa rémunération était conforme à celle perçue par les salariés de la classification K correspondant à ses fonctions, d'autre part, que l'employeur ne justifiait pas, par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, l'absence d'entretien professionnel de 2011 à 2019 et l'absence de fixation des objectifs du salarié sur cette même période, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties et a procédé à la recherche prétendument omise, en a déduit l'existence d'une discrimination syndicale et a estimé en conséquence le montant des préjudices, financier et moral, en résultant pour le salarié.
11. Les moyens ne sont, dès lors, pas fondés.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à 13 743,73 euros la somme allouée en réparation du préjudice financier causé par la discrimination, alors « qu'au titre de la réparation du préjudice financier, le salarié sollicitait le paiement d'une somme calculée sur la base du préjudice au titre de la participation et de l'intéressement ; qu'en se bornant à retenir ''qu'après application d'une augmentation de 1,6 % tous les trois ans, il existe un différentiel de 13 743,73 euros que la société devra donc verser à M. [R] en réparation du préjudice financier'' sans se prononcer sur l'incidence de cette condamnation sur la participation et l'intéressement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1134-5 du code du travail, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1134-5 du code du travail et le principe de réparation intégrale :
13. Selon cet article, les dommages-intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.
14. Pour limiter la réparation du préjudice financier causé par la discrimination en rejetant la demande au titre des conséquences sur l'intéressement et la participation, l'arrêt retient que l'absence d'entretien professionnel périodique a eu des conséquences sur l'évolution de la carrière du salarié, qu'il résulte des analyses du cabinet Ipso Facto que la société applique une augmentation tous les trois ans de 1,6 %, que la rémunération annuelle du salarié était de 98 192,40 euros en 2011, de 98 193 euros en 2014, 100 192 euros en 2017 et de 100 216,84 euros en 2020 et, qu'après application d'une augmentation de 1,6 % tous les trois ans, il existe un différentiel de 13 743,73 euros que la société devra verser au salarié en réparation de ce préjudice.
15. En se déterminant ainsi, sans examiner l'incidence financière alléguée de façon distincte au titre de l'intéressement et de la participation par le salarié comme résultant de la discrimination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le cinquième moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
16. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à 23 214 euros la somme allouée à titre de rappel de prime variable, alors « que l'exposant soutenait avoir perçu entre 2011 et 2019 les sommes de 4 438,30 euros, 5 459,50 euros, 4 752,52 euros, 4 635 euros, 3 927,70 euros, 4 007,70 euros, 4 008 euros, 4 008 euros et 4 008 euros soit un total de 39 244,72 euros à titre de rémunération variable et l'employeur reconnaissait que celui-ci avait perçu entre 2011 et 2019 les sommes de 5 210,99 euros, 4 438,30 euros, 5 459,50 euros, 4 725,52 euros, 4 634,68 euros, 3 927,70 euros, 4 007,70 euros, 4 007,70 euros, 4 007,70 euros, soit un total de 40 419,79 euros ; qu'en affirmant, pour allouer la seule somme de 23 214 euros à titre de rappel de prime sur objectifs, que l'employeur avait versé, pour les années 2011 à 2019, des primes à hauteur de 55 681,68 euros, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
17. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
18. Pour limiter à la somme de 23 214 euros le rappel de primes variables, l'arrêt retient que la société, qui n'a pas fixé d'objectifs pour les années 2011 et 2013 à 2019, a versé des primes au salarié à hauteur de 55 681,68 euros, alors qu'il aurait dû percevoir la somme de 78 895,68 euros au titre de la prime de 8 %, telle que mise en place unilatéralement par la société en 2010.
19. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appel, le salarié soutenait avoir perçu au titre de la « prime variable (d'objectif) » la somme totale de 39 244,72 euros pour les années 2011 à 2019, tandis que la société reconnaissait lui avoir versé, pour cette même période, la somme totale de 40 419,79 euros au titre de « bonus variables », la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé le texte susvisé.
Et sur le septième moyen
Enoncé du moyen
20. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une somme pour exécution déloyale du contrat sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail, alors « que les parties peuvent, devant la cour de renvoi, former des prétentions nouvelles qui sont soumises aux règles qui s'appliquaient devant la juridiction dont la décision a été annulée ; que l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation ; qu'en affirmant, pour débouter le salarié de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, ''qu'elle n'est saisie que dans la limite du renvoi après cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 2018 prononcée par la chambre sociale de la Cour de cassation le 16 septembre 2020'', la cour d'appel a violé les articles 633 et 638 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 633 et 638 du code de procédure civile, R. 1452-7 du code du travail alors applicable et les articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :
21. Selon les articles 638 et 633 du code de procédure civile, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation et la recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles qui s'appliquent devant la juridiction dont la décision a été cassée.
22. Il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l'article R. 1452-7 du code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016.
23. Pour débouter le salarié de sa demande d'indemnisation de l'exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient que la cour d'appel n'est saisie que dans la limite du renvoi après cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 2018 prononcée par la chambre sociale de la Cour de cassation le 16 septembre 2020.
24. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'instance devant le conseil de prud'hommes avait été engagée le « 29 mars 2011 », ce dont il résultait qu'une demande nouvelle dérivant du même contrat de travail demeurait recevable devant la cour d'appel statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
25. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant la société à verser au salarié une certaine somme au titre de la prime variable entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande de paiement des congés payés afférents à cette prime, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
26. La cassation des dispositions de l'arrêt condamnant la société à verser au salarié une certaine somme au titre de la prime variable et le déboutant de sa demande, distincte, au titre de la participation et de l'intéressement en conséquence de la discrimination et de sa demande d'indemnisation pour exécution déloyale du contrat, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Banque populaire Caisse d'épargne à verser à M. [R] la somme de 23 214 euros de rappel de prime variable et en ce qu'il déboute M. [R] de ses demandes en paiement des congés payés afférents au rappel de prime variable et en paiement d'une somme de 121 851 euros, subsidiairement de 44 785 euros, en réparation d'un préjudice financier au titre de la participation et de l'intéressement causé par la discrimination ainsi que de sa demande en paiement d'une somme de 30 000 euros pour exécution déloyale du contrat sur le fondement de l'article L. 1222- 1 du code du travail, l'arrêt rendu le 13 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Banque populaire Caisse d'épargne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque populaire Caisse d'épargne et la condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.