LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 février 2025
Cassation
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 120 F-B
Pourvoi n° A 22-21.892
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025
L'Association calvadosienne pour la sauvegarde de l'enfant à l'adulte (l'ACSEA), association régie par la loi de 1901, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 22-21.892 contre le jugement rendu le 30 septembre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Caen, selon la procédure accélérée au fond, dans le litige l'opposant au comité social et économique central de l'ACSEA, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, Ã l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'Association calvadosienne pour la sauvegarde de l'enfant à l'adulte, de la SCP Foussard et Froger, avocat du comité social et économique central de l'ACSEA, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Bouvier, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Caen, 30 septembre 2022), statuant selon la procédure accélérée au fond, lors de sa réunion du 6 avril 2022 le comité social et économique central (le comité) de l'Association calvadosienne pour la sauvegarde de l'enfant à l'adulte (l'ACSEA) a décidé de recourir à une expertise pour risque grave et a désigné le cabinet Cedeat pour y procéder.
2. Par acte du 19 avril 2022, l'ACSEA a saisi le président du tribunal judiciaire aux fins, à titre principal, d'annulation de cette délibération et, subsidiairement, de réduction du périmètre de l'expertise.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'ACSEA fait grief au jugement de déclarer irrecevable le recours formé à l'encontre de la délibération du comité en date du 6 avril 2022, alors « que selon l'article 641 du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas ; que selon l'article 642 du même code, le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ; qu'il en résulte que le délai de 10 jours imparti à l'employeur pour contester la nécessité de l'expertise décidée par le comité social et économique, prévu par les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail, débute le jour suivant la délibération du CSE décidant le recours à l'expertise et, s'il s'achève un samedi, un dimanche ou un jour férié, est prorogé au premier jour ouvrable suivant ; qu'en l'espèce, l'ASCEA soutenait que le délai pour contester la nécessité de l'expertise décidée par le comité social et économique, le 6 avril 2022, courait à compter du 7 avril et s'achevait, en principe, le 16 avril 2022, mais était prorogé au 19 avril à minuit, dès lors que les 16, 17 et 18 avril étaient respectivement un samedi, un dimanche et un jour férié (lundi de Pâques) ; qu'en jugeant, après avoir pourtant admis qu' ''en principe, le point de départ du délai est le jour suivant la délibération, étant observé que si le délai obtenu après calcul se termine un samedi, un dimanche ou un jour férié, le délai est prolongé jusqu'au 1er jour ouvrable'', que l'ACSEA était forclose dès lors que la délibération du CSE décidant le recours à une expertise ''a été prise le 6 avril 2022 alors que le président du tribunal judiciaire, ou son délégué, a été saisi par assignation délivrée le 19 avril suivant soit au-delà du délai de 10 jours'', le tribunal judiciaire a violé les textes précités. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail et 641 et 642 du code de procédure civile :
4. Selon l'article L. 2315-86 du code du travail, sauf dans le cas prévu à l'article L. 1233-35-1, l'employeur saisit le juge judiciaire dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat de :
1° La délibération du comité social et économique décidant le recours à l'expertise s'il entend contester la nécessité de l'expertise ;
2° La désignation de l'expert par le comité social et économique s'il entend contester le choix de l'expert ;
3° La notification à l'employeur du cahier des charges et des informations prévues à l'article L. 2315-81-1 s'il entend contester le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise ;
4° La notification à l'employeur du coût final de l'expertise s'il entend contester ce coût.
5. Aux termes de l'article R. 2315-49 du même code, pour chacun des cas de recours prévus à l'article L. 2315-86, l'employeur saisit le juge dans un délai de dix jours.
6. Aux termes de l'article 641, alinéa 1er, du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.
7. L'article 642 du même code dispose que tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
8. Il en résulte que, d'une part, le délai prévu par l'article R. 2315-49 du code du travail étant exprimé en jours, ce délai ne commence à courir qu'à compter du lendemain de la délibération ou de la notification qui fait courir chacun des recours prévus par l'article L. 2315-86 du même code, et ainsi de la délibération recourant à une expertise si l'employeur entend contester la nécessité de celle-ci, de la désignation de l'expert si l'employeur entend contester le choix de l'expert, de la notification à l'employeur du cahier des charges et des informations prévues à l'article L. 2315-81-1 s'il entend contester le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise et de la notification à l'employeur du coût final de l'expertise s'il entend contester ce coût, d'autre part, ledit délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures et, s'il s'achève un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
9. Pour déclarer irrecevable la contestation par l'ACSEA de la nécessité de l'expertise, le jugement retient que le point de départ du délai prévu par l'article R. 2315-49 du code du travail est le jour de la délibération, que la délibération litigieuse prévoyant le recours à une expertise et la désignation de l'expert a été prise le 6 avril 2022, alors que le président du tribunal judiciaire a été saisi par assignation délivrée le 19 avril suivant, soit au-delà du délai de dix jours, et que ce délai étant un délai préfix, l'ACSEA est forclose.
10. En statuant ainsi, alors que le délai pour contester la délibération du comité en date du 6 avril 2022 avait commencé à courir le lendemain, soit le 7 avril, et que ce délai, qui devait expirer le samedi 16 avril, avait été prorogé jusqu'au mardi 19 avril, premier jour ouvrable suivant le lundi de Pâques, ce dont il résultait que la contestation formée par l'ACSEA par assignation délivrée le 19 avril 2022 était recevable, le président du tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 septembre 2022, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Caen ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Lisieux ;
Condamne le comité social et économique central de l'Association calvadosienne pour la sauvegarde de l'enfant à l'adulte aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.