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05/02/2025 | FRANCE | N°42500065

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 février 2025, 42500065


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


MB






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 5 février 2025








Cassation partielle




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 65 F-B


Pourvoi n° F 23-10.953










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
___________________

______




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 FÉVRIER 2025


1°/ La société Speed Rabbit Pizza, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],


2°/ la société ABC Food, société à respons...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

MB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2025

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 65 F-B

Pourvoi n° F 23-10.953

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 FÉVRIER 2025

1°/ La société Speed Rabbit Pizza, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société ABC Food, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° F 23-10.953 contre l'arrêt n° RG 22/08306 rendu le 23 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Domino's Pizza France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société French Pizza Inc, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des sociétés Speed Rabbit Pizza et ABC Food, de la SCP Spinosi, avocat des sociétés Domino's Pizza France et French Pizza Inc, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2022), rendu sur renvoi après cassation (Com., 7 juillet 2020, pourvoi n° 19-12.143), la société ABC Food exploite un point de vente de pizzas à emporter, en qualité de franchisée de la société Speed Rabbit Pizza (la société SRP), tandis que la société French Pizza exploite une activité identique, en qualité de franchisée de la société Domino's Pizza France (la société Domino's Pizza).

2. Reprochant aux sociétés Domino's Pizza et French Pizza des actes de concurrence déloyale du fait de l'octroi, par le franchiseur à son franchisé, de délais de paiement excessifs et de prêts contraires au monopole bancaire, la société ABC Food les a assignées en cessation de ces pratiques et paiement de dommages et intérêts. La société SRP est intervenue volontairement à la procédure au soutien des prétentions de la société ABC Food.

3. A titre reconventionnel, la société Domino's Pizza a demandé le paiement de dommages et intérêts du fait de l'obtention par les sociétés SRP et ABC Food et de la production, au cours de l'instance, de pièces couvertes par le secret des affaires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. Les sociétés ABC Food et SRP font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de la société ABC Food, fondées sur la violation du monopole bancaire, alors :

« 1°/ que selon l'article L. 511-7, I, 3 du code monétaire et financier, les interdictions définies à l'article L. 511-5 ne font pas obstacle à ce qu'une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l'une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que l'apport, le versement, soit l'opération de crédit, au sens de l'article L. 511-5 du même code, est intervenu antérieurement à l'acte de rachat des parts sociales de la société French Pizza par la société Domino's Pizza, puisqu'il a eu lieu le mois précédant la signature de l'acte de rachat des parts de la société French Pizza ; que lorsqu'elle y a procédé, la société Domino's Pizza n'avait donc pas un pouvoir de contrôle effectif sur la société French Pizza ; qu'en considérant, en cet état, que la société Domino's Pizza n'avait pas méconnu le monopole bancaire, la cour d'appel a violé les articles L. 511-5 et L. 511-7, I, 3 du code monétaire et financier

2°/ que la cession des parts sociales d'une Sarl n'est opposable aux tiers qu'après signification de la cession faite à la société dont les titres sont cédés, ou acceptation de sa part ; que la promesse synallagmatique de cession de parts sociales n'est pas opposable aux tiers et ne permet donc pas au (futur) cessionnaire, tant que la cession n'est pas effectivement intervenue, d'effectuer une opération de crédit, de procéder à une opération de trésorerie, avec la société dont elle acquiert les parts sociales ; qu'en considérant qu'il était peu important que le versement soit intervenu le mois précédant la signature de l'acte de rachat des parts de la société French Pizza dès lors que le versement est intervenu postérieurement à la signature de la promesse synallagmatique de cession et d'achats de parts sociales de la société French Pizza", la cour d'appel, qui s'est déterminée à partir de motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 223-14 et L. 223-17 du code de commerce, 1690 du code civil, et L. 511-5 et L. 511-7 I 3 du code monétaire et financier ;

3°/ qu'en raisonnant sur un versement constaté le mois précédant la signature de l'acte de rachat des parts de la société French Pizza, en retenant, à cet égard, la date à laquelle ce prêt avait été inscrit en compte courant dans les comptes de la société French Pizza, le 30 avril 1999, quand le rachat des parts sociales de la société French Pizza par la société Domino's Pizza était intervenu le 29 mai 1999, sans répondre aux conclusions d'appel des sociétés ABC Food et SRP soutenant que la société French Pizza avait fait l'aveu judiciaire, dans ses écritures d'appel, de ce que le prêt considéré lui avait en réalité été consenti par la société ADCO, ancienne dénomination sociale de la société Domino's Pizza, dès le 28 avril 1998, soit plus d'un an avant qu'elle n'acquière ses parts sociales, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. D'une part, il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions des sociétés SRP et ABC Food qu'elles aient soutenu que la cession des parts sociales de la société French Pizza était inopposable à cette société faute de lui avoir été signifiée.

6. D'autre part, l'arrêt relève qu'au regard de la détention de 100% des parts de la société French Pizza par la société Domino's Pizza, il importe peu que l'opération de crédit consentie par cette société au profit de la première sous la forme d'un versement en compte courant d'associé soit intervenue le mois précédant la signature de l'acte de rachat des parts de la société French Pizza dès lors que le versement a été effectué postérieurement à la signature de la promesse synallagmatique de cession et d'achat de ces mêmes parts.

7. De ces motifs, faisant ressortir que par l'effet de la promesse synallagmatique de cession et d'achat de la totalité des parts sociales de la société French Pizza, la société Domino's Pizza la contrôlait effectivement à la date de l'avance en compte courant, la cour d'appel en a exactement déduit que la société Domino's Pizza n'avait pas méconnu l'interdiction édictée à l'article L.511-5 du code monétaire et financier.

8. Il s'ensuit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche pour être nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième branches

Enoncé du moyen

9. Les sociétés ABC Food et SRP font le même grief à l'arrêt, alors :

« 4°/ qu'en relevant que le maintien de cet avantage sous forme d'apport en compte courant d'associé lors de la vente par Domino's Pizza de ses parts dans la société French Pizza à la société BFC, ne peut davantage s'analyser comme une violation par Domino's Pizza du monopole bancaire alors que les parties à l'acte de cession des parts sociales du 9 décembre 2000 ont convenu des modalités d'apurement du compte courant d'associés par French Pizza en 4 versements trimestriels de 58 054 francs à compter du 1er avril 2001, la cour d'appel, qui a ainsi constaté que la société Domino's Pizza avait maintenu son apport en compte courant après avoir cédé ses parts sociales de la société French Pizza, ce dont il s'évince que cet avantage a été maintenu alors même que la société Domino's Pizza n'exerçait plus de contrôle effectif sur la société French Pizza, ce qui excluait de pouvoir retenir l'existence d'une opérations de trésorerie entre sociétés ayant des liens de capital conférant à la société Domino's Pizza un pouvoir de contrôle effectif sur la société French Pizza, la cour d'appel a violé les articles L. 511-5 et L. 511-7, I, 3 du code monétaire et financier ;

5°/ qu'en relevant que le maintien de cet avantage sous forme d'apport en compte courant d'associé lors de la vente par Domino's Pizza de ses parts dans la société French Pizza à la société BFC, ne peut davantage s'analyser comme une violation par Domino's Pizza du monopole bancaire alors que les parties à l'acte de cession des parts sociales du 9 décembre 2000 ont convenu des modalités d'apurement du compte courant d'associés par French Pizza en 4 versements trimestriels de 58 054 francs à compter du 1er avril 2001, quand il n'importe, à cet égard, dès lors qu'il n'existait plus entre ces sociétés de liens de capital conférant à la société Domino's Pizza un pouvoir de contrôle effectif sur la société French Pizza, que les sociétés Domino's Pizza et BFC aient convenu, dans l'acte de cession de parts sociales du 9 décembre 2000, des modalités d'apurement du compte courant d'associés par la société French Pizza, la cour d'appel, qui s'est déterminée à partir de motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 511-5 et L. 511-7, I, 3 du code monétaire et financier ;

6°/ qu'en relevant qu'en outre, l'article L. 312-2,1 du code monétaire et financier dispose dans sa version en vigueur du 1 janvier 2014 au 24 mai 2019 : Sont considérés comme fonds remboursables du public les fonds qu'une personne recueille d'un tiers, notamment sous la forme de dépôts, avec le droit d'en disposer pour son propre compte mais à charge pour elle de les restituer. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions et limites dans lesquelles les émissions de titres de créance sont assimilables au recueil de fonds remboursables du public, au regard notamment des caractéristiques de l'offre ou du montant nominal des titres. Toutefois, ne sont pas considérés comme fonds remboursables du public : 1. Les fonds reçus ou laissés en compte par les associés en nom ou les commanditaires d'une société de personnes, les associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social, les administrateurs, les membres du directoire et du conseil de surveillance ou les gérants ainsi que les fonds provenant de prêts participatifs. Il s'en déduit que, les apports en compte courant des associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social ne sont pas considérés comme fonds remboursables du public et ne relèvent donc pas du monopole bancaire instauré par l'article L 511-5 du code monétaire et financier", quand ce qui était reproché à la société Domino's Pizza, c'est d'avoir effectué des opérations de banque/crédit à titre habituel en consentant des prêts ou des avances en compte courant à ses franchisés, de sorte qu'il importait peu que, dans ce cadre, les fonds reçus par le bénéficiaire n'aient pas eu nature, le concernant, de fonds remboursables du public, la cour d'appel s'est déterminée à partir d'un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 511-5 alinéa 1 du code monétaire et financier, ensemble l'article L. 3122,1 du même code ;

7°/ qu'en relevant qu'en outre, l'article L. 312-2,1 du code monétaire et financier dispose dans sa version en vigueur du 1 janvier 2014 au 24 mai 2019 : Sont considérés comme fonds remboursables du public les fonds qu'une personne recueille d'un tiers, notamment sous la forme de dépôts, avec le droit d'en disposer pour son propre compte mais à charge pour elle de les restituer. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions et limites dans lesquelles les émissions de titres de créance sont assimilables au recueil de fonds remboursables du public, au regard notamment des caractéristiques de l'offre ou du montant nominal des titres. Toutefois, ne sont pas considérés comme fonds remboursables du public : 1. Les fonds reçus ou laissés en compte par les associés en nom ou les commanditaires d'une société de personnes, les associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social, les administrateurs, les membres du directoire et du conseil de surveillance ou les gérants ainsi que les fonds provenant de prêts participatifs. Il s'en déduit que, les apports en compte courant des associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social ne sont pas considérés comme fonds remboursables du public et ne relèvent donc pas du monopole bancaire instauré l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, cependant que l'article L. 312-2,1 du code monétaire et financier ne valide les avances en compte courant qu'en ce qui concerne la personne qui reçoit les fonds, visée par l'interdiction prévue par l'article L. 511-5 alinéa 2 du même code, et non celle qui y procède, visée par l'interdiction prévue par l'article L. 511-5 alinéa 1 dudit code lorsqu'elles sont habituelles et effectuées au profit de plus d'une personne, la cour d'appel s'est déterminée à partir de motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 511-5 alinéa 1 du mode monétaire et financier, o ensemble l'article L. 312-2,1 du même code ;

8°/ qu'en relevant qu'en outre, l'article L. 312-2,1 du code monétaire et financier dispose dans sa version en vigueur du 1 janvier 2014 au 24 mai 2019 : Sont considérés comme fonds remboursables du public les fonds qu'une personne recueille d'un tiers, notamment sous la forme de dépôts, avec le droit d'en disposer pour son propre compte mais à charge pour elle de les restituer. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions et limites dans lesquelles les émissions de titres de créance sont assimilables au recueil de fonds remboursables du public, au regard notamment des caractéristiques de l'offre ou du montant nominal des titres. Toutefois, ne sont pas considérés comme fonds remboursables du public : 1. Les fonds reçus ou laissés en compte par les associés en nom ou les commanditaires d'une société de personnes, les associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social, les administrateurs, les membres du directoire et du conseil de surveillance ou les gérants ainsi que les fonds provenant de prêts participatifs. Il s'en déduit que, les apports en compte courant des associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social ne sont pas considérés comme fonds remboursables du public et ne relèvent donc pas du monopole bancaire instauré l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, après avoir constaté que l'apport en compte courant était intervenu antérieurement à l'acte de rachat des parts sociales de la société French Pizza par la société Domino's Pizza, puisqu'il a eu lieu le mois précédant la signature de l'acte de rachat des parts de la société French Pizza", de sorte que lorsqu'elle y a procédé, la société Domino's Pizza ne détenait pas au moins 5 % du capital social de la société French Pizza, la cour d'appel a violé l'article L. 511-5 alinéa 2 du code monétaire et financier, ensemble l'article L. 312-2,1 du même code ;

9°/ qu'en relevant qu'en outre, l'article L. 312-2,1 du code monétaire et financier dispose dans sa version en vigueur du 1 janvier 2014 au 24 mai 2019 : Sont considérés comme fonds remboursables du public les fonds qu'une personne recueille d'un tiers, notamment sous la forme de dépôts, avec le droit d'en disposer pour son propre compte mais à charge pour elle de les restituer. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions et limites dans lesquelles les émissions de titres de créance sont assimilables au recueil de fonds remboursables du public, au regard notamment des caractéristiques de l'offre ou du montant nominal des titres. Toutefois, ne sont pas considérés comme fonds remboursables du public : 1. Les fonds reçus ou laissés en compte par les associés en nom ou les commanditaires d'une société de personnes, les associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social, les administrateurs, les membres du directoire et du conseil de surveillance ou les gérants ainsi que les fonds provenant de prêts participatifs. Il s'en déduit que, les apports en compte courant des associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social ne sont pas considérés comme fonds remboursables du public et ne relèvent donc pas du monopole bancaire instauré l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, après avoir constaté que la société Domino's Pizza avait maintenu son apport en compte courant après avoir cédé ses parts sociales de la société French Pizza, soit au cours d'une période durant laquelle elle ne détenait pas au moins 5 % du capital social de la société French Pizza, la cour d'appel a violé l'article L. 511-5 alinéa 2 du code monétaire et financier, ensemble l'article L. 312-2,1 du même code.»

Réponse de la Cour

10. Ayant relevé que les parties à l'acte de cession des parts sociales du 9 décembre 2000 avaient convenu des modalités d'apurement du compte courant d'associés par la société French Pizza en quatre versements trimestriels de 58 054 francs à compter du 1er avril 2001, ce dont il résultait que la société Domino's Pizza avait mis fin à l'avance en compte courant en exigeant son remboursement, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle n'avait pas méconnu l'interdiction édictée à l'article L. 511-5 du code monétaire et financier.

11. Le moyen, qui critique en ses sixième à neuvième branches des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le second moyen, en ce qu'il reproche à l'arrêt de rejeter pour le surplus les demandes formées par la société Domino's Pizza au titre de la violation du secret des affaires

12. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, la recevabilité du moyen est examinée.

13. Les sociétés ABC Food et SRP sont sans intérêt à critiquer le chef de dispositif rejetant pour le surplus les demandes formées par la société Domino's Pizza au titre de la violation du secret des affaires.

14. Le moyen n'est donc pas recevable.

Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, en ce qu'il reproche à l'arrêt de condamner in solidum les sociétés ABC Food et SRP à payer à la société Domino's Pizza la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi par cette dernière du fait de la violation du secret des affaires

Enoncé du moyen

15. Les sociétés ABC Food et SRP font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société Domino's Pizza la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi par cette dernière du fait de la violation du secret des affaires, alors :

« 1°/ qu'est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : 1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ; que la pièce D3, qui, selon l'arrêt, serait protégée au titre du secret des affaires, consiste, ainsi qu'il l'indique, en un guide d'évaluation des points de vente de 2018 de 23 pages communiqué par Domino's Pizza à ses franchisés, qui contient de nombreux conseils à destination de ces derniers pour leur permettre d'améliorer la qualité de leur gestion et ainsi la rentabilité de leur point de vente" ; qu'en affirmant, pour retenir qu'elle bénéficierait d'une telle protection, par une simple reproduction du texte précité, que cette pièce n'est pas généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité, en l'espèce, la fabrication, la vente à emporter et la livraison à domicile de pizzas", énonciation d'ordre général dont il ne ressort pas que, concrètement, ce guide d'évaluation des points de vente ne serait pas aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 151-1 du code de commerce ;

2°/ qu'est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : 1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ; que la pièce D3, qui, selon l'arrêt, serait protégée au titre du secret des affaires, consiste, ainsi qu'il l'indique, en un guide d'évaluation des points de vente de 2018 de 23 pages communiqué par Domino's Pizza à ses franchisés, qui contient de nombreux conseils à destination de ces derniers pour leur permettre d'améliorer la qualité de leur gestion et ainsi la rentabilité de leur point de vente" ; qu'en affirmant, pour retenir qu'elle bénéficierait d'une telle protection, par une simple reproduction du texte précité, que cette pièce n'est pas généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité, en l'espèce, la fabrication, la vente à emporter et la livraison à domicile de pizzas", quand ce document est librement accessible sur Internet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 151-1 du code de commerce ;

3°/ qu'est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : 1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ; que la pièce D3, qui, selon l'arrêt, serait protégée au titre du secret des affaires, consiste, ainsi qu'il l'indique, en un guide d'évaluation des points de vente de 2018 de 23 pages communiqué par Domino's Pizza à ses franchisés, qui contient de nombreux conseils à destination de ces derniers pour leur permettre d'améliorer la qualité de leur gestion et ainsi la rentabilité de leur point de vente" ; qu'en se bornant à relever que ce document constituait un vecteur de transmission du savoir-faire distinctif et secret de Domino's Pizza", ce dont il ne ressort pas qu'il pourrait revêtir une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 151-1 du code de commerce ;

4°/ que l'obtention d'un secret des affaires est illicite lorsqu'elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et qu'elle résulte : 1° D'un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d'une appropriation ou d'une copie non autorisée de ces éléments ; 2° De tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant qu'il ne résulte pas des énonciations de l'arrêt que l'obtention de la pièce D3 par les sociétés SRP et ABC Food ait été illicite pour avoir été réalisée sans le consentement de son détenteur légitime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 151-4 du code de commerce ;

5°/ que l'obtention d'un secret des affaires est illicite lorsqu'elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et qu'elle résulte : 1° D'un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d'une appropriation ou d'une copie non autorisée de ces éléments ; 2° De tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant qu'il ne résulte pas des énonciations de l'arrêt que l'obtention de la pièce D3 par les sociétés SRP et ABC Food ait été illicite pour avoir résulté d'un accès non autorisé à ce document ou à un support le comportant, d'une appropriation ou d'une copie non autorisée de ces éléments, ou encore d'un comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 151-4 et L. 151-5 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

16. Ayant relevé, d'une part, que la pièce litigieuse D3 était un guide d'évaluation des points de vente pour l'année 2018, contenant de nombreux conseils pour permettre aux franchisés du réseau Domino's Pizza d'améliorer la qualité de leur gestion et la rentabilité de leur point de vente, d'autre part, que ce guide n'avait été adressé qu'aux membres de ce réseau et qu'il mentionnait, en bas de chacune de ses pages, son caractère strictement confidentiel ainsi que l'interdiction de toute communication en dehors du réseau, l'arrêt retient que ce document est un vecteur de transmission du savoir-faire distinctif du franchiseur et en déduit que les informations qu'il contenait avaient une valeur commerciale effective ou potentielle et n'étaient pas généralement connues ou aisément accessibles pour les personnes familières de ce type d'informations, dans le secteur d'activité de la fabrication et de la vente à emporter de pizzas.

17. En l'état de ces constations et appréciations, dont il résulte, d'une part, que la pièce D3 était protégée par le secret des affaires de la société Domino's Pizza, d'autre part, que les sociétés SRP et ABC Food savaient ou auraient dû savoir que ce document leur avait été remis sans le consentement de la société Domino's Pizza et en méconnaissance d'une obligation de confidentialité à laquelle étaient tenues les sociétés appartenant au réseau dirigé par ce franchiseur, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la deuxième branche, qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision.

Mais sur le second moyen, pris en sa septième branche, en ce qu'il reproche à l'arrêt de condamner in solidum les sociétés ABC Food et SRP à payer à la société Domino's Pizza la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi par cette dernière du fait de la violation du secret des affaires

Enoncé du moyen

18. Les sociétés ABC Food et SRP font le même grief à l'arrêt, alors « que le secret des affaires n'est pas opposable lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l'Union européenne, les traités ou accords internationaux en vigueur ou le droit national, notamment dans l'exercice des pouvoirs d'enquête, de contrôle, d'autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives ; qu'à l'occasion d'une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n'est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue : [...] 3° Pour la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national ; qu'en se prononçant de la sorte sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la production de la pièce D3 n'était pas faite pour la protection d'un intérêt légitime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 151-7 et L. 151-8 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 151-8, 3°, du code de commerce et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

19. Selon le premier de ces textes, à l'occasion d'une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n'est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue pour la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national.

20. Il résulte du second que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments couverts par le secret des affaires, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

21. Pour condamner les sociétés SRP et ABC Food à des dommages et intérêts pour avoir produit, au cours de l'instance, une pièce protégée par le secret des affaires, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que la production de cette pièce constituerait une exception à la protection du secret des affaires prévues aux articles L. 151-7 et L. 151-8 du code de commerce, notamment qu'elle serait justifiée par la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national.

22. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la pièce produite n'était pas indispensable pour prouver les faits allégués de concurrence déloyale et si l'atteinte portée par son obtention ou sa production au secret des affaires de la société Domino's Pizza n'était pas strictement proportionnée à l'objectif poursuivi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Speed Rabbit Pizza et ABC Food à payer à la société Domino's Pizza France la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi par cette dernière du fait de la violation du secret des affaires, l'arrêt rendu le 23 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composé ;

Condamne les sociétés Domino's Pizza France et French Pizza aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Domino's Pizza France et French Pizza et les condamne in solidum à payer aux sociétés Speed Rabbit Pizza et ABC Food la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq et signé par Mme Schmidt, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. Vigneau président, empêché, le conseiller rapporteur et Mme le greffier de chambre, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42500065
Date de la décision : 05/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

Selon l'article L. 151-8, 3°, du code de commerce, à l'occasion d'une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n'est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue pour la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national. Il résulte de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments couverts par le secret des affaires, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. Il s'ensuit que ne justifie pas légalement sa décision une cour d'appel qui condamne une société au paiement de dommages-intérêt pour avoir produit, au cours de l'instance, une pièce protégée par le secret des affaires, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette pièce n'était pas indispensable pour prouver les faits allégués de concurrence déloyale et si l'atteinte portée par son obtention ou sa production au secret des affaires n'était pas strictement proportionnée à l'objectif poursuivi.


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 fév. 2025, pourvoi n°42500065


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:42500065
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