LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 24-84.978 F-D
N° 00104
SL2
4 FÉVRIER 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 FÉVRIER 2025
M. [X] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 26 juin 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui, notamment, des chefs d'infractions aux législations sur les armes et les stupéfiants, recel aggravé et associations de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 13 septembre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [X] [O], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [X] [O] a été mis en examen notamment des chefs susvisés le 27 septembre 2022.
3. Le 31 janvier 2023, il a présenté une requête en annulation d'actes et de pièces de la procédure.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce ou d'un acte de la procédure, alors :
« 1°/ que l'occupant des lieux est bien fondé à invoquer un grief résultant de l'inobservation des dispositions du deuxième alinéa de l'article 57 du code de procédure pénale dès lors qu'il conteste, y compris pour la première fois devant la chambre de l'instruction, la présence effective, à son domicile, des objets qui y ont été saisis au cours de la perquisition ; qu'en retenant, pour dire n'y avoir lieu à annulation de la perquisition, que le mis en examen ne conteste pas la présence, dans son domicile, des objets qui y ont été saisis, lorsque cette contestation figure expressément dans sa requête en nullité et son mémoire, la chambre de l'instruction a violé les articles 171, 802, 57 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que toute personne a le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; que l'occupant des lieux est bien fondé à invoquer un grief résultant de l'inobservation des dispositions du deuxième alinéa de l'article 57 du code de procédure pénale dès lors qu'il conteste, dans sa requête en nullité, la présence effective, à son domicile, des objets qui y ont été saisis au cours de la perquisition, sans qu'il ne puisse lui être reproché son silence gardé lors de ses auditions et interrogatoires ; qu'en retenant, pour dire que le mis en examen ne contestait pas la présence, dans son logement, des objets qui y ont été saisis, que durant la totalité de ses auditions et interrogatoires il a fait valoir son droit au silence, la chambre de l'instruction s'est prononcée par un motif inopérant et a violé les articles 171, 802, 57 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 14 § 3 g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 57, 171 et 802 du code de procédure pénale :
5. Il se déduit de ces textes qu'en cas de méconnaissance des prescriptions de l'article 57, alinéa 2, du code de procédure pénale, dont l'objet est d'authentifier, lors d'une perquisition, la présence effective sur les lieux des objets saisis, il y a lieu à annulation des opérations si la personne concernée subit une atteinte à ses intérêts, laquelle peut résulter de ce que cette personne conteste la présence des objets saisis. L'absence de contestation ne peut se déduire de ce que le requérant a exercé son droit de se taire pendant ses auditions et interrogatoires.
6. Pour rejeter le moyen de nullité de la perquisition effectuée au domicile du requérant, l'arrêt attaqué énonce que, faute de la présence de ce dernier chez lui et de désignation par celui-ci d'un représentant de son choix, l'officier de police judiciaire aurait dû requérir deux témoins pour procéder aux opérations.
7. Les juges ajoutent que l'intéressé a été interrogé au cours de sa garde à vue et par le juge d'instruction sur les éléments trouvés lors de la perquisition, que, durant la totalité de ses auditions et interrogatoires, il a fait valoir son droit au silence et qu'il convient en conséquence de constater qu'il ne conteste pas la présence, dans son logement, des objets qui y ont été saisis.
8. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
9. En effet, d'une part, les juges n'étaient pas fondés à déduire du silence opposé par l'intéressé lors de ses auditions et interrogatoires qu'il ne contestait pas la présence des objets saisis à son domicile et que de ce fait, il ne subissait aucun grief par suite de l'irrégularité des opérations de perquisition.
10. D'autre part, les juges se sont abstenus de tirer les conséquences du fait que, dans sa requête en nullité et dans son mémoire régulièrement déposé devant la chambre de l'instruction, l'intéressé formulait une telle contestation.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 26 juin 2024, mais en ses seules dispositions ayant rejeté le moyen de nullité de la perquisition effectuée le 12 avril 2022 au domicile du requérant, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille vingt-cinq.