LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 janvier 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 62 F-D
Pourvoi n° X 23-22.836
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025
Mme [T] [G], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° X 23-22.836 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2023 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile - expropriations), dans le litige l'opposant à la Métropole de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de Mme [G], de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la Métropole de [Localité 5], après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. L'arrêt attaqué (5 septembre 2023) fixe les indemnités revenant à Mme [G], par suite de l'expropriation, au profit de la Métropole de [Localité 5], d'appartements et de caves situés dans un immeuble en copropriété lui appartenant.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. Mme [G] fait grief à l'arrêt de fixer comme il le fait le montant des indemnités de dépossession et de remploi lui revenant, alors « que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation ; que s'il peut être légitime de déduire de la valeur standard du bien exproprié le coût des travaux nécessaires à sa remise en état, encore faut-il que ces travaux n'aient pas déjà été exécutés ; que pour fixer le montant des travaux devant venir en déduction de la valeur du bien, la cour d'appel retient l'évaluation 2013 de ces travaux, actualisée en 2021 ; qu'en statuant de la sorte après avoir constaté qu'ensuite d'un arrêté de péril pris en 2014, les travaux de structure avaient été réalisés par la copropriété, ce dont se déduit que les travaux estimés en 2013 avaient en partie été exécutés et ne pouvaient dès lors être déduits de la valeur de l'immeuble à exproprier, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code de l'expropriation. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
3. Aux termes de ce texte, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
4. Pour fixer l'indemnité de dépossession, l'arrêt retient, au vu des éléments produits, notamment l'évaluation des travaux établie en 2013 par la Métropole de [Localité 5], réactualisée en 2021, déduction faite des honoraires de vente et de la marge de l'opérateur, un abattement de 2 300 euros.
5. En statuant ainsi, après avoir relevé que l'état de l'immeuble était plus dégradé en 2014 qu'en 2019 et que des travaux de structure avaient été réalisés pour parvenir à la mainlevée, à cette dernière date, de l'arrêté de péril, ce dont il se déduisait qu'une partie des travaux dont le coût avait été estimé en 2013 par la Métropole de [Localité 5] avait été réalisée, de sorte que celui-ci ne pouvait être déduit de la valeur du bien à exproprier, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Mme [G] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cour d'appel a elle-même constaté que les caves associées aux appartements constituaient une plus-value pour ceux-ci ; qu'en refusant que la surface de ces caves soit prise en considération dans l'appréciation de la surface corrigée, et en excluant par ailleurs toute indemnisation pour ces caves, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 321-1 du code de l'expropriation. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
7. Aux termes de ce texte, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
8. Pour rejeter la demande de Mme [G] tendant à voir prendre en compte, dans la valorisation des biens lui appartenant, une surface pondérée des caves sur la base d'un prix moyen pour ce type de bien, l'arrêt retient que leur superficie ne peut augmenter artificiellement celle des appartements.
9. En se déterminant ainsi, après avoir relevé que les caves constituaient une plus-value pour les ventes, sans qu'il résulte d'aucun motif que la valeur moyenne du prix retenu pour les appartements expropriés prenait en compte une telle plus-value, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à 303 940 euros l'indemnité totale de dépossession due par la Métropole de [Localité 5] à Mme [G] par suite de l'expropriation du bien situé au [Adresse 1] à [Localité 6] (parcelle cadastrée section AO n° [Cadastre 2]) pour les lots n° 53, 18, 19, 45 et 50, dont 275 400 euros au titre de l'indemnité principale et 28 540 euros au titre de l'indemnité de réemploi, l'arrêt rendu le 5 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la Métropole de [Localité 5] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Métropole de [Localité 5] et la condamne à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.