LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 janvier 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 58 F-D
Pourvoi n° D 23-16.218
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025
La société [Adresse 2], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 23-16.218 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société ACA France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société Daurel et associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Brillet, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société civile immobilière [Adresse 2], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat des sociétés Daurel et associés et Mutuelle des architectes français, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Brillet, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 2 mars 2023), la société civile immobilière [Adresse 2] (la SCI) a confié à la société ACA France (l'entrepreneur) la réalisation d'un immeuble composé de quatre appartements.
2. La maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à la société Daurel et associés, architecte (le maître d'oeuvre), assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF).
3. Lui imputant divers manquements, l'entrepreneur a procédé à la résiliation du marché aux torts exclusifs de la SCI, puis l'a assignée en paiement de diverses sommes.
4. La SCI a assigné le maître d'oeuvre.
5. Les deux instances ont été jointes et la MAF est intervenue volontairement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La SCI fait grief à l'arrêt de constater que les travaux ont été réceptionnés sans réserve à la date du 12 mai 2015, de rejeter ses demandes de dommages-intérêts dirigées contre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre au titre des travaux ayant fait l'objet de reprise et de ceux, objet de malfaçons ou de désordres, dont la reprise reste à effectuer et des frais supplémentaires exposés à raison du retard du chantier, de la condamner à payer à l'entrepreneur une certaine somme au titre du compte inter-entreprises et de constater qu'aucune demande n'était formée contre la MAF, alors « que s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ; que la cour d'appel a statué au vu des conclusions contenues dans l'assignation signifiée par la SCI les 2 et 5 septembre 2022 dont elle a rappelé le contenu ; qu'en statuant ainsi quand la SCI avait produit ses dernières conclusions le 12 janvier 2023, contenant des prétentions différentes, développant de nouveaux arguments et appuyées par 17 pièces supplémentaires, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéas 3 et 4, du code de procédure civile :
7. Il résulte de ces textes que, s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date.
8. Pour constater que les travaux ont été réceptionnés sans réserve à la date du 12 mai 2015, rejeter les demandes de la SCI de dommages-intérêts dirigées contre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre au titre des reprises de malfaçons et des frais supplémentaires exposés à raison du retard du chantier, condamner la SCI à payer à l'entrepreneur une certaine somme au titre du compte inter-entreprises et constater qu'aucune demande n'était formée contre la MAF, la cour d'appel s'est prononcée au visa des assignations à jour fixe de la SCI signifiées les 2 et 5 septembre 2022.
9. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des productions que la SCI avait transmis des conclusions le 12 janvier 2023 comportant de nouvelles demandes et une évolution de celle relative à la réception des travaux, la cour d'appel, qui n'a pas visé ces écritures et qui s'est prononcée par des motifs dont il ne résulte pas qu'elle les aurait prises en considération, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation des chef de dispositif de l'arrêt constatant que les travaux ont été réceptionnés sans réserve à la date du 12 mai 2015, rejetant les demandes de dommages-intérêts de la SCI dirigées contre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre au titre des travaux ayant fait l'objet de reprise et de ceux, objet de malfaçons ou de désordres, dont la reprise reste à effectuer, confirmant le jugement en ce qu'il rejette les demandes de dommages-intérêts de la SCI dirigées contre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre au titre du surcoût du chantier et des coûts financiers supplémentaires, condamnant la SCI à payer à l'entrepreneur une certaine somme au titre du compte inter-entreprises et constatant qu'aucune demande n'était formée contre la MAF n'entraîne pas la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt statuant sur les dépens et les frais irrépétibles, qui ne s'y rattachent pas par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de dommages-intérêts de la société civile immobilière [Adresse 2] dirigées contre la société ACA France et la société Daurel et associés au titre des travaux ayant fait l'objet de reprise et de ceux, objet de malfaçons ou de désordres, dont la reprise reste à effectuer, confirme le jugement rejetant les demandes de dommages-intérêts de la société civile immobilière [Adresse 2] dirigées contre la société ACA France et la société Daurel et associés au titre du surcoût du chantier et des coûts financiers supplémentaires, condamne la société civile immobilière [Adresse 2] à payer à la société ACA France une certaine somme au titre du compte inter-entreprises et constate qu'aucune demande n'était formée contre la Mutuelle des architectes français, l'arrêt rendu le 2 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne la société Daurel et associés et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.