LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 janvier 2025
Cassation partielle
sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 25 F-D
Pourvoi n° U 23-12.184
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [N], épouse [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 décembre 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JANVIER 2025
Mme [O] [N], épouse [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 23-12.184 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre de la famille), dans le litige l'opposant à M. [Z] [B], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [N], épouse [Y], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [B], et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 1er juin 2022), par requête du 9 novembre 2021, Mme [N] a saisi un juge aux affaires familiales d'une demande d'ordonnance de protection contre M. [B], son voisin. Celui-ci a demandé reconventionnellement une ordonnance de protection.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Mme [N] fait grief à l'arrêt d'autoriser M. [B] à installer un brise-vue rigide haut de deux mètres entre sa propriété et celle de Mme [N] à charge pour eux de supporter l'achat du matériel nécessaire à proportion de cinquante pour cent chacun, M. [B] réalisant lui-même l'installation, alors « que commet un excès de pouvoir le juge qui, après avoir déclaré une demande irrecevable, statue ensuite sur son bien-fondé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a "déclaré irrecevable la demande reconventionnelle d'[Z] [B] de délivrance d'une ordonnance de protection" (ordonnance, p. 5) en considérant que "les prétentions de l'intéressé [n'ont] pas été présentées selon les modalités prévues par l'article 515-11 du code civil" (arrêt p. 3) ; qu'en autorisant néanmoins M. [B] à ériger un brise-vue de 2 mètres de haut entre sa propriété et celle de Mme [Y], la cour d'appel a commis un excès de pouvoir en violation de l'article 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 122 du code de procédure civile :
4. Le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond.
5. Après avoir rejeté la demande de Mme [N], puis déclaré M. [B] irrecevable en sa demande reconventionnelle, l'arrêt autorise celui-ci à installer un brise-vue rigide haut de deux mètres entre sa propriété et celle de Mme [N], à charge pour ceux-ci de supporter l'achat du matériel nécessaire à proportion de cinquante pour cent chacun.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. La cassation n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond dès lors que peut être retranché du dispositif le chef censuré.
9. La cassation du chef du dispositif autorisant M. [B] à installer un brise-vue rigide haut de deux mètres entre sa propriété et celle de Mme [N] à charge pour eux de supporter l'achat du matériel nécessaire à proportion de cinquante pour cent chacun, M. [B] réalisant lui-même l'installation, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt laissant à chacune des parties la charge de ses dépens et disant n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il autorise M. [B] à installer un brise-vue rigide haut de deux mètres entre sa propriété et celle de Mme [N] à charge pour eux de supporter l'achat du matériel nécessaire à proportion de cinquante pour cent chacun, M. [B] réalisant lui-même l'installation, l'arrêt rendu le 1er juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [B] à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt-cinq.