LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 24-83.571 F-D
N° 00031
ODVS
14 JANVIER 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 JANVIER 2025
M. [N] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, en date du 5 juin 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 11 octobre 2023, pourvoi n° 23-80.819, publié au Bulletin), dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'escroquerie, travail dissimulé, en bande organisée, obtention d'un paiement avant le septième jour, pratique commerciale trompeuse, abus de faiblesse, blanchiment, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 16 septembre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [N] [P], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [N] [P] a été mis en examen des chefs susvisés.
3. Il a présenté une requête en nullité portant notamment sur les opérations de perquisition diligentées dans les locaux de la société [1].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens de nullité présentés par la défense et dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure pour le surplus, alors :
« 1°/ d'une part que si les officiers de police judiciaire, lors d'une enquête préliminaire, ont recours, lors de perquisitions et de saisies, à des personnes qualifiées pour les assister, celles-ci, si elles ne sont pas inscrites sur une liste d'experts, doivent prêter, par écrit, le serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience ; qu'il n'en va autrement que lorsque les « personnes qualifiées » assistant les enquêteurs sont des fonctionnaires intervenant dans le cadre de leurs pouvoirs spéciaux d'enquête ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure, comme l'a relevé la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans son précédent arrêt, que les deux inspecteurs de la concurrence, consommation et répression des fraudes ayant assisté les enquêteurs lors de la perquisition de la société [1] agissaient en qualité de « personnes qualifiées requises non inscrites sur une liste d'experts » ; qu'ils ne pouvaient légalement intervenir dans le cadre de leurs pouvoirs spéciaux d'enquête, les infractions d'escroquerie aggravée et de travail dissimulé objet de l'information judiciaire échappant à leur domaine de compétence ; qu'ils étaient dès lors tenus de prêter, par écrit, le serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience ; qu'en affirmant, à l'inverse, pour refuser de prononcer l'annulation de la perquisition litigieuse, que « les dispositions des articles invoquées par le requérant au soutien de sa demande d'annulation d'actes de procédure ne sont pas applicables en l'espèce car ne visant pas les agents de l'Etat ayant des pouvoirs spécifiques de police tels les fonctionnaires de la DGCCRF agissant dans leur domaine de compétence spécifique avec les mêmes pouvoirs que ceux que ceux-ci auraient tenus d'instructions du parquet qui leur auraient été directement délivrées, étant au surplus rappelés que ceux-ci ont agi dans le cadre des pouvoirs spécifiques de police liés à leur compétence, à savoir la concurrence et la répression des fraudes », quand les agents de la DGCCRF avaient précisément été requis sur le fondement de l'article 77-1 du Code de procédure pénale en qualité « personnes qualifiées » et étaient intervenus sur des faits ne relevant pas de leur champ de compétence, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 77-1 et 60 du Code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que l'expert nominativement requis par les enquêteurs doit accomplir sa mission personnellement et prêter serment lui-même, fût-il membre d'une administration publique ; qu'au cas d'espèce, à supposer que Monsieur [C] ait effectivement prêté serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et conscience, force est de constater que la réquisition aux fins d'assistance des inspecteurs de la concurrence n'était pas adressée à Monsieur [C], mais à « M. le responsable ou son représentant de la direction départementale de la protection des populations » ; qu'il s'ensuit que cette prestation de serment n'était pas de nature à couvrir l'irrégularité invoquée par la défense ; qu'en affirmant à l'inverse que « la formule du serment n'est pas sacramentelle et la preuve de celui-ci peut résulter de sa mention dans une pièce de la procédure, ce qui est le cas en l'espèce » et que le serment prêté par Monsieur [C] engageait « chacun des fonctionnaires délégués à son exécution [de la réquisition] », sans rechercher si Monsieur [C] était bien habilité à exécuter la mission confiée au seul « responsable ou son représentant de la direction départementale de la protection des populations », la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 60 et 77-1 du Code de procédure pénale ;
3°/ enfin que l'expert nominativement requis par les enquêteurs doit accomplir sa mission personnellement et prêter serment lui-même, fût-il membre d'une administration publique ; qu'au cas d'espèce, à supposer que Monsieur [C] ait effectivement prêté serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et conscience, force est de constater que tel n'est pas le cas de Monsieur [W], qui a également participé à la perquisition litigieuse ; qu'il s'ensuit que cette prestation de serment n'était pas de nature à couvrir l'irrégularité invoquée par la défense ; qu'en affirmant à l'inverse que « la formule du serment n'est pas sacramentelle et la preuve de celui-ci peut résulter de sa mention dans une pièce de la procédure, ce qui est le cas en l'espèce » et que le serment prêté par Monsieur [C] engageait « chacun des fonctionnaires délégués à son exécution [de la réquisition] », sans s'assurer que Monsieur [W] avait également prêté serment lui-même, la Chambre de l'instruction a violé les articles 60 et 77-1
du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
5. Pour écarter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce qu'il est clairement mentionné par l'officier de police judiciaire ayant procédé à la perquisition que MM. [C] et [W] l'ont assisté sur réquisition.
6. Les juges observent que MM. [C] et [W] n'ont pas été personnellement requis, la réquisition visant « M. le responsable ou son représentant de la direction départementale de la protection des populations ».
7. Ils ajoutent que, si en principe toute personne intervenant en qualité de personne qualifiée doit prêter serment, il en va différemment lorsque l'agent intervient dans le cadre des pouvoirs de police qui lui sont conférés par la loi.
8. Les juges relèvent que les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes tiennent des articles L. 121-2 à L. 121-4, L. 511-3, L. 511-5 et L. 512-15 du code de la consommation le pouvoir, pour la recherche et la constatation des pratiques commerciales trompeuses, d'exiger du responsable de la pratique considérée la mise à leur disposition ou la communication de tous les éléments propres à justifier les allégations, indications ou présentations litigieuses.
9. Ils en concluent que les articles 60 et 77-1 du code de procédure pénale, invoqués au soutien de la requête en nullité, ne sont pas applicables à des agents de l'Etat ayant des pouvoirs spécifiques de police, tels les fonctionnaires de la répression des fraudes, agissant dans leur domaine de compétence.
10. C'est à tort que les juges retiennent que ces textes ne s'appliquent pas alors que MM. [C] et [W] ont été requis par l'officier de police judiciaire pour l'assister lors de la perquisition, à la suite d'une réquisition délivrée à la direction départementale de la protection des populations.
11. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure.
12. En effet, M. [P] n'établit ni même n'allègue l'existence d'un grief résultant de l'irrégularité invoquée.
13. En outre, il ressort du procès-verbal de perquisition que les personnes requises n'ont pas signé ledit procès-verbal, n'ont apporté aux enquêteurs aucune assistance technique et n'ont pris part à aucun autre acte en exécution de cette réquisition, l'exploitation ultérieure des documents et objets saisis ayant été réalisée en vertu d'une autre réquisition.
14. Ainsi, le moyen ne peut qu'être écarté.
15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille vingt-cinq.