LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Cassation
partiellement sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 29 F-D
Pourvoi n° Z 22-22.903
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 22-22.903 contre l'arrêt n° RG : 22/00599 rendu le 14 septembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [4], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [4], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 septembre 2022), la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor a notifié le 13 juin 2018 à la société [4] (l'employeur) sa décision de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la maladie de l'un de ses salariés.
2. L'employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins de contester l'opposabilité de cette décision et de demander l'imputation au compte spécial des conséquences financières de la maladie.
3. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne (la CARSAT) est intervenue volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La CARSAT fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence soulevée et de déclarer recevable la demande d'inscription au compte spécial, alors « que l'appréciation de l'affectation des dépenses de la maladie professionnelle sur le compte spécial constitue une question relative à la tarification, laquelle relève de la seule juridiction spécialement désignée à cet effet, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail et désormais la cour d'appel d'Amiens ; qu'en jugeant qu'elle pouvait elle-même statuer sur la demande de l'employeur aux fins d'inscription au compte spécial des conséquences de la pathologie de la victime, la cour d'appel a violé les articles L. 311-16 et D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire, et l'article L. 142-1, 7° du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, ensemble les articles L. 142-1, L. 142-2, L. 211-1 et L. 215-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 143-1, 4°, devenu L. 142-2, 4°, puis L. 142-1, 7°, et L. 143-4 du code de la sécurité sociale, ce dernier alors en vigueur, l'article L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et les articles L. 242-5, D. 242-6-4, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
5. Il résulte de la combinaison des trois premiers de ces textes, le premier dans ses rédactions successivement applicables au litige, que la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles connaît des litiges relatifs aux décisions des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail et des caisses de mutualité sociale agricole concernant, en matière d'accidents du travail agricoles et non agricoles, la fixation du taux de cotisation, l'octroi de ristournes, l'imposition de cotisations supplémentaires, et pour les accidents régis par le livre IV du code de la sécurité sociale, la détermination de la contribution prévue à l'article L. 437-1.
6. L'article D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire a maintenu une juridiction spécialement désignée ayant compétence exclusive pour connaître du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles.
7. Depuis un arrêt de la deuxième chambre civile du 28 septembre 2023, (pourvoi n° 21-25.719), la Cour de cassation décide que les demandes de l'employeur de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d'inscription de ces dépenses au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles.
8. Ayant relevé que l'employeur avait saisi, avant notification de son taux de cotisation, une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie professionnelle litigieuse, la cour d'appel a retenu sa compétence en confirmant le jugement attaqué.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 5, 6 et 7 qu'il y a lieu de déclarer la cour d'appel de Rennes incompétente pour connaître de la demande aux fins d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie litigieuse, d'infirmer le jugement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à se déclarer incompétent pour statuer sur cette demande et de renvoyer, sur ce point, l'affaire et les parties, devant la cour d'appel d'Amiens, spécialement désignée par l'article D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire, compétente pour connaître de ce litige.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi sur l'exception de compétence ;
DÉCLARE la cour d'appel de Rennes incompétente pour connaître de la demande aux fins d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie litigieuse ;
INFIRME le jugement du 2 décembre 2021 du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc, sauf en ce qu'il déboute la société [4] de sa demande d'inopposabilité ;
RENVOIE, pour connaître de la demande aux fins d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie litigieuse, l'affaire et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, spécialement désignée par l'article D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire, compétente pour connaître de ce litige.
DIT qu'il sera procédé, par la cour d'appel de Rennes, dans les formes prévues à l'article 82 du code de procédure civile ;
Condamne la société [4] aux dépens, tant dans la procédure devant la Cour de cassation que celle devant la cour d'appel de Rennes ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4] et la condamne à payer à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne la somme de 3 000 euros, tant dans la procédure devant la Cour de cassation que celle devant la cour d'appel de Rennes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.