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09/01/2025 | FRANCE | N°22500009

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 janvier 2025, 22500009


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 9 janvier 2025








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 9 F-D


Pourvoi n° U 22-24.163










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_____________

____________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025




1°/ Mme [D] [P], veuve [J], domiciliée [Adresse 2],


2°/ Mme [R] [J],


3°/ Mme [X] [S],


4°/ Mme [I] [S],


ces trois dernières domicil...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 janvier 2025

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 9 F-D

Pourvoi n° U 22-24.163

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025

1°/ Mme [D] [P], veuve [J], domiciliée [Adresse 2],

2°/ Mme [R] [J],

3°/ Mme [X] [S],

4°/ Mme [I] [S],

ces trois dernières domiciliées [Adresse 3],

toutes quatre agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [U] [J], décédé le 6 décembre 2010,

ont formé le pourvoi n° U 22-24.163 contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2022 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [Adresse 11],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la société [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],

4°/ à M. [B] [O], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de mandataire ad litem de la société [8],

défendeurs à la cassation.

Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation auquel les demanderesses au pourvoi principal s'associent.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [D] [P], veuve [J], Mme [R] [J], Mme [X] [S] et Mme [I] [S], en leur nom personnel et en qualité d'ayants droit de [U] [J], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [5], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 19 octobre 2022) et les productions, [U] [J] (la victime), qui a travaillé, du 4 octobre 1954 au 20 mai 1967, comme apprenti puis ouvrier en atelier-mécanicien pour la [9], exploitée par la société [7], devenue [5] (l'employeur), a déclaré, le 25 mars 2009, un cancer broncho-pulmonaire pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Meurthe-et-Moselle (la caisse), au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles.

2. Les ayants droit de la victime, décédée des suites de sa pathologie, ont saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

3. Subrogé dans les droits de ceux-ci à la suite de l'indemnisation versée, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) est intervenu à l'instance.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, formé par les ayants droit de la victime, et le moyen du pourvoi incident, formé par le FIVA, pris en sa seconde branche, réunis

Enoncé des moyens

4. Les ayants droit de la victime et le FIVA font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et des conséquences indemnitaires y afférentes, alors :

- sur le moyen du pourvoi principal,

« que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, pour écarter l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a énoncé, en substance, que la part d'activité au fond du salarié était marginale, que les pièces produites ne permettaient pas de déterminer si les tâches exposant le salarié à l'inhalation de poussières d'amiante étaient réalisées au fond ou au jour de sorte que ces pièces ne permettraient pas d'établir de façon circonstanciée les conditions effectives de travail de la victime en particulier celles au fond ou celles au jour et partant d'en déduire la conscience du danger que devait en avoir l'employeur portant sur une période s'achevant en 1967 et les mesures qui devaient être prises en conséquence ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitaient leurs écritures d'appel, si compte tenu, entre autres, de la création en 1945 et 1950 des tableaux n° 25 et 30 de maladies professionnelles liées à l'inhalation de poussières d'amiante mais également des décrets n° 51-508 du 4 mai 1951 et n° 59-285 du 27 janvier 1959 relatifs à l'exploitation des mines de combustibles minéraux solides ainsi que de l'instruction du 30 novembre 1956 préconisant des mesures de protection individuelles et collectives contre les poussières tant au fond qu'en surface, un employeur ayant l'importance, l'organisation, l'activité et les moyens de l'entreprise [7] n'avait pas ou n'aurait pas dû avoir conscience du danger auquel les tâches confiées au salarié l'exposaient, que celles-ci aient été exécutées au fond ou au jour, et s'il n'avait pas néanmoins négligé de prendre des mesures de prévention, la cour d'appel, qui avait pourtant elle-même retenu qu'au service de la société [7] et durant la période considérée, le salarié avait exécuté des travaux l'exposant de manière habituelle au risque d'inhalation de poussières d'amiante, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; »

- sur la seconde branche du moyen du pourvoi incident,

« en tout état de cause, que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que, pour écarter la faute inexcusable des sociétés [5] et [8] à l'origine de la maladie professionnelle dont la victime est décédé, la cour d'appel a énoncé que la part d'activité au fond du salarié était marginale, que les pièces produites ne permettaient pas de déterminer si les tâches exposant le salarié à l'inhalation de poussières d'amiante étaient réalisées au fond ou au jour de sorte que ces pièces ne permettaient pas d'établir de façon circonstanciée les conditions effectives de travail de la victime en particulier celles au fond ou celles au jour et partant d'en déduire la conscience du danger que devait en avoir l'employeur portant sur une période s'achevant en 1967 et les mesures qui devaient être prises en conséquence ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée par l'exposant, si, compte tenu de l'exposition avérée de la victime à l'inhalation de poussières d'amiante dans le cadre des fonctions exercées au service de la société [10], devenue [5], et de la société [8], de l'inscription des affections respiratoires liées à l'amiante dans un tableau des maladies professionnelles à partir de 1945 (tableau n° 25 des maladies professionnelles), des connaissances scientifiques raisonnablement accessibles à l'époque, de la réglementation relative à la protection contre les poussières alors en vigueur et de l'importance, de l'organisation et la nature de l'activité de l'employeur, celui-ci n'avait pas ou n'aurait pas dû avoir conscience du danger encouru par la victime en raison de son exposition reconnue à l'inhalation de poussières d'amiante, qu'il ait travaillé au fond ou au jour, et s'il n'avait pas omis de prendre les mesures de prévention nécessaires à l'en préserver, la cour d'appel, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale et les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail :

5. Il résulte de ces textes que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

6. Pour dire que l'employeur n'a commis aucune faute inexcusable, l'arrêt, après avoir relevé que la victime avait réalisé de façon habituelle des travaux d'entretien et de maintenance d'engins impliquant de découper et de gratter des équipements contenant des matériaux amiantés, retient qu'il n'est pas possible de déterminer si les taches étaient réalisées au jour ou au fond et que les travaux sur les garnitures de freins n'intervenaient qu'occasionnellement. Il conclut que les conditions effectives de travail de la victime ne permettent pas d'en déduire la conscience du danger que devait avoir l'employeur portant sur une période s'achevant en 1967.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si, au regard des dispositions réglementaires applicables et notamment du décret du 31 août 1950 instaurant le tableau n° 30 des maladies professionnelles, l'employeur, compte tenu de son importance, de son organisation et de la nature de son activité, n'aurait pas dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les demandes d'inopposabilité de la société [5] de la décision de prise en charge de la pathologie de [U] [J] au titre de la législation professionnelle et d'inscription au compte spécial des conséquences de cette maladie, et en ce qu'il confirme le jugement ayant déclaré recevable l'action des consorts [J], l'arrêt rendu le 19 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société [5] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [5] et la condamne à payer à Mme [D] [P], veuve [J], Mme [R] [J], Mme [X] [S] et Mme [I] [S] la somme globale de 3 000 euros et au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22500009
Date de la décision : 09/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 19 octobre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 jan. 2025, pourvoi n°22500009


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22500009
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