LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Cassation sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 8 F-D
Pourvoi n° R 22-23.746
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-23.746 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2022 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section : accidents du travail (A)), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 9 novembre 2022), la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident du travail de M. [R] (la victime), salarié de la société [3] (l'employeur), et a fixé, par décision du 9 mai 2016, à 25 % le taux d'incapacité permanente de la victime à la date de consolidation du 31 mars 2016.
2. L'employeur a saisi d'un recours une juridiction du contentieux de l'incapacité.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'inopposabilité de la décision attributive de rente, alors « que selon l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, la caisse est tenue de transmettre au secrétariat du tribunal les documents médicaux concernant l'affaire et d'en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu'il a désigné ; que cette obligation porte sur les documents qu'elle détient en vertu d'une dérogation au secret médical prévue par la loi, tels que le certificat médical initial, les certificats de prolongation, le certificat de guérison ou de consolidation, et l'avis du service du contrôle médical ; qu'au cas présent, l'employeur faisait valoir que la caisse n'avait pas adressé, avant tout débat devant le tribunal de l'incapacité, l'ensemble des certificats médicaux, notamment les différents certificats médicaux de prolongation ; qu'en jugeant cependant que la caisse n'était pas tenue de produire les certificats médicaux de prolongation, la Cour nationale a violé l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-614 du 3 juillet 2003, alors en vigueur :
4. Selon ce texte, la caisse est tenue de transmettre au secrétariat du tribunal les documents médicaux concernant l'affaire et d'en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu'il a désigné.
5. Cette obligation porte sur les documents qu'elle détient en vertu d'une dérogation au secret médical prévue par la loi, tels que le certificat médical initial, les certificats de prolongation, le certificat de guérison ou de consolidation, et l'avis du service du contrôle médical.
6. Pour rejeter le recours de l'employeur, l'arrêt relève que le certificat de prolongation, dont la finalité est de justifier du droit de la victime au bénéfice des indemnités journalières, ne mentionne pas obligatoirement toutes les constatations qui pourraient présenter une importance pour la détermination de l'origine traumatique ou morbide des lésions. Il ajoute que la caisse a communiqué la déclaration d'accident de travail, le certificat médical initial et la décision de consolidation rendue par le praticien conseil de telle sorte que la caisse doit être considérée comme ayant satisfait à ses obligations et que le principe du contradictoire a été respecté.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la caisse n'avait pas adressé copie des certificats médicaux de prolongation, la Cour nationale a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 4, 5 et 7 que la décision de la caisse du 9 mai 2016 doit être déclarée inopposable à l'employeur.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 novembre 2022, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
INFIRME le jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité de Rennes du 21 novembre 2017 ;
DIT que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor du 9 mai 2016 est inopposable à la société [3] ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.