LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 7 F-D
Pourvoi n° H 22-23.485
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
La société [4], dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société [5], a formé le pourvoi n° H 22-23.485 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [K] [Y], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées Orientales, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société [4], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Y], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 12 octobre 2022) et les productions, M. [Y] (la victime), salarié de la société [4], aux droits de laquelle vient la société [5] (l'employeur), a déclaré, le 28 juin 2016, auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales (la caisse) une maladie professionnelle pour « burn out et dépression professionnelle » dont la prise en charge implicite par la caisse, au titre de la législation professionnelle, a été notifiée à l'employeur le 4 janvier 2017. Après consolidation de l'état de la victime, la caisse a, le 13 mars 2018, fixé le taux d'incapacité permanente de celle-ci à 11%, portée à 36% par un tribunal du contentieux de l'incapacité.
2. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de reconnaître le caractère professionnel de l'affection déclarée par la victime, alors « que saisi d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le juge est tenu de recueillir au préalable l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles dès lors qu'il constate que la maladie déclarée, prise en charge par la caisse, ne remplit pas les conditions d'un tableau de maladie professionnelle ou n'est pas désignée dans un tableau et que sont invoquées devant lui les dispositions des troisième ou quatrième alinéas de
l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2017 ; qu'il résulte de l'arrêt et des éléments de la procédure que la maladie déclarée par le salariée « dépression suite à un burn out d'origine professionnel » était hors tableau, qu'elle a été prise en charge par la caisse le 9 mai 2016 et que l'employeur contestait le caractère professionnel de cette maladie en soutenant que le lien direct et essentiel entre l'activité professionnelle du salarié et sa maladie n'était pas établi ; qu'en jugeant que la maladie professionnelle déclarée par le salarié avait un caractère professionnel et que l'employeur avait commis une faute inexcusable ayant concouru à la survenance de cette maladie, sans recueillir
préalablement l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies
professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2017 applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. La victime conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci est nouveau et contraire, l'employeur n'ayant pas invité la cour d'appel à saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
5. Cependant, l'employeur invoquait l'absence de saisine d'un CRRMP tout en contestant l'existence du lien de causalité entre la pathologie déclarée et le travail de l'intéressé.
6. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, applicable au litige :
7. Il résulte de ces textes que, saisi d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le juge est tenu de recueillir au préalable l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dès lors qu'il constate que la maladie déclarée, prise en charge par la caisse est une pathologie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles et que sont invoquées devant lui les dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.
8. Pour retenir que l'affection dont souffrait le salarié est d'origine professionnelle, l'arrêt relève que l'alcoolisme d'entraînement de la victime a été essentiellement et directement causé par son métier de chef des ventes chargé de promouvoir des boissons alcoolisées.
9. En statuant ainsi, sans recueillir l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, alors qu'il résultait de ses constatations que la maladie n'était pas désignée dans un tableau de maladies professionnelles, et que l'employeur contestait l'existence d'un lien de causalité entre la pathologie déclarée et l'activité professionnelle de la victime, de sorte qu'étaient invoquées devant elle les dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt reconnaissant le caractère professionnel de l'affection déclarée par la victime entraîne la cassation des chefs de dispositif relatifs à la faute inexcusable et à ses conséquences, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. [Y] et la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.