LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 4 F-B
Pourvoi n° H 22-13.480
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 22-13.480 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2022 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale D, protection sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Rhône-Alpes, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 janvier 2022), à la suite d'un contrôle de l'application de la législation de la sécurité sociale portant sur les années 2010 à 2012, l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la cotisante) une lettre d'observations du 23 octobre 2013, suivie d'une mise en demeure du 17 décembre 2013.
2. La cotisante a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
4. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler les chefs de redressement n° 5, 8, 9 et 11 et de rejeter sa demande visant à ce qu'il soit enjoint à la cotisante de produire les informations qui lui seraient nécessaires pour procéder au rechiffrage des bases de taxation et qu'elle soit condamnée au paiement des sommes restant dues à la suite de ce chiffrage, alors :
« 1°/ que l'URSSAF et la société contrôlée peuvent conclure, d'un commun accord, une convention portant sur les montants du redressement, en présence de données fournies par la société insuffisantes ou inexploitables ; qu'en jugeant pourtant qu'une telle convention était nulle, car contrevenant aux règles d'ordre public s'appliquant aux URSSAF, la cour d'appel a violé l'article 6 du code civil, ensemble les articles 1101 et suivants du même code, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
2°/ qu'en tout état de cause, le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, l'URSSAF faisait valoir que la cotisante ne pouvait se prévaloir de la nullité de la convention pour contrariété à l'ordre public, dès lors qu'elle avait accepté de la signer en toute connaissance de cause et que sa demande, déloyale, ne pouvait porter atteinte aux attentes légitimes des parties nées de la convention ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
3°/ qu'à tout le moins, la nullité d'une convention entraîne son anéantissement rétroactif de sorte que les parties doivent être placées dans l'exacte situation où elles se trouvaient antérieurement à sa signature ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la convention conclue entre l'URSSAF et la cotisante le 25 octobre 2013 était nulle ; que le prononcé de cette nullité devait avoir pour seule conséquence l'anéantissement rétroactif de la convention ; qu'en jugeant que cette nullité justifiait l'annulation des chefs de redressement n° 5, 8, 9 et 11, quand il lui appartenait alors d'inviter l'URSSAF à procéder au calcul des cotisations dues au titre de ces chefs de redressement conformément aux règles d'ordre public applicables, la cour d'appel a violé les articles 1101 et suivants et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles R. 243-59-2 et R. 243-59-4 du code de la sécurité sociale, qui sont d'application stricte, qu'en dehors des dérogations prévues par ces textes, le redressement doit être établi sur des bases réelles lorsque la comptabilité de l'employeur permet à l'agent de recouvrement de calculer le chiffre exact des sommes à réintégrer dans l'assiette des cotisations.
6. Dès lors que l'URSSAF a à sa disposition les éléments de la comptabilité permettant d'établir le redressement sur des bases réelles, elle ne peut pas recourir à une autre méthode d'évaluation, même d'un commun accord avec le cotisant, sous peine de nullité du contrôle et des actes subséquents.
7. L'arrêt relève que le 25 octobre 2013, l'URSSAF et la cotisante ont conclu une convention de répartition des bases de régularisation prévoyant qu' « à l'exception des chiffrages pour lesquels une exacte répartition pourra être effectuée, les bases de régularisation globales seront réparties entre les différentes assiettes et les taux moyens de versement de transport et accident du travail calculés selon la méthode convenue ».
8. Il retient que, cependant, les organismes de recouvrement disposent dans l'exercice de leurs missions de prérogatives exorbitantes du droit commun, ce dont il résulte que le chiffrage des cotisations et contributions dues en cas de redressement doit être exact et qu'il n'est pas loisible à l'URSSAF de définir elle-même les bases d'imposition ou les taux de cotisations applicables.
9. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit, répondant par là-même aux conclusions prétendument délaissées, que le recours par l'URSSAF à une méthode de calcul contrevenant aux règles d'ordre public posées par le code de la sécurité sociale devait être sanctionné par l'annulation des chefs de redressement calculés de manière irrégulière.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 1 de la lettre d'observations du 23 octobre 2013, alors « que les éléments de rémunération versés postérieurement au terme du contrat doivent être rattachés à la dernière paie pour la détermination du plafond de sécurité sociale applicable ; qu'en l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que le calcul des assiettes plafonnées déclarées était erroné puisque la société avait enregistré en année N+1 les éléments de rémunération visant à solder les sommes dues aux travailleurs temporaires dont la mission s'était achevée durant l'année N ; qu'ils ont en conséquence rattaché les sommes versées en N+1 à la période d'emploi N pour déterminer le plafond applicable ; qu'en jugeant que le versement des rémunérations constituait le fait générateur des cotisations de sorte que le plafond applicable était celui de la période au cours de laquelle le versement était intervenu, peu importe les périodes de travail auxquelles il se rapportait, la cour d'appel a violé les articles R. 243-10 et R. 242-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
12. Antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions des articles R. 242-1, II et R. 242-2, II, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue du décret n° 2016-1567 du 21 novembre 2016, les cotisations devaient être acquittées sur la base du tarif applicable à la date du versement des rémunérations, qui en constitue le fait générateur, et dans la limite du seul plafond prévu pour l'année au cours de laquelle il est intervenu, quelles que soient les périodes de travail correspondantes ou les modalités retenues par l'employeur pour leur versement.
13. L'arrêt relève que, pour la détermination du plafond applicable en vue de vérifier les opérations de régularisation prévues à l'article R. 243-10 du code de la sécurité sociale, pour les années 2010 à 2012, l'URSSAF a rattaché le paiement des indemnités de fins de mission et des indemnités compensatrices de congés payés, non versées aux salariés intérimaires au terme de leur mission, à leur dernière paie.
14. De ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que le redressement opéré de ce chef devait être annulé.
15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne l'URSSAF de Rhône-Alpes aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.