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07/01/2025 | FRANCE | N°C2500015

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 janvier 2025, C2500015


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° K 23-85.615 F-B


N° 00015




LR
7 JANVIER 2025




REJET




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 JANVIER 2025






Mme [U] [K]-[

Y] et M. [D] [Y], parties civiles, ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, en date du 19 septembre 2023, qui, dans la procédure suivie contre Mme [G] [V] et M.[W] [O] des ch...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° K 23-85.615 F-B

N° 00015

LR
7 JANVIER 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 JANVIER 2025

Mme [U] [K]-[Y] et M. [D] [Y], parties civiles, ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, en date du 19 septembre 2023, qui, dans la procédure suivie contre Mme [G] [V] et M.[W] [O] des chefs, respectivement, de diffamation publique envers un particulier et complicité, a prononcé sur leur demande d'annulation de pièces de la procédure.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [U] [K]-[Y] et M. [D] [Y], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [G] [V] et M. [W] [O], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 13 juin 2022, Mme [U] [K]-[Y] et M. [D] [Y] ont porté plainte et se sont constitués partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier, à la suite d'un reportage diffusé à la télévision le 24 mai précédent, sous le titre « polémique - un oligarque russe propriétaire près de [Localité 1] », présentant M. [Y] et son épouse comme des proches de M. [P] [Z].

3. Le 28 février 2023, des avis préalables à une mise en examen ont été adressés par courrier à Mme [G] [V], directrice de publication, et à M. [W] [O], auteur du reportage, le juge d'instruction leur posant deux questions relatives au caractère public des propos et à leur qualité au regard des faits.

4. Mme [V] et M. [O] y ont répondu par courriers reçus par le magistrat instructeur, respectivement les 24 et 27 mars 2023, reconnaissant le caractère public des propos et être, pour la première, la directrice de publication et, pour le second, l'auteur de deux des quatre propos litigieux visés dans la plainte.

5. Des avis de mise en examen leur ont été adressés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 28 avril 2023.

6. Par ordonnance du 7 juillet 2023, le juge d'instruction a ordonné leur renvoi devant le tribunal correctionnel des chefs de diffamation publique envers un particulier, s'agissant de Mme [V], et complicité, s'agissant de M. [O].

7. Le 17 juillet 2023, Mme [V] et M. [O] ont déposé une requête en nullité des avis préalables à la mise en examen.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la requête en annulation des personnes mises en examen, a prononcé l'annulation des avis préalables à la mise en examen ainsi que des avis de mise en examen et des actes d'information cotés D. 35 à D. 44 inclus, et a également constaté la prescription de l'action publique alors « que l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 permet seulement, en son deuxième alinéa, au juge d'instruction de « solliciter » de la personne dont la mise en examen est envisagée qu'elle réponde à certaines questions, sans qu'il puisse l'y contraindre ; que la personne est informée qu'elle peut choisir de répondre auxdites questions directement en demandant à être entendue par le juge d'instruction, lequel devra alors l'aviser de son droit de se taire ; qu'en raison des limitations posées par le troisième alinéa de l'article 51-1 susvisé aux pouvoirs du juge d'instruction les questions ne peuvent porter que sur l'imputabilité de faits et non sur la reconnaissance de l'infraction, laquelle ne pourra être débattue que devant le tribunal correctionnel ; qu'à réception du courrier de mise en examen, la personne peut demander à être entendue par le juge d'instruction qui devra alors, de nouveau, l'aviser de son droit de se taire ; qu'en cet état le droit de la personne poursuivie de ne pas s'auto-incriminer est suffisamment protégé, même si le courrier par lequel le juge d'instruction sollicite de la personne dont la mise en examen est envisagée qu'elle réponde à des questions ne comporte pas de rappel de son droit au silence ; qu'en affirmant, pour juger nuls les avis préalables à la mise en examen adressés à Madame [V] et à Monsieur [O], que « ces avis n'indiquaient pas à ces derniers leur droit au silence alors même que ces avis comportaient des questions posées aux mis en examen (sic), questions auxquelles ils ont répondu par courriers adressés en réponse au juge d'instruction », la Cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 51-1 de la loi du 29 juillet 1881, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Il se déduit des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale que la personne dont la mise en examen est envisagée selon la procédure prévue à l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse doit être informée de son droit de se taire, la méconnaissance de cette obligation lui faisant nécessairement grief dès lors qu'elle formule des observations écrites ou répond aux questions que lui a posées le juge d'instruction.

10. En l'espèce, pour faire droit à la requête en nullité des personnes mises en examen qui invoquaient la violation de leur droit de se taire, l'arrêt attaqué énonce que le droit au silence n'est pas spécifiquement prévu par les dispositions de l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 alors que le juge d'instruction, dont les prérogatives sont limitées par les dispositions dérogatoires du droit de la presse, doit néanmoins notamment établir l'imputabilité des propos aux personnes pouvant faire l'objet de poursuites comme auteur ou complice et, si nécessaire, instruire sur la tenue des propos reprochés, sur leur caractère public ainsi que sur l'identité et l'adresse des personnes mises en cause par le plaignant.

11. Les juges ajoutent que les dispositions spécifiques de la loi du 29 juillet 1881 précitée ne peuvent déroger aux principes directeurs de la procédure pénale énoncés à l'article préliminaire du code de procédure pénale, tel que modifié par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, qui prévoit expressément le droit au silence au profit de la personne suspectée ou poursuivie pour un crime ou un délit.

12. Ils observent enfin que le droit au silence est garanti au niveau conventionnel par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et au niveau constitutionnel par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et que le défaut de notification de ce droit est sanctionné, de façon constante, par la nullité, la méconnaissance de l'obligation d'informer de ce droit faisant nécessairement grief.

13. Ils en concluent que, si les avis préalables à la mise en examen adressés à Mme [V] et M. [O] respectent les dispositions de l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881, la nullité desdits avis, ainsi que de tous les actes subséquents dont ils sont le support nécessaire, est encourue, dès lors qu'ils comportaient des questions auxquelles ces derniers ont répondu par courriers adressés au juge d'instruction.

14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

15. Ainsi, le moyen doit être écarté.

16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

FIXE à 2 500 euros la somme globale que Mme [K]-[Y] et M. [Y] devront payer in solidum à Mme [V] et M. [O] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500015
Date de la décision : 07/01/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

PRESSE

Il se déduit des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale que la personne dont la mise en examen est envisagée selon la procédure prévue à l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse doit être informée de son droit de se taire, la méconnaissance de cette obligation lui faisant nécessairement grief dès lors qu'elle formule des observations écrites ou répond aux questions que lui a posées le juge d'instruction


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, 19 septembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 jan. 2025, pourvoi n°C2500015


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500015
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