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07/01/2025 | FRANCE | N°C2500012

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 janvier 2025, C2500012


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° C 23-85.930 F-B


N° 00012




LR
7 JANVIER 2025




REJET




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 JANVIER 2025






La société

[1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 5 octobre 2023, qui, pour infraction à la réglementation des transports routiers, l'a condamnée à 1 500 euros d'amende.


Des m...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° C 23-85.930 F-B

N° 00012

LR
7 JANVIER 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 JANVIER 2025

La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 5 octobre 2023, qui, pour infraction à la réglementation des transports routiers, l'a condamnée à 1 500 euros d'amende.

Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [1], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 5 octobre 2020, M. [S] [E], chauffeur routier ukrainien, salarié de la société de droit polonais [1] (la société), a été contrôlé par les agents de la direction régionale environnement aménagement et logement (DREAL) d'Occitanie.

3. Le 28 octobre suivant, un procès-verbal de constatations a été rédigé pour infraction à la réglementation sur le repos hebdomadaire dans les transports routiers.

4. Par ordonnance pénale du 3 février 2021, la société a été déclarée coupable de l'infraction reprochée et condamnée à une amende contraventionnelle de 750 euros.

5. La société ayant formé opposition à cette décision, elle a été citée devant le tribunal de police du chef susvisé.

6. Par jugement du 8 mars 2022, le tribunal de police l'a déclarée coupable et l'a condamnée à une amende de 750 euros.

7. La société a interjeté appel.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche, et le quatrième moyen

8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur les premier et troisième moyens

Enoncé des moyens

9. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité tirée de l'illégalité du contrôle du repos hebdomadaire normal mené a posteriori, alors :

« 1°/ que d'une part, il résulte des dispositions du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 et de la clarification de la Commission européenne adressée à l'IRU (International Road Union) au sujet des modalités du contrôle des prises de repos hebdomadaire normal que les autorités nationales de contrôle ne peuvent exiger des conducteurs qu'ils fournissent des documents attestant ne pas avoir passé leur temps de repos hebdomadaire normal, précédant l'inspection routière, dans leur véhicule ; qu'il en découle que les conducteurs ou les sociétés qui les emploient ne peuvent être condamnés à une amende pour non-respect de l'interdiction faite aux conducteurs de prendre leur repos hebdomadaire régulier dans la cabine du véhicule uniquement dans le cas où ils seraient surpris pendant leur repos hebdomadaire régulier à l'intérieur du véhicule au moment du contrôle ; qu'en l'espèce, en rejetant l'exception de nullité tirée de l'illégalité du contrôle du repos hebdomadaire normal du conducteur effectué par les agents de la DREAL a posteriori, aux motifs que « cet argument relève du fond et non pas des conditions du contrôle à proprement parler » et que « le contrôle effectué le lundi 5 octobre 2020 à 9H50 a eu lieu 2h30 après la fin du repos hebdomadaire ; l'infraction a été constatée dans les deux jours précédant le constat et, par conséquent, a bien été effectué dans la période de contrôle autorisée par les normes européennes ci-dessus rappelées » (arrêt, pp. 4 et 5), la cour d'appel a méconnu les dispositions du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, la clarification de la Commission européenne adressée à l'IRU, les articles R. 3315-11, L. 3313-3 du code des transports, 111-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que d'autre part, il résulte de l'article 267 du TFUE que lorsqu'une question préjudicielle en interprétation du traité est soulevée devant une juridiction d'un des Etats membres dont les décisions sont susceptibles de recours, cette juridiction peut demander à la CJUE de statuer sur la question si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement ; que, par ailleurs, l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme met à la charge des juridictions nationales une obligation de motiver au regard du droit applicable les décisions par lesquelles elles refusent de poser une question préjudicielle demandée par les parties ; qu'en l'espèce, la prévenue a posé une question préjudicielle portant sur l'interprétation des dispositions des règles du droit de l'Union européenne (conclusions devant la cour d'appel, pp. 23 à 26) ; qu'en s'abstenant de motiver sa décision de refus de poser cette question préjudicielle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 267 du TFUE, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 593 du code de procédure pénale. »

10. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris sur la culpabilité et l'a condamnée à une amende de 1 500 euros, alors :

« 1°/ que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que dans ses conclusions d'appel, le conseil de la prévenue faisait notamment valoir, pour conclure à la relaxe, l'impossibilité pour les contrôleurs d'avoir constaté la matérialité de l'infraction, en l'absence de tout contrôle effectué au moment de la période de prise du repos hebdomadaire normal (conclusions, pp. 18 à 23) ; qu'en confirmant le jugement entrepris sur la culpabilité, sans répondre à cette articulation péremptoire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard dispositions du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, des articles R. 3315-11, L. 2213-3 du code des transports, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en tout état de cause, le conseil de la prévenue faisait valoir, pièces à l'appui, qu'elle avait donné à ses chauffeurs instructions de dormir en dehors de leur cabine lorsqu'il s'agissait d'un repos hebdomadaire normal par affichage au sein de la base de l'entreprise, qu'elle avait fait signer par son chauffeur, Monsieur [S] [E], une déclaration dans laquelle il était attesté qu'il avait connaissance de la règle de l'interdiction de dormir en cabine pendant le repos hebdomadaire normal et qu'elle prenait en charge pour chacun de ses chauffeurs un forfait d'hôtel de 52 euros par jours, pour tous les jours durant lesquelles ils se situaient en dehors de la Pologne (conclusions, pp. 18 à 19) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen essentiel pour l'issue des débats dès lors qu'il démontrait que la prévenue s'était conformée à la note de la Commission européenne, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles précités. »

Réponse de la Cour

11. Les moyens sont réunis.

12. L'article 8 du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CE) n° 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil, dispose, en son paragraphe 6, qu'au cours de deux semaines consécutives, un conducteur prend au moins deux temps de repos hebdomadaires normaux, ou un temps de repos hebdomadaire normal et un temps de repos hebdomadaire réduit d'au moins vingt-quatre heures. Toutefois, la réduction est compensée par une période de repos équivalente prise en bloc avant la fin de la troisième semaine suivant la semaine en question. Un temps de repos hebdomadaire commence au plus tard à la fin de six périodes de vingt-quatre heures à compter du temps de repos hebdomadaire précédent.

13. L'article 10 dudit règlement dispose, en son paragraphe 2, que les entreprises de transport organisent le travail des conducteurs visés au paragraphe 1 afin qu'ils puissent se conformer au règlement (CEE) n° 3821/85 et au chapitre II du présent règlement. Les entreprises de transport donnent des instructions appropriées à leurs conducteurs et effectuent des contrôles réguliers pour veiller à ce que le règlement (CEE) n°3821/85 et le chapitre II du présent règlement soient respectés.

14. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) juge, en application notamment de ces dispositions, qu'un conducteur ne peut pas prendre, à bord de son véhicule, les temps de repos hebdomadaires normaux visés à l'article 8, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 561/2006 précité (CJUE, 20 décembre 2017, Vaditrans, C-102/16).

15. Il résulte, par ailleurs, des dispositions des articles L. 3313-3 et R. 3315-11 du code des transports qu'est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait de prendre à bord d'un véhicule le repos hebdomadaire normal défini au point h) de l'article 4 du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006.

16. Pour rejeter l'exception de nullité relative à la régularité du contrôle et déclarer la société coupable d'infraction à la réglementation sur le repos hebdomadaire dans les transports routiers, l'arrêt attaqué énonce que le repos hebdomadaire relève de la réglementation sociale européenne et, en l'espèce, du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 précité.

17. Les juges exposent que l'article 36 du règlement (UE) n° 165/2014 du 4 février 2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiers prévoit que le conducteur d'un véhicule équipé d'un tachygraphe numérique doit être en mesure de présenter, à toute demande d'un agent habilité, toute information enregistrée manuellement et imprimée pendant la journée en cours et pendant les vingt-huit jours précédents.

18. Ils retiennent que le contrôle effectué a eu lieu deux heures et trente minutes après la fin du repos hebdomadaire, que l'infraction a été constatée dans les deux jours précédant le constat et, par conséquent, a bien été commise dans la période de contrôle autorisée par les normes européennes en vigueur.

19. Ils ajoutent qu'il résulte des constatations du contrôleur, procédant des déclarations du conducteur et de l'examen du chronotachygraphe, que le chauffeur de la société prévenue a passé son repos hebdomadaire, entre le 2 et le 5 octobre 2020, dans la cabine de son véhicule, en méconnaissance des règles édictées en la matière.

20. C'est à tort que la cour d'appel ne motive pas son refus de poser une question préjudicielle à la CJUE portant sur l'interprétation des dispositions du droit européen applicables en matière de prise de repos hebdomadaire normal dans le transport routier dès lors qu'il ressort des conclusions de la société qu'elle a formulé une telle demande.

21. L'arrêt n'encourt cependant pas la censure pour les motifs qui suivent.

22. D'une part, l'infraction à la réglementation sur le repos hebdomadaire dans les transports routiers peut être relevée par les agents assermentés de la DREAL, soit par constatations visuelles opérées au moment de la période de prise du repos hebdomadaire normal, soit postérieurement à celle-ci, par l'analyse du chronotachygraphe du véhicule sur une période allant jusqu'à vingt-huit jours précédant le contrôle conformément aux dispositions de l'article 36 du règlement (UE) n° 165/2014 du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiers.

23. D'autre part, restreindre la possibilité de constater l'infraction reprochée aux situations de flagrance en s'appuyant sur une lettre de clarification, non datée, émanant de la direction générale de la mobilité et des transports de la Commission européenne adressée à l'International Road Union, au sujet des modalités de contrôle du respect du repos hebdomadaire dans le secteur des transports routiers, laquelle est dépourvue de toute portée normative, reviendrait à limiter la portée des dispositions légales applicables en imposant des conditions qui n'ont été prévues ni par le droit européen, ni par le législateur national.

24. Enfin, il n'y a pas lieu de transmettre la question préjudicielle présentée à titre subsidiaire par la société prévenue, dès lors que l'application des dispositions combinées des articles 8 et 10 du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 telles qu'interprétées par la CJUE, ainsi que celle des articles L. 3313-3 et R. 3315-11 du code des transports pris pour l'application des dispositions européennes précitées, s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable.

25. Il s'ensuit que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la cour d'appel ait omis de répondre à sa demande tendant à ce que la CJUE soit saisie de la même question préjudicielle.

26. Les moyens, les seconds griefs des premier et troisième moyens étant inopérants, doivent, dès lors, être écartés.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

27. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité de la procédure tirées de l'absence d'interprète lors du contrôle, du défaut de traduction de l'ordonnance pénale, de l'absence de communication de l'accusation, de l'absence de respect du contradictoire et de l'imprécision du lieu de la commission de la contravention, alors :

« 1°/ que de première part, toute personne suspectée ou poursuivie et qui ne comprend pas la langue française a droit, dans une langue qu'elle comprend et jusqu'au terme de la procédure, à l'assistance d'un interprète et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès ; qu'ainsi, une ordonnance pénale non traduite est nulle et entraîne en conséquence la relaxe du prévenu ; qu'en l'espèce, en rejetant l'exception de nullité de l'ordonnance pénale pour défaut de traduction aux motifs que « par jugement en date du 8 mars 2022 frappé d'appel, le tribunal de police, en déclarant l'opposition de la société [1], a nécessairement mis à néant l'opposition, de sorte que les moyens soulevés en appel et tenant à l'éventuelle nullité de cette opposition sont devenus sans objet » (arrêt, p. 4), lorsqu'il ressortait pourtant des pièces de la procédure que la prévenue n'avait reçu aucune traduction de l'ordonnance pénale rendue à son encontre en Pologne en langue polonaise, aucune note indiquant qu'elle pouvait obtenir de l'autorité identifiée dans la note des informations, ni aucune traduction de telles informations dans sa langue, la cour d'appel a méconnu les dispositions de la directive du 20 octobre 2010 n° 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil relative au droit à l'interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales, des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 803-5, D. 594-6, D. 594-8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que de deuxième part, en l'absence de toute mention de la langue du chauffeur ou de toute mention indiquant sa connaissance suffisante de la langue française, le procès-verbal de contrôle réalisé en l'absence de recours à un interprète est nul et entraîne le retrait de la retranscription des déclarations du conducteur ; qu'en l'espèce, il est constant qu'aucun interprète en langue ukrainienne n'a été présent lors de l'audition du chauffeur, Monsieur [E], durant le contrôle opéré par les agents de la DREAL ; que dès lors, en rejetant l'exception de nullité tirée de l'absence d'interprète lors du contrôle aux motifs que figureraient en procédure deux feuillets portant traduction en langue usitée en Ukraine des questions dont la teneur est reprise en français, que le conducteur n'aurait pas fait l'objet d'une audition et que ce document aurait été élaboré par des traducteurs judiciaires (arrêt, p. 5), la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de la directive du 20 octobre 2010 n° 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil relative au droit à l'interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales, des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 803-5, D. 594-16, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que de troisième part, la notification au prévenu de la nature et la cause de l'accusation portée contre lui, dans une langue qu'elle comprend, doit intervenir dans le plus court délai ; qu'en l'espèce, en rejetant l'exception de nullité tirée de l'absence de communication de la procédure de contrôle aux motifs que « la prévenue a été citée par acte conforme aux dispositions de l'article 551 du code de procédure pénale et dûment traduite en langue polonaise, elle a donc été informée, à charge pour elle d'obtenir copie de la procédure » (arrêt, p. 5), lorsqu'il ressortait pourtant des éléments de la procédure qu'aucune information relative au contrôle n'avait été transmise tant à la prévenue qu'au conducteur, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense de la prévenue, en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ que de quatrième part, en rejetant l'exception de nullité tirée du caractère non-contradictoire de la procédure aux motifs que « ce moyen recoupe le précédent et doit être rejeté pour le même motif » (arrêt, p. 5) sans répondre à l'articulation péremptoire des conclusions qui soutenaient que le procès-verbal de constatation dressé par les agents de la DREAL ne contenait pas les questions posées et n'avait pas été notifié à la prévenue dans une langue qu'elle comprend, la cour d'appel n'a pas davantage justifié sa décision au regard des articles précités. »

Réponse de la Cour

28. Pour rejeter les exceptions de nullité de la procédure, l'arrêt attaqué énonce, s'agissant de l'ordonnance pénale, que, par jugement en date du 8 mars 2022 frappé d'appel, le tribunal de police, en déclarant recevable l'opposition de la société, a nécessairement mis à néant celle-ci, de sorte que les moyens soulevés en appel et tenant à l'éventuelle nullité de cette opposition sont devenus sans objet.

29. Les juges ajoutent, pour rejeter l'exception de nullité du procès-verbal de la DREAL tirée de l'absence d'interprète lors du contrôle, que figurent en procédure deux feuillets portant traduction en langue usitée en Ukraine des questions dont la teneur est reprise en français, que le conducteur n'a pas fait l'objet d'une audition, mais qu'il a simplement accepté de renseigner la fiche qui lui était présentée en ukrainien, les réponses qu'il donne étant en cohérence avec les questions posées.

30. Ils précisent que ce document n'est pas issu d'une traduction automatique approximative, comme le soutient la défense, mais d'un document élaboré par des traducteurs judiciaires au même titre que les formulaires de placement en garde à vue dans d'autres procédures et qui permet à la personne intéressée de comprendre le sens du contrôle auquel elle est soumise.

31. Ils soulignent que la traduction libre produite en défense et supposée émaner de M. [E] ne saurait sérieusement être retenue, pas davantage que ce qui semble être une analyse faite par une interprète inscrite sur la liste des experts traducteurs d'une cour d'appel, qui manque de clarté et de pertinence.

32. Ils retiennent encore, pour rejeter l'exception de nullité tirée de l'absence de communication de la procédure de contrôle en langue polonaise, que la société prévenue a été citée par acte conforme aux dispositions de l'article 551 du code de procédure pénale dûment traduit en cette langue, de sorte qu'elle a bien été informée des faits qui lui étaient reprochés, à charge pour elle d'obtenir copie de la procédure, et a pu valablement faire valoir ses arguments et déposer des conclusions.

33. Enfin, pour écarter le grief pris de l'absence de respect du principe du contradictoire, ils renvoient aux motifs par lesquels ils écartent la critique prise de l'absence de traduction de la procédure.

34. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, pour les motifs qui suivent.

35. En premier lieu, le grief qui invoque la nullité de l'ordonnance pénale motif pris de l'absence de traduction en langue polonaise, alors que l'opposition de la société a eu pour effet de la mettre à néant, est inopérant dès lors que, d'une part, ladite ordonnance pénale a perdu toute force exécutoire, d'autre part, la cour d'appel, aurait-elle même annulé cette ordonnance, les poursuites contre la société n'étaient pas pour autant abandonnées, la citation, dont la prévenue a eu connaissance en langue polonaise, ayant valablement saisi la juridiction.

36. En deuxième lieu, le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir refusé de prononcer la nullité du procès-verbal de la DREAL au motif que faisait défaut la présence d'un interprète lors du contrôle est irrecevable dès lors que la société prévenue n'a pas qualité pour invoquer une telle nullité, le chauffeur routier ayant fait l'objet du contrôle serait-il même son salarié.

37. En troisième lieu, le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir rejeté l'exception de nullité tirée de l'absence de communication de la procédure de contrôle en langue polonaise est non fondé. En effet, d'une part, conformément aux dispositions de l'article D. 594-6 du code de procédure pénale pris en application de l'article 803-5 du même code, qui prévoient, sans préjudice de la possibilité de traduire un document considéré comme essentiel à l'exercice de la défense et à la garantie du caractère équitable du procès, que soient traduites parmi les pièces essentielles de la procédure les décisions de saisine de la juridiction de jugement, l'acte de citation a été traduit en langue polonaise avant d'être adressé à la société prévenue. D'autre part, il ressort des pièces de procédure que la société n'a formulé aucune demande de traduction d'une pièce précise qu'elle estimait essentielle à l'exercice de la défense et à la garantie du caractère équitable du procès, se bornant, dans ses conclusions, à faire valoir qu'aucune traduction ne lui avait été remise.

38. En quatrième et dernier lieu, le grief qui reproche à la cour d'appel d'avoir rejeté l'exception de nullité du procès-verbal tirée de l'absence de respect du principe du contradictoire est également non fondé dès lors que, d'une part, il ne résulte d'aucune exigence légale qu'un tel acte, qui se borne à relever une infraction, doive présenter un caractère contradictoire, d'autre part, la société prévenue est sans qualité pour critiquer l'absence au procès-verbal de la DREAL des questions qui ont été posées au chauffeur, celui-ci serait-il même son salarié.

39. Le moyen ne peut qu'être écarté.

40. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500012
Date de la décision : 07/01/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

TRANSPORTS

Les articles L. 3313-3 et R. 3315-11 du code des transports disposent qu'est interdit à tout conducteur routier de prendre à bord d'un véhicule le repos hebdomadaire normal défini au point h de l'article 4 du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006. L'infraction à la réglementation sur le repos hebdomadaire dans les transports routiers peut être relevée par les agents assermentés de la DREAL, soit par constatations visuelles opérées au moment de la période de prise du repos hebdomadaire normal, soit postérieurement à celle-ci, par l'analyse du chronotachygraphe du véhicule sur une période allant jusqu'à vingt-huit jours précédant le contrôle, conformément aux dispositions de l'article 36 du règlement (UE) n° 165/2014 du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiers. Il s'ensuit que restreindre la possibilité de constater l'infraction reprochée aux situations de flagrance en s'appuyant sur une lettre de clarification, non datée, émanant de la direction générale de la mobilité et des transports de la Commission européenne adressée à l'International Road Union au sujet des modalités de contrôle du respect du repos hebdomadaire dans le secteur des transports routiers, laquelle est dépourvue de toute portée normative, reviendrait à limiter la portée des dispositions légales applicables en imposant des conditions qui n'ont été prévues ni par le droit européen, ni par le législateur national. La société prévenue n'a pas qualité pour invoquer l'exception de nullité du procès-verbal de la DREAL relevant une infraction à la réglementation sur le repos hebdomadaire dans les transports routiers prise du défaut de la présence d'un interprète lors du contrôle, le chauffeur routier ayant fait l'objet du contrôle serait-il même son salarié. Justifie sa décision la cour d'appel qui rejette l'exception de nullité du procès-verbal de la DREAL tirée de son absence de respect du principe du contradictoire dès lors qu'il ne résulte d'aucune exigence légale qu'un tel acte, qui se borne à relever une infraction, doive présenter un caractère contradictoire. La société prévenue est sans qualité pour critiquer l'absence au procès-verbal de la DREAL des questions qui ont été posées au chauffeur, celui-ci serait-il même son salarié


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 05 octobre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 jan. 2025, pourvoi n°C2500012


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500012
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