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19/12/2024 | FRANCE | N°22401212

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 décembre 2024, 22401212


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


FD






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 19 décembre 2024








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 1212 F-B


Pourvoi n° B 23-11.754












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS> _________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 DÉCEMBRE 2024






1°/ Mme [V] [J], domiciliée [Adresse 3],


2°/ Mme [U] [J], domiciliée [Adresse 1],


3°/ Mme [K] [J], domiciliée [Adresse 6] (A...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 décembre 2024

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 1212 F-B

Pourvoi n° B 23-11.754

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 DÉCEMBRE 2024

1°/ Mme [V] [J], domiciliée [Adresse 3],

2°/ Mme [U] [J], domiciliée [Adresse 1],

3°/ Mme [K] [J], domiciliée [Adresse 6] (Arabie Saoudite),

ont formé le pourvoi n° B 23-11.754 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [I] [C], domicilié [Adresse 5],

2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général Palais de justice, [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mmes [V], [U] et [K] [J], et de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [C], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, Mme Nicolétis, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 décembre 2022), M. [C], avocat, a défendu jusqu'au mois d'octobre 1996 les intérêts de [T] [J] et des sociétés Azul résidence et Baticos que celui-ci dirigeait.

2. Par décision du 1er août 2002, le bâtonnier de son ordre a fixé à une certaine somme le montant des honoraires que [T] [J] et les deux sociétés restaient lui devoir.

3. Par ordonnance du 3 décembre 2003, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré irrecevable le recours formé contre la décision ordinale.

4. A la suite du décès de [T] [J], le [Date décès 2] 2012, l'avocat poursuivant le recouvrement de sa créance à l'encontre de Mmes [V], [U] et [K] [J], ayants droit du défunt (les consorts [J]), a fait signifier une opposition à partage auprès du notaire chargé du règlement de la succession et a fait inscrire une hypothèque judiciaire sur divers immeubles appartenant aux intéressées ou dépendant de la succession.

5. Le 21 mai 2015, les consorts [J], soutenant que l'avocat ne disposait pas d'un titre exécutoire, ont assigné l'avocat devant un tribunal de grande instance en vue d'obtenir la mainlevée des inscriptions d'hypothèques et l'annulation de l'opposition à partage.

6. Parallèlement à cette procédure, l'avocat a saisi le président d'un tribunal judiciaire afin qu'il appose la formule exécutoire sur l'ordonnance rendue par le bâtonnier le 1er août 2002. Cette requête a été rejetée par une ordonnance du 19 décembre 2017.

7. L'avocat a interjeté appel de cette ordonnance, et par un arrêt non contradictoire du 5 avril 2022, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé l'ordonnance et a rendu exécutoire la décision du bâtonnier du 1er août 2002.

8. Les consorts [J] ont demandé la rétractation de cet arrêt.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. Les consorts [J] font grief à l'arrêt de rejeter leur requête en rétractation de l'arrêt du 5 avril 2022 qui, statuant sur requête non contradictoire a infirmé l'ordonnance du 19 décembre 2017, et a rendu exécutoire la décision rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nice le 1er août 2002 au profit de l'avocat, tant à l'encontre des sociétés Azul résidence et Baticos, qu'à l'encontre de [T] [J], aux droits et obligations duquel viennent les consorts [J], redevables ès qualités de la somme principale de 500 000 euros HT soit 598 000 euros HT (lire TTC), alors :

« 1°) que la demande en apposition de la formule exécutoire sur une ordonnance de taxe du bâtonnier doit être regardée comme une action tendant au recouvrement de la créance constatée par l'ordonnance ; que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance ; que le recouvrement d'une créance d'honoraires d'avocats est soumis à la prescription biennale de l'article L. 137-2 ancien devenu L. 218-2 du code de la consommation, laquelle était acquise deux ans après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 soit le 19 juin 2010 ; qu'en jugeant que la demande en apposition de la formule exécutoire sur une ordonnance de taxe du bâtonnier n'était soumise à aucun délai de prescription et que l'avocat bénéficiaire d'une décision de taxe du bâtonnier de Nice du 1er août 2002 avait valablement pu saisir le 1er décembre 2017 le président du tribunal de grande instance de Nice aux fins d'apposition de la formule exécutoire, la cour d'appel a méconnu le principe de sécurité juridique, les articles 2219 et 2224 du code civil et l'article L. 137-2 ancien devenu L. 218-2 du code de la consommation ;

2°) qu'en admettant même que l'action tendant à rendre exécutoire la décision du bâtonnier en date du 1er août 2002 relève de la prescription de droit commun de cinq ans de l'article 2224 du code civil, cette prescription était acquise cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 soit le 19 juin 2013 ; qu'en jugeant que la demande en apposition de la formule exécutoire sur une ordonnance de taxe du bâtonnier n'était soumise à aucun délai de prescription et que M. [C] bénéficiaire d'une décision de taxe du bâtonnier de Nice du 1er août 2002 avait valablement pu saisir le 1er décembre 2017 le président du tribunal de grande instance de Nice aux fins d'apposition de la formule exécutoire, la cour d'appel a méconnu le principe de sécurité juridique et les articles 2219 et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2219 et 2224 du code civil, l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation et l'article 178 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 :

10. Aux termes du premier de ces textes, la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.

11. Aux termes du deuxième, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

12. Aux termes du troisième, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans.

13. Le quatrième, qui prévoit que la décision du bâtonnier, rendue en matière de contestation des honoraires, peut être rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal judiciaire, à la requête, soit de l'avocat, soit de la partie, ne fixe aucun délai pour saisir le président du tribunal judiciaire.

14. La Cour de cassation juge que le droit de créance de l'avocat qui, ayant accompli sa mission, n'a pas été payé spontanément par son client se prescrit selon un délai dont la durée dépend de la nature de la relation existant entre eux. Ainsi, la demande est soumise au délai biennal prévu par l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation lorsque la demande est dirigée contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale (2e Civ., 26 mars 2015, pourvoi n° 14-11.599, publié au Bulletin) et, dans les autres cas, au délai de droit commun prévu par l'article 2224 du code civil (2e Civ., 7 février 2019, pourvoi n° 18-11.372, publié au Bulletin).

15. Elle juge également que la décision du bâtonnier, qui ne constitue pas une décision à laquelle la loi attache les effets d'un jugement, fût-elle devenue irrévocable par suite de l'irrecevabilité du recours formé devant le premier président de la cour d'appel, ne peut faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée qu'après avoir été rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal judiciaire, seul habilité à cet effet (2e Civ., 27 mai 2021, pourvoi n° 17-11.220, publié au Bulletin).

16. Ainsi, la décision du bâtonnier ne constitue pas, tant qu'elle n'a pas été rendue exécutoire, un titre exécutoire au sens de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution. Elle n'est par conséquent pas soumise au délai de 10 ans prévu pour l'exécution des titres exécutoires à l'article L. 111-4 du même code.

17. Il s'en déduit que la demande tendant à rendre exécutoire la décision du bâtonnier doit être présentée dans le délai de prescription de la créance.

18. Pour rejeter la requête en rétractation de l'arrêt du 5 avril 2022 qui avait rendu exécutoire la décision du bâtonnier du 1er août 2002, l'arrêt retient que l'apposition de la formule exécutoire n'est pas une action personnelle, immobilière soumise à la prescription prévue par l'article 2224 du code civil et qu'elle ne se confond pas avec une demande en justice au sens de l'article 30 du code de procédure civile.

19. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception de litispendance, les demandes de nullité, d'irrecevabilité, et les fins de non-recevoir soulevées, l'arrêt rendu le 6 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Condamne M. [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22401212
Date de la décision : 19/12/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

AVOCAT


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 06 décembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 déc. 2024, pourvoi n°22401212


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 31/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22401212
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