LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 décembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 790 F-D
Pourvoi n° Y 23-16.052
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
La communauté de communes de l'Oriente, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 23-16.052 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2023 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Corsicana services, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ au comptable public chargé du recouvrement du centre des finances publiques d'[Localité 2], domicilié [Adresse 5],
3°/ au centre des finances publiques, dont le siège est [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
le comptable public chargé du recouvrement du centre des finances publiques d'[Localité 2] et le centre des finances publiques de [Localité 3] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoquent, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la communauté de communes de l'Oriente, de la SCP Spinosi, avocat de la société Corsicana services, de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable public chargé du recouvrement du centre des finances publiques d'Aléria et du centre des finances publiques trésorerie de Moïta, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 22 mars 2023) et les productions, le 23 juin 2019, deux titres de recettes ont été émis par la communauté de communes de l'Oriente (la CCO) à l'encontre de la société Corsicana service, au titre de la redevance spéciale destinée au financement de la collecte et du traitement des déchets non ménagers pour l'année 2018 (titre n° 44) et 2019 (titre n° 45).
2. La société Corsicana service, qui a été destinataire, le 17 septembre 2019, d'une lettre de relance, a adressé une demande de dégrèvement à la CCO, laquelle a été rejetée par lettre du 2 octobre 2019.
3. Le 16 juin 2021, la CCO et le comptable public chargé du recouvrement du centre des finances publiques d'[Localité 2] et de de [Localité 3] ont mis en demeure la société Corsicana service.
4. Le 12 août 2021, la société Corsicana service a assigné la CCO, le comptable public chargé du recouvrement du centre des finances publiques d'[Localité 2] et le centre des finances publiques trésorerie de [Localité 3] à [Localité 2] aux fins de voir annuler les titres exécutoires n° 44 et n° 45 du 23 juin 2019 émis par la CCO, d'un montant de 17 800 euros chacun, et, par voie de conséquence, la mise en demeure du 16 juin 2021 d'avoir à régler la somme de 35 600 euros.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, et le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, rédigés en termes identiques, réunis, et le second moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Par le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et par le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, la communauté de communes de l'Oriente, le comptable public chargé du recouvrement du centre des finances publiques d'[Localité 2] et le centre des finances publiques trésorerie [Localité 3] à [Localité 2] font grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état, d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'assignation délivrée le 12 août 2021 par la société Corsicana service à l'encontre des titres exécutoires émis par la communauté de communes de l'Oriente le 23 juin 2019, et de les débouter de leurs demandes contraires, alors « que l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ; qu'à défaut de mention, dans la notification du titre exécutoire lui-même, de l'acte en procédant ou de l'acte de poursuite, des voies et délais de recours, cette action peut s'exercer dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il est établi que son destinataire en a eu connaissance ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ; qu'en se contentant d'apprécier le délai de forclusion au regard du dernier acte de recouvrement notifié sans rechercher si la demande de dégrèvement formulée par la société Corsicana service le 20 décembre 2019 n'attestait pas de la connaissance acquise des titres exécutoires émis à son encontre le 23 juin 2019 de nature à faire courir le délai raisonnable d'un an institué pour garantir la sécurité juridique, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard du principe général du droit de sécurité juridique. »
7. Par le second moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche, le comptable public chargé du recouvrement du centre des finances publiques d'[Localité 2] et le centre des finances publiques trésorerie [Localité 3] à [Localité 2] font le même grief à l'arrêt, alors « que l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ; qu'à défaut de mention, dans la notification du titre exécutoire lui-même, de l'acte en procédant ou de l'acte de poursuite, des voies et délais de recours, cette action peut s'exercer dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il est établi que son destinataire en a eu connaissance ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ; qu'en refusant de faire application du délai d'un an à compter de la notification ou de la connaissance acquise de la décision par la société Corsicana service, les juges du fond ont violé le principe général du droit de sécurité juridique. »
Réponse de la Cour
8. Selon l'article L. 1617-5, 1°, alinéa 3, du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite.
9. Selon l'article R. 421-5 du code de justice administrative, les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.
10. Selon l'article 680 du code de procédure civile, l'acte de notification d'un jugement à une partie doit, pour faire courir le délai de recours, indiquer de manière très apparente les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé. À défaut, le délai de recours ne court pas.
11. La Cour de cassation (Ass. Plén., 8 mars 2024, pourvoi n° 21-12.560, publié) juge qu'il résulte de ces deux derniers textes, qu'en l'absence de notification régulière des voies et délais de recours, le débiteur, d'une part, peut saisir la juridiction judiciaire pour contester le titre exécutoire, sans être tenu par le délai de deux mois prévu, en l'occurrence, à l'article L. 1617-5, 1°, alinéa 3 du code général des collectivités territoriales, d'autre part, n'est pas tenu d'y procéder dans le délai raisonnable défini par le Conseil d'Etat dans sa décision du 13 juillet 2016 (CE, 13 juillet 2016, n° 387763, publié au Recueil Lebon).
12. Les moyens, qui postulent le contraire, ne sont donc pas fondés.
Sur le second moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche
13. Le comptable public chargé du recouvrement du centre des finances publiques d'[Localité 2] et le centre des finances publiques trésorerie de [Localité 3] à [Localité 2] font le même grief à l'arrêt, alors « que l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ; qu'en décidant que les contestations de la société Corsicana services à l'encontre de titres exécutoires notifiés le 17 septembre 2019 (arrêt, p. 5 pénultième alinéa et p. 6 alinéa 2), introduites par assignation du 12 août 2021 n'étaient pas tardives, cependant que l'assignation était intervenue plus de deux mois après la notification des titres le 17 septembre 2019, les juges du fond ont violé l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales. »
Réponse de la Cour
14. Ayant constaté que la société Corsicana service avait été destinataire, le 17 septembre 2019, d'une lettre de relance réclamant le paiement de deux redevances spéciales distinctes émises le 23 juin 2019 de 17 800 euros, soit un total dû de 35 600 euros, et relevé que cette lettre de relance faisait référence aux délais et voies de recours sans toutefois préciser ces délais et la juridiction compétente, que la mise en demeure de payer du 16 juin 2021 ne précisait pas la juridiction compétente pour examiner le recours, et que la décision portant création de la redevance spéciale n'était pas plus précise puisqu'elle indiquait que « les litiges de toute nature résultant de l'exécution d'une convention particulière seront du ressort du tribunal administratif ou de l'autorité judiciaire compétente suivant la nature du contentieux engagé », la cour d'appel en a exactement déduit que le recours de la société Corsicana service, exercé par la délivrance d'une assignation le 12 août 2021, était recevable.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la communauté de communes de l'Oriente, le comptable public chargé du recouvrement du centre des finances publiques d'[Localité 2] et le centre des finances publiques trésorerie [Localité 3] à [Localité 2] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la communauté de communes de l'Oriente et par le comptable public chargé du recouvrement du centre des finances publiques d'[Localité 2] et le centre des finances publiques trésorerie de [Localité 3] à [Localité 2] et les condamne à payer à la société Corsicana service la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.