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11/12/2024 | FRANCE | N°52401290

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 décembre 2024, 52401290


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 11 décembre 2024








Cassation




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 1290 F-D


Pourvoi n° X 23-15.154












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PE

UPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 DÉCEMBRE 2024


Le comité social et économique d'établissement direction réseau (DR), direction client territoire (DCT) Est de la société GRDF,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 décembre 2024

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1290 F-D

Pourvoi n° X 23-15.154

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 DÉCEMBRE 2024

Le comité social et économique d'établissement direction réseau (DR), direction client territoire (DCT) Est de la société GRDF, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 23-15.154 contre l'« ordonnance » rendue le 18 avril 2023 par le président du tribunal judiciaire de Nancy, selon la procédure accélérée au fond, dans le litige l'opposant à la société Gaz réseau distribution France - GRDF, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du comité social et économique d'établissement direction réseau (DR), direction client territoire (DCT) Est de la société GRDF, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Gaz réseau distribution France - GRDF, les plaidoiries de Maîtres Lyon-Caen et Célice, et l'avis de Mme Canas, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Bérard, conseiller, Mme Canas, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'« ordonnance » attaquée (président du tribunal judiciaire de Nancy, 18 avril 2023), statuant selon la procédure accélérée au fond, la société Gaz réseau distribution France - GRDF (la société) dispose d'un comité social et économique central et de sept comités d'établissements, soit six comités sociaux économiques d'établissement direction réseau (DR), direction client territoire (DCT) régionaux et un comité social économique d'établissement pour le siège et les fonctions centrales.

2. Lors d'une réunion du 24 novembre 2022, le comité social et économique d'établissement DR, DCT Est de la société (le comité) a décidé de recourir à une expertise pour risque grave.

3. Par acte du 2 décembre 2022, la société a saisi le président du tribunal judiciaire de demandes tendant à écarter des débats les témoignages anonymes produits par le comité et à annuler la délibération du 24 novembre 2022.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le comité fait grief à l'« ordonnance » de dire irrecevables ses pièces n° 7, 9 à 13, 15 à 18, 23, 26 à 34, 36 à 38, 41 et 42, alors « que le principe du contradictoire ne fait pas obstacle à ce qu'en présence d'un risque de représailles pour les salariés témoins, soient produites des attestations anonymisées et réservées au juge les informations permettant d'identifier les personnes dont émanent les attestations dès lors qu'elles sont corroborées par d'autres éléments de preuve ; qu'au cas présent, pour démontrer l'existence d'un risque grave fondant le droit à expertise, le CSE produisait, entre autres éléments de preuve, de nombreuses attestations anonymisées démontrant une altération des conditions de travail des chargés d'affaires s'illustrant par une surcharge de travail, des moyens professionnels défaillants et inadéquats, une pression managériale constante dans un climat de tensions ; que le CSE avait aussi transmis au seul tribunal judiciaire les éléments de nature à identifier les témoins et les relier à leur attestation : que pour dire ces attestations irrecevables, le tribunal s'est borné à retenir que ces pièces n'avaient pas été débattues contradictoirement par la société GRDF pour établir ou démentir le risque grave pour la santé des chargés d'affaires ; qu'en statuant ainsi quand les modalités de production des attestations avaient vocation à prévenir les salariés contre les risques de représailles sans priver la société GRDF d'en discuter le contenu, le tribunal judiciaire a violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 15 et 16 du code de procédure civile :

5. Il résulte du premier de ces textes, garantissant le droit à un procès équitable, que si le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c'est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l'identité est cependant connue de la partie qui produit ces témoignages, lorsque ceux-ci sont corroborés par d'autres éléments permettant d'en analyser la crédibilité et la pertinence.

6. Pour déclarer irrecevables les pièces du comité numérotées 7, 9 à 13, 15 à 18, 23, 26 à 34, 36 à 38, 41 et 42, l'« ordonnance » retient que le principe du contradictoire impose de ne pas tenir compte, dans le cadre du débat judiciaire, d'une pièce non préalablement communiquée dans son intégralité à la partie adverse et qu'en l'espèce les pièces critiquées, qui ne permettent pas à la société de vérifier si les témoignages présentés à l'appui de l'allégation de risque grave émanent de salariés exerçant les fonctions de chargé d'affaires, ou de salariés faisant partie de ceux à l'encontre desquels une procédure disciplinaire a été conduite, ne sauraient être déclarées recevables, le juge ne pouvant fonder sa décision sur des pièces qui n'ont pu être contradictoirement débattues.

7. En statuant ainsi, alors que le comité soutenait que les témoignages litigieux avaient été anonymisés par ses soins afin de protéger les salariés ayant témoigné d'éventuelles représailles et que ces témoignages étaient étayés par d'autres pièces, le président du tribunal judiciaire, auquel il appartenait d'examiner la valeur et la portée de ces témoignages ainsi que des autres pièces dont il avait constaté la production par le comité, a violé les textes susvisés.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le comité fait grief à l'« ordonnance » d'annuler la délibération du 24 novembre 2022 portant sur l'organisation d'une expertise sur le fondement de l'article L. 2315-94 du code du travail, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, relatif à la recevabilité des attestations relatives à la matérialité du risque grave pour la santé des chargés d'affaires en raison de la dégradation de leurs conditions de travail, emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif relatif à la nullité de la délibération du CSE portant recours à l'expertise critiqué par le présent moyen en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

9. La cassation du chef de dispositif de l'« ordonnance » ayant déclaré irrecevables les témoignages litigieux entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif ayant annulé la délibération du comité du 24 novembre 2022, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'« ordonnance » rendue le 18 avril 2023, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Nancy ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette « ordonnance » et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Metz ;

Condamne la société Gaz réseau distribution France - GRDF aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gaz réseau distribution France - GRDF et la condamne à payer au comité social et économique d'établissement direction réseau (DR), direction client territoire (DCT) Est de la société GRDF la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'« ordonnance » cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401290
Date de la décision : 11/12/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Nancy, 18 avril 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 déc. 2024, pourvoi n°52401290


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 31/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401290
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