LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 décembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 755 F-B
Pourvoi n° Y 23-15.063
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 DÉCEMBRE 2024
1°/ La société CMA CGM Asia Shipping Pte Ltd, dont le siège est [Adresse 3] (Singapour),
2°/ Le capitaine commandant le navire "Mol Endeavor", dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° Y 23-15.063 contre l'arrêt rendu le 23 février 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Helvetia compagnie Suisse d'Assurances, dont le siège est [Adresse 2] (Suisse),
2°/ à la société Terminaux de Normandie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société APM terminals France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller doyen, les observations de Me Balat, avocat de la société CMA CGM Asia Shipping Pte Ltd, et du capitaine commandant le navire Mol Endeavor, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Helvetia, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Schmidt, conseiller doyen rapporteur, Mme Guillou, conseiller, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 23 février 2023), la société Crusta C, assurée auprès de la société Helvetia compagnie Suisse assurances (l'assureur), a acheté à la société Inversiones Santa Clara une cargaison de crevettes congelées, dont le transport maritime de [Localité 7] (Honduras) [Localité 5] a été confié à la société APL CO PTE LTD aux droits de laquelle vient la société CMA-CGM (le transporteur maritime).
2. La cargaison, débarquée [Localité 5] du navire Mol Endeavor, a été prise en charge par la société Terminal Porte Oceance (TPO), devenue société Terminaux de Normandie (le manutentionnaire), laquelle a sous-traité la surveillance des températures des conteneurs réfrigérés à la société Star Container, devenue APM Terminals France (le sous-manutentionnaire).
3. La cargaison a été refusée le 27 décembre 2012 en raison d'une rupture de la chaîne du froid.
4. Les 23 et 24 décembre 2013, l'assureur, soutenant avoir indemnisé le sinistre et être subrogé dans les droits de son assuré, a assigné en réparation de son préjudice le transporteur maritime et le capitaine du navire Mol Endeavor (le capitaine).
5. Le 14 novembre 2017, le transporteur maritime a appelé en garantie le sous-manutentionnaire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. Le transporteur maritime et le capitaine font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur action contre la société APM, sous-manutentionnaire, alors « que les exceptions sont d'interprétation stricte ; que dans les groupes de contrats non translatifs de propriété, comme l'est un groupe de contrats formé par un transport, une manutention et une sous-manutention, l'action du maître de l'ouvrage, transporteur maritime, contre le sous-traitant de son cocontractant, sous-manutentionnaire, est nécessairement délictuelle ; qu'il s'ensuit que le délai de prescription applicable à cette action est celui applicable par défaut aux actions extracontractuelles, soit le délai de cinq ans posé par l'article 2224 du code civil ; qu'en soumettant toutefois l'action de la société APL Co Pte Ltd, transporteur maritime, contre le sous-traitant de son entrepreneur de manutention, au court délai de trois mois institué par des textes spéciaux qui ne visent pas cette hypothèse, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 5422-18 et L. 5422-25 du code des transports, et par refus d'application les articles 1382 ancien (devenu 1240) et 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Selon l'article L. 5422-19 du code des transports, l'entrepreneur de manutention n'a sa responsabilité engagée qu'envers celui qui a requis ses services et qui seul a une action contre lui.
9. Il en résulte que, lorsque l'entreprise de manutention requise par le transporteur maritime sous-traite une partie des opérations de manutention, le transporteur maritime, qui a une action de nature contractuelle contre l'entreprise de manutention qu'il a requise, n'est pas recevable à agir, sur le fondement quasi-délictuel, à l'encontre de l'entreprise de manutention sous-traitante.
10. L'arrêt constate que le manutentionnaire, requis par le tranporteur maritime, a confié la surveillance de la température des conteneurs au sous-manutentionnaire.
11. Il en résulte que le transporteur maritime, qui a une action de nature contractuelle à l'encontre du manutentionnaire, n'est pas recevable à agir sur le fondement délictuel contre le sous-manutentionnaire.
12. Par ce motif de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a déclaré irrecevable l'action exercée par le transporteur maritime contre le sous-manutentionnaire, se trouve légalement justifié.
13. Le moyen ne peut donc être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CMA CGM et le capitaine du navire Mol Endeavor aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demande formées par la société CMA CGM et le capitaine du navire Mol Endeavor et les condamne à payer à la société Helvetia compagnie Suisse d'assurances la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller doyen rapporteur et Mme Sezer, greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.