LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 décembre 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 695 FS-B+R
Pourvoi n° K 23-15.672
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 DÉCEMBRE 2024
M. [R] [K], domicilié [Adresse 2] (États-Unis), agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de [F] [K], a formé le pourvoi n° K 23-15.672 contre l'arrêt rendu le 18 avril 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [K], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de de représentant légal de [F] [K], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mmes Lion, Daniel, Marilly, Vanoni-Thierry, conseillers référendaire, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 avril 2023), un jugement rendu le 22 janvier 2018 par le tribunal de la huitième circonscription judiciaire pour le comté de [Localité 3] dans l'Etat de l'Utah (Etats-Unis d'Amérique), a accueilli la demande d'adoption présentée par M. [K] de l'enfant mineur [F] [U], né le 8 juillet 2017, à [Localité 4], dans l'Etat de l'Utah, mis fin de manière permanente aux droits des parents biologiques, dit que l'enfant portera désormais le nom de [F] [U] [K], et dit que le requérant aura la même relation juridique à son égard que s'il était naturellement de lui, y compris les droits et devoirs relatifs à l'assistance et aux successions.
2. M. [K], agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de l'enfant, a assigné le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris pour voir prononcer l'exequatur de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. M. [K] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'exequatur du jugement d'adoption étranger, alors :
« 1°/ que la motivation des jugements d'adoption n'est pas d'ordre public international ; que, pour considérer que le jugement d'adoption du tribunal de la huitième circonscription judiciaire du comté de [Localité 3] de l'Etat de l'Utah serait contraire à l'ordre public international, la cour d'appel retient que le jugement ne contient aucune motivation et qu'il n'évoque ni le consentement des représentants légaux dont l'identité n'est pas précisée, ni les conditions de recueil de l'enfant ; qu'en se déterminant ainsi, quand l'ordre public international ne fait pas obstacle à la reconnaissance d'un jugement étranger prononçant l'adoption d'un enfant sans la motiver, la cour d'appel a violé les articles 3 du code civil et 509 du code de procédure civile ;
4°/ que l'ordre public international ne s'oppose pas à la reconnaissance d'une décision d'adoption étrangère ne mentionnant pas expressément le consentement à l'adoption du représentant légal du mineur adopté ; que, pour considérer que le jugement d'adoption du tribunal de la huitième circonscription judiciaire du comté de [Localité 3] de l'Etat de l'Utah est contraire à l'ordre public international, la cour d'appel retient que le jugement n'évoque ni le consentement des représentants légaux dont l'identité n'est pas précisée, ni les conditions de recueil de l'enfant ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 3 du code civil et 509 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 509 du code de procédure civile, les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi.
6. Les jugements étrangers relatifs à l'état des personnes, produisant de plein droit leurs effets en France sauf s'ils doivent donner lieu à une mesure d'exécution sur les biens ou de coercition sur les personnes, peuvent être mentionnés sur les registres français de l'état civil indépendamment de toute déclaration d'exequatur.
7. Leur régularité internationale est cependant contrôlée par le juge français lorsque celle-ci est contestée ou qu'il lui est demandé de la constater.
8. Pour accorder l'exequatur, le juge français doit, en l'absence de toute convention internationale, s'assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure ainsi que l'absence de fraude. Il lui est interdit de réviser au fond le jugement.
9. Est contraire à la conception française de l'ordre public international la reconnaissance d'une décision étrangère non motivée lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d'équivalent à la motivation défaillante. Il incombe au demandeur de produire ces documents.
10. En matière d'adoption, le juge de l'exequatur doit être en mesure, à travers la motivation de la décision ou les documents de nature à servir d'équivalent qui lui sont fournis, de connaître les circonstances de l'adoption et de s'assurer qu'il a été constaté que ses parents ou ses représentants légaux y ont consenti dans son principe comme dans ses effets.
11. La cour d'appel a relevé que s'il était constant que la compétence du juge américain et l'absence de fraude n'étaient pas contestées, le jugement ne contenait aucune motivation. En particulier, il ne faisait état ni de l'existence du consentement à l'adoption des parents ou des représentants légaux de l'enfant, dont l'identité n'était pas précisée, ni des conditions de recueil de l'enfant.
12. Elle a estimé que les attestations des 25 mai 2021 et 15 mars 2023, improprement qualifiées de certificat de coutume et établies, par un avocat du cabinet chargé par M. [K] des démarches judiciaires américaines pour l'adoption, postérieurement au jugement et directement à l'intention du juge français, étaient inopérantes. Elle a constaté qu'invité à produire des éléments de nature à servir d'équivalent à cette motivation défaillante, notamment la requête visée par le jugement, M. [K] n'avait pas souhaité le faire.
13. Ayant ainsi établi qu'elle n'avait pas été mise en mesure d'exercer son contrôle, la cour d'appel en a exactement déduit que le jugement heurtait l'ordre public international français et ne pouvait en conséquence recevoir l'exequatur.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller rapporteur et Mme Vignes, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre