LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 décembre 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1163 F-D
Pourvoi n° S 22-23.310
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024
La société [3], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 2], a formé le pourvoi n° S 22-23.310 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2022 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section : accidents du travail), dans le litige l'opposant à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 23 octobre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 26 octobre 2022), à la suite de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse), de la maladie déclarée en novembre 2015 par l'un de ses salariés, la société [3] (l'employeur) a saisi une juridiction du contentieux technique aux fins de contestation du taux d'incapacité permanente fixé à hauteur de 90 %.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. L'employeur fait grief à l'arrêt de fixer le taux d'incapacité permanente à 90 %, alors « que la juridiction du contentieux technique règle les contestations relatives à l'état d'incapacité permanente de travail en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle ; que l'appréciation de la nature exacte des séquelles de la victime imputable à la maladie constitue un élément nécessaire à la détermination de l'état d'incapacité de la victime ; que lorsqu'une contestation apparaît sur la nature de l'état séquellaire de la victime, il appartient dès lors au juge du contentieux technique d'identifier lui-même cet état afin d'être en mesure de fixer le taux d'incapacité ; qu'au
cas présent, la société [3] exposait qu'une partie importante des séquelles prise en compte par la CPAM était sans lien avec le carcinome constaté par le certificat médical initial en raison de l'existence d'un état antérieur ; qu'il résultait en particulier des conclusions du technicien désigné par l'employeur et de l'avis du médecin conseil que M. [X] avait bénéficié d'une résection vésicale en 1992 et en 2012 en raison d'une récidive, soit antérieurement à la prise en charge de la lésion au titre de la législation professionnelle ; qu'il appartenait donc à la cour d'appel, saisie d'une contestation sur ce point, de se prononcer sur l'imputabilité des lésions constatées par la caisse à la date de la consolidation à l'accident initial ; qu'en retenant, pour fixer le taux d'incapacité de la victime à 90 %, que « cette problématique relève de la compétence des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale », pour refuser de statuer sur l'imputabilité des lésions à l'accident, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1, L. 143-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale et de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 143-1 et L. 434-2, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction alors en vigueur :
3. Selon le premier de ces textes, il était institué, jusqu'à son abrogation par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, une organisation du contentieux technique de la sécurité sociale réglant notamment les contestations relatives à l'état d'incapacité permanente de travail et notamment au taux de cette incapacité, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle.
4. Aux termes du second, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
5. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu'est soulevé devant lui un moyen tiré de l'imputabilité des séquelles à l'état pathologique préexistant de la victime, il appartient au juge de l'incapacité, pour fixer le taux d'incapacité permanente de rechercher si les séquelles médicalement constatées ne sont pas, pour partie, imputables à un état pathologique préexistant, sans lien avec l'accident du travail ou la maladie professionnelle.
6. Pour fixer le taux d'incapacité permanente à 90 %, ayant constaté que l'employeur se prévalait de l'existence d'une pathologie antérieure à la reconnaissance de la maladie professionnelle et émettait des réserves quant à l'imputabilité de l'état séquellaire, l'arrêt retient que cette contestation relevait de la compétence des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale.
7. En statuant ainsi, la Cour nationale a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 octobre 2022, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.