LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 décembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1154 F-D
Pourvoi n° P 22-21.053
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024
L'Institution de retraite complémentaire de l'enseignement et de la création, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-21.053 contre le jugement rendu le 23 juin 2022 par le tribunal judiciaire d'Évry (pôle social), dans le litige l'opposant à Mme [K] [D], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de l'Institution de retraite complémentaire de l'enseignement et de la création, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 23 octobre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Évry, 23 juin 2022), rendu dernier ressort, Mme [D] (la cotisante), exerçant la profession de scénariste, a formé opposition à une contrainte décernée à son encontre, le 10 février 2021, par l'Institution de retraite complémentaire de l'enseignement et de la création (la caisse) pour avoir paiement des cotisations dues au régime des artistes-auteurs professionnels au titre de l'année 2017.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La caisse fait grief au jugement de déclarer fondée l'opposition et de la condamner au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors « qu'il incombe à l'opposant à contrainte de rapporter la preuve du caractère infondé de la créance dont le recouvrement est poursuivi par l'organisme social ; qu'en l'espèce, le tribunal a énoncé que la caisse supportait la charge de la preuve, devait démontrer l'existence d'un double règlement et a constaté que si la caisse soutenait que la cotisante était redevable d'une cotisation au régime des artistes-auteurs professionnels (RAAP) de 2017 au regard de ses revenus d'artiste-auteur tirés de son activité de scénariste de films, sur une assiette de 76 907 euros, intégrant un revenu de 69 407 euros transmis par l'AGESSA et un revenu de 7 500 euros transmis suivant bordereau du 8 avril 2016 par la société de production [3], aucun document ne venait étayer l'affirmation d'une assiette sur un revenu de 69 407 euros qui aurait été transmis par l'AGESSA, de sorte « qu'à défaut de justifier du fondement de la créance qui la sous-tend, la contrainte émise par la caisse doit être annulée » ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 du code civil, L. 244-9 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
3. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il incombe à l'opposant à contrainte de rapporter la preuve du caractère infondé de la créance dont le recouvrement est poursuivi par l'organisme social.
4. Pour annuler la contrainte, le jugement retient en substance que la caisse, qui est demanderesse à la contrainte, supporte la charge de la preuve et doit démontrer l'existence d'un double règlement. Il relève qu'au regard des pièces versées au dossier, la caisse se montre incapable d'apporter la preuve du revenu de 69 407 euros qui lui aurait été transmis par l'Agessa et que seul est justifié un revenu d'un montant inférieur au seuil de déclenchement de l'affiliation au régime des artistes auteurs professionnels.
5. En statuant ainsi, le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
6. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation s'étend à l'ensemble de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
7. La cassation du chef du dispositif du jugement annulant la contrainte entraîne la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif condamnant la caisse au paiement de dommages-intérêts qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la cotisante recevable en son opposition, le jugement rendu le 23 juin 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Évry ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire d'Évry, autrement composé ;
Condamne Mme [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [D] et la condamne à payer à l'Institution de retraite complémentaire de l'enseignement et de la création la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.