LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 décembre 2024
Cassation
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1250 FS-B
Pourvoi n° S 22-19.584
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 DÉCEMBRE 2024
La société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-19.584 contre l'arrêt rendu le 2 juin 2022 par la cour d'appel de Nouméa (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [F] [I], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société France télévisions, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [I], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 2 juin 2022), Mme [I] a été engagée en qualité de journaliste rédacteur reporteur par la société France télévisions par contrat à durée déterminée pour la période du 23 juin 2014 au 27 juillet 2014 en raison d'un accroissement d'activité au sein de l'antenne NC1ère à Nouméa. Les parties ont ensuite conclu une succession de contrats à durée déterminée, le dernier venant à terme le 26 avril 2018.
2. Le 25 avril 2019, la salariée a saisi la juridiction du travail de demandes en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail est régi par les dispositions du code du travail métropolitain, de constater que ce contrat est un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet depuis le 23 juin 2014, de dire que la rupture du contrat de travail du 29 juillet 2015 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnités de requalification, conventionnelle de licenciement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de congés payés, compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, alors « que les dispositions du droit du travail de Nouvelle-Calédonie sont impérativement applicables à tous les salariés domiciliés en Nouvelle-Calédonie et exécutant leur contrat de travail en Nouvelle-Calédonie et aux personnes qui les emploient, à l'exclusion du droit du travail métropolitain ; qu'en jugeant que les parties pouvaient s'y soustraire en choisissant de faire application du code du travail métropolitain, la cour d'appel a violé l'article 77 de la Constitution, l'article 22 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et l'article Lp 111-1 du code du travail de Nouvelle Calédonie. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 22 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 et l'article Lp 111-1 du code du travail de Nouvelle-Calédonie :
4. Selon le premier de ces textes, la Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières portant sur le droit du travail et le droit syndical.
5. Selon le second, les dispositions du livre I, relatif aux relations individuelles du travail, sont applicables à tous les salariés de Nouvelle-Calédonie et aux personnes qui les emploient. Elles ne portent pas atteinte aux stipulations des contrats individuels de travail plus favorables pour les salariés.
6. Pour dire que le contrat de travail est régi par les dispositions du code du travail métropolitain, l'arrêt retient que l'ensemble des contrats ont été conclus expressément en application des articles L. 122-1-1 et suivants du code du travail et que la mention expresse de l'article L. 1242-2 du même code, qui énumère les cas dans lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée, accrédite ce choix de plus fort, attestant que du début à la fin de leurs relations, les parties ont cité le code du travail métropolitain. L'arrêt relève que la salariée, citoyenne française, a été engagée en 2014 par une société de droit français dont le siège social est à [Localité 3], avec laquelle elle a signé l'intégralité des contrats à durée déterminée qui ont suivi et qu'elle était affiliée à un régime de retraite métropolitain et non calédonien.
7. L'arrêt ajoute qu'il est de principe en droit du travail qu'en cas de conflit de lois, il convient de prendre en compte le droit le plus protecteur des salariés et à cet égard, la législation métropolitaine est plus favorable au salarié ayant conclu un contrat à durée déterminée qu'il s'agisse des modalités de congés payés, de la durée mensuelle du travail, de l'existence d'une indemnité de requalification inexistante en droit calédonien et d'une indemnité de précarité supérieure en métropole (10 %) à celle prévue en Nouvelle-Calédonie.
8. En statuant ainsi, alors que si l'article Lp 111-1 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ne fait pas obstacle à l'exécution de stipulations contractuelles plus favorables, l'application de ce code ne saurait être écartée en raison du seul visa dans le contrat de travail de dispositions du code du travail applicable en métropole, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée ;
Condamne Mme [I] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille vingt-quatre.