LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 décembre 2024
Cassation
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1239 FS-B
Pourvoi n° W 23-15.337
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 DÉCEMBRE 2024
M. [T] [S] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-15.337 contre l'arrêt rendu le 7 mars 2023 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société Cilomate transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Cilomate transports, et l'avis de M. Charbonnier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Degouys, Lacquemant, Nirdé-Dorail, Palle, Ménard, Filliol, conseillers, Mme Pecqueur, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, M. Charbonnier, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 7 mars 2023), M. [R] a été engagé en qualité de conducteur routier par la société Cilomate transports le 11 septembre 1997.
2. Il a été déclaré inapte le 11 juin 2019, le médecin du travail précisant que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi et renvoyant à son courrier du 7 juin 2019 par lequel il faisait connaître à l'employeur les capacités restantes du salarié.
3. L'employeur a repris le paiement du salaire en septembre 2019 et a interrogé le salarié le 10 octobre 2019 pour lui demander s'il accepterait un reclassement à l'étranger. Le salarié ayant refusé cette proposition, l'employeur a consulté les autres sociétés du groupe pour un éventuel reclassement le 29 novembre 2019.
4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 31 janvier 2020.
5. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 26 mars 2020.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, il appartient à l'employeur soit de formuler une proposition de reclassement, soit de licencier le salarié pour impossibilité de reclassement, la reprise par l'employeur du paiement des salaires, à laquelle il est tenu, ne le dispensant pas de son obligation de proposer un poste de reclassement ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que l'employeur a tardé à engager la procédure de tentative de reclassement puis la procédure de licenciement, la cour d'appel a néanmoins débouté le salarié de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail motifs pris que l'obligation de reclassement est autonome de celle de reprendre le paiement du salaire et n'est pas enfermée dans un délai, de sorte que cette lenteur ne peut constituer un manquement de la part de l'employeur à ses obligations contractuelles ou légales ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations que l'employeur avait manqué à ses obligations en laissant le salarié dans une situation d'inactivité sans lui proposer de poste de reclassement ni le licencier, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1226-2, L. 1226-2-1, L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail, ainsi que 1224 et suivants du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1222-1 et L. 1226-11 du code du travail :
7. Selon le premier de ces textes, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
8. Selon le second, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
9. Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt retient que l'employeur a attendu le 14 octobre 2019 pour demander au médecin du travail des précisions sur l'avis d'inaptitude du 11 juin 2019 dont les termes prêtaient à confusion, qu'il a attendu le 29 novembre 2019 pour consulter les sociétés du groupe auquel il appartenait sur les possibilités de reclassement et n'a entrepris la procédure de licenciement pour inaptitude qu'en mars 2020.
10. L'arrêt ajoute que l'employeur a tardé à engager la procédure de tentative de reclassement puis la procédure de licenciement, mais que l'obligation de reclassement est autonome de celle de reprendre le paiement du salaire et n'est pas enfermée dans un délai, de sorte que cette lenteur ne peut constituer un manquement de la part de l'employeur à ses obligations contractuelles ou légales.
11. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le salarié avait été maintenu dans une situation d'inactivité forcée au sein de l'entreprise, le contraignant ainsi à saisir la juridiction prud'homale, ce dont elle aurait dû déduire l'existence d'un manquement de l'employeur à ses obligations et qu'il lui appartenait de dire si un tel manquement était d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;
Condamne la société Cilomate transports aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cilomate transports et la condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille vingt-quatre.