LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 novembre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 642 F-D
Pourvoi n° Q 22-21.606
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 NOVEMBRE 2024
M. [L] [K], domicilié [Adresse 14], a formé le pourvoi n° Q 22-21.606 contre l'arrêt rendu le 12 juillet 2022 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [F] [J], veuve [E], domiciliée [Adresse 5],
2°/ à Mme [H] [X], veuve [M], domiciliée [Adresse 1],
3°/ à Mme [G] [M], épouse [A], domiciliée [Adresse 10],
4°/ à Mme [D] [M], domiciliée [Adresse 8],
5°/ à M. [I] [M], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [K], de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de Mme [J], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de Mme [X], de Mmes [G] et [D] [M] et de M. [M], après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 12 juillet 2022), M. [K] est propriétaire d'une parcelle cadastrée section AT n° [Cadastre 13].
2. Se prévalant d'un droit de passage à char en vertu d'un acte de partage du 21 décembre 1945, M. [K] a assigné Mme [E], propriétaire des parcelles cadastrées section AT n° [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 6], [Cadastre 7], Mmes [H], [G] et [D] [M] et M. [I] [M] (les consorts [M]), propriétaires des parcelles cadastrées section AT n° [Cadastre 2] et [Cadastre 4], en rétablissement de l'assiette de la servitude conventionnelle sur trois mètres de large, en proposant différentes modalités d'élargissement du passage existant.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [K] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors :
« 1°/ que le juge ne peut pas méconnaître l'objet du litige ; que si, dans ses
conclusions, M. [K] proposait différents tracés pour l'assiette de la servitude, il concluait en tout état de cause à ce que la cour condamne « solidairement, à défaut in solidum, Madame [H] [X] veuve [M], Madame [G] [M] épouse [A], Madame [D] [M], Monsieur [I] [M], et Madame [F] [E], ou qui des deux les devra en fonction du tracé qui sera adopté par votre Cour, à réaliser les travaux nécessaires et en justifier, afin de permettre le rétablissement de la servitude conventionnelle de passage au profit de la parcelle cadastrée section AT n° [Cadastre 13], sous un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et passé ce délai sous astreinte de 200 ¿ par jour de retard » ; que la cour d'appel ayant elle-même constaté l'existence de la servitude conventionnelle invoquée par M. [K], elle devait alors faire droit à cette demande, en fonction du tracé de la servitude qu'elle estimait devoir retenir ; qu'en déboutant pourtant M. [K] de toutes ses demandes, au prétexte que le tracé de la servitude retenu par elle ne correspondait pas à ceux proposés par M. [K], et qu'en conséquence le rétablissement de cette servitude ne pourrait « en aucun cas satisfaire la demande de M. [K] », la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, aucune partie n'avait soutenu que l'assiette de la servitude de passage, telle que définie dans l'acte de partage du 21 décembre 1945, se situait en un autre endroit que le passage actuellement utilisé ; qu'en relevant ce moyen d'office pour débouter M. [K] de ses demandes, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, ce qui leur aurait éventuellement permis de faire évoluer leurs prétentions, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que le propriétaire du fonds bénéficiant d'une servitude conventionnelle de passage peut prescrire une assiette différente de celle convenue, si cette servitude a été instituée pour cause d'enclave ; qu'en l'espèce, l'acte de partage du 21 décembre 1945 a institué une servitude de passage au profit de la parcelle [Cadastre 9] afin de la désenclaver, étant précisé que sans cette servitude de passage, cette parcelle serait toujours enclavée ; que l'assiette du passage pouvait dès lors être déterminée par trente ans d'usage continu ; qu'en se bornant à constater d'office l'absence de concordance entre l'assiette de la servitude définie par le titre et celle du chemin dont M. [K], à la suite de ses auteurs, avait fait usage, sans autrement apprécier si ce dernier avait acquis par voie de prescription le droit d'user de ce chemin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 685 et 691 du code civil ;
4°/ que le propriétaire du fonds servant peut proposer une assiette différente si l'assignation primitive s'avère plus préjudiciable à son fonds et si le nouvel endroit est aussi commode pour l'exercice de ses droits par le propriétaire du fonds dominant ; qu'il s'ensuit que le juge ne peut rejeter une demande en rétablissement d'une servitude de passage en se bornant à soulever d'office le moyen pris du déplacement effectif de l'assiette, sans inviter les
parties à s'expliquer sur cette situation ni s'assurer que le propriétaire du fonds servant refuse pareil déplacement ; qu'en s'abstenant d'apprécier, après avoir permis un débat contradictoire, les raisons du déplacement constaté et de vérifier si les consorts [M], se voyant opposer un emplacement de la servitude sur leur fonds différent de celui du chemin utilisé, et passant désormais au milieu de leur fonds, acceptaient ce déplacement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 691 et 701 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Ayant relevé que M. [K] fondait ses demandes sur les stipulations d'un acte de partage du 21 décembre 1945 qui instaurait un droit de passage à char aux attributaires de la parcelle n° [Cadastre 9], actuellement cadastrée n° [Cadastre 13], et constaté que cette stipulation était utilement illustrée par le plan qui y était annexé, la cour d'appel a retenu que le tracé actuel du passage permettant à M. [K] d'accéder à sa propriété ne correspondait pas à l'assiette du droit de passage ainsi instauré.
5. En l'état de ces énonciations et appréciations, c'est sans modifier l'objet du litige, qui portait sur l'élargissement du passage existant selon l'une des modalités proposées par M. [K], ni violer le principe de la contradiction, qu'elle en a déduit, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, que la demande de ce dernier devait être rejetée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et le condamne à payer à Mme [E] la somme de 3 000 euros et à M. [M] et Mmes [H], [D] et [G] [M] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre.