LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 24-80.306 F-D
N° 01446
GM
27 NOVEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 NOVEMBRE 2024
M. [J] [F] a formé un pourvoi contre l'ordonnance n° 23/716 du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, en date du 12 décembre 2023, qui a prononcé sur une réduction de peine.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [J] [F], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [J] [F] a été écroué le 8 février 2020 en exécution d'un mandat de dépôt décerné à l'occasion d'une information judiciaire ouverte des chefs de meurtre, violences aggravées et dégradations.
3. Il a été détenu à compter de cette date et jusqu'au 12 janvier 2023, et exécute depuis lors plusieurs peines.
4. Par ordonnance du 12 octobre 2023, le juge de l'application des peines a accordé à M. [F] quatre-vingt dix jours de réduction de peine pour la période allant du 8 février 2020 au 8 février 2021.
5. Le condamné et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a accordé à M. [F] une réduction de peine de 90 jours pour la période de détention du 8 février 2020 au 8 février 2021, alors « que selon l'article 59 VI de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, toute personne placée sous écrou avant le 1er janvier 2023 demeure soumise au régime de réduction de peine antérieur à cette loi ; que cela concerne aussi bien les personnes écrouées en exécution d'une condamnation que les personnes détenues provisoirement, peu important, s'agissant de ces dernières, qu'elles aient été condamnées définitivement par une décision postérieure à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; qu'en l'espèce, M. [F], détenu provisoirement depuis le 8 février 2020 et condamné postérieurement, demandait le bénéfice des crédits de réduction de peine automatiques prévus par les dispositions du code de procédure pénale antérieures à la loi du 22 décembre 2021 ; qu'en limitant à 90 jours la réduction de peine accordée au visa de la loi nouvelle, le président de la chambre de l'application des peines a violé la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 par fausse application et la loi ancienne par refus d'application. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 721 du code de procédure pénale, dans ses versions antérieure et postérieure à la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, et l'article 59, VI, de cette loi :
7. Il résulte du dernier de ces textes que le premier reste applicable, dans sa version antérieure à la loi précitée, aux personnes placées sous écrou avant le 1er janvier 2023.
8. La Cour de cassation juge que les dispositions de la loi précitée ne font aucune distinction selon que la personne écrouée était, à la date du 1er janvier 2023, placée en détention provisoire ou qu'elle exécutait une peine, et que le champ d'application de ladite loi n'a pu être modifié par le décret n° 2022-1261 en date du 28 septembre 2022, texte de nature réglementaire (Crim., 26 juin 2024, pourvoi n° 23-87.131, publié au Bulletin).
9. En conséquence, l'article 721 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2024, prévoyant le bénéfice d'un crédit de réduction de peine, doit être appliqué à toute personne incarcérée à la date du 1er janvier 2023.
10. En l'espèce, alors que M. [F] a été écroué avant le 1er janvier 2023, le nouveau régime de la réduction de peine, relevant de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 lui a été appliqué, la décision attaquée lui ayant accordé une réduction de peine en raison de sa conduite en détention et de ses efforts d'insertion, sans lui faire bénéficier du régime du crédit de réduction de peine.
11. En appliquant ainsi le nouveau régime de réduction de peine à un condamné qui n'en relevait pas, le président de la chambre de l'application des peines a violé les textes susvisés.
12. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, en date du 12 décembre 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la juridiction du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.