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27/11/2024 | FRANCE | N°52401218

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 novembre 2024, 52401218


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 27 novembre 2024








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 1218 F-D


Pourvoi n° J 22-18.979








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FR

ANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 NOVEMBRE 2024


Mme [B] [I], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 22-18.979 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 novembre 2024

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1218 F-D

Pourvoi n° J 22-18.979

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 NOVEMBRE 2024

Mme [B] [I], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 22-18.979 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d'appel de Papeete (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'Agent judiciaire de l'Etat, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ au vice-recteur de la Polynésie française, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [I], de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat, après débats en l'audience publique du 23 octobre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 23 juin 2022), Mme [I] a été engagée par le vice-rectorat de la Polynésie française en qualité de professeur contractuel première catégorie de tahitien-français selon quatre contrats à durée déterminée des 1er septembre 2016, 14 décembre 2016, 27 juillet 2017 et 19 décembre 2017. Elle a ensuite été engagée, en qualité d'enseignant du second degré en tahitien-français, par contrat à durée déterminée du 20 août 2020, pour la période du 24 août 2020 au 8 août 2021. L'engagement vise la nécessité d'un recrutement d'agent contractuel en raison de la nature des fonctions ou les besoins des services, ainsi que l'impossibilité de recruter un fonctionnaire dans les conditions prévues par la loi.

2. L'intéressée a saisi, le 7 juillet 2021, le tribunal du travail pour obtenir notamment la requalification de ses engagements en un contrat à durée indéterminée et la condamnation de l'Etat à lui payer diverses sommes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La demanderesse fait grief à l'arrêt de dire que le tribunal administratif est compétent pour statuer sur l'engagement du 24 août 2020, dont elle demandait qu'il soit requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, et sur ses demandes tendant à ce que l'Etat soit en conséquence condamné à lui payer certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'en modifiant l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, de manière à ce qu'il prévoie que, dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables de plein droit en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives aux agents publics de l'Etat", et non plus aux statuts des agents publics de l'Etat", l'article 2 de la loi organique n° 2019-706 du 5 juillet 2019 n'a pas eu, à lui seul, pour effet que les contrats des agents recrutés par l'Etat, régis jusque-là par la loi du 17 juillet 1986, soient désormais des contrats de droit public ; que l'article 8 de la loi ordinaire n° 2019-707 du 5 juillet 2019 a prévu que les agents non titulaires de l'Etat régis par le droit privé seront placés, lorsqu'ils travaillent pour le compte d'un service public administratif, sous un régime de droit public, à compter du 1er janvier 2021 ; que jusqu'à cette date, les agents contractuels de l'Etat et de ses établissements publics administratifs employés en Polynésie française sont restés régis par le droit privé ; qu'en décidant cependant que les contrats des agents recrutés en qualité d'enseignants par le vice-recteur de la Polynésie française après le 16 juillet 2019 étaient des contrats de droit public soumis à la juridiction administrative, la cour d'appel a violé l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, l'article 2 de la loi organique n° 2019-706 du 5 juillet 2019 portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française et l'article 8 de la loi n° 2019-707 du 5 juillet 2019 portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française, ensemble l'article 1er de la loi n° 86-45 du 17 juillet 1986, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2019-706 du 5 juillet 2019, et l'article 8 de la loi n° 2019-707 du 5 juillet 2019 portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française :

4. Selon le premier de ces textes, dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. Par dérogation au premier alinéa, sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : (...) 5° Aux agents publics de l'Etat.

5. Aux termes du second des textes susvisés, dans sa rédaction initiale en vigueur du 7 juillet 2019 au 19 juin 2020, sous réserve du 2° de l'article 27 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, les agents non titulaires de l'Etat régis par le droit privé sont placés sous un régime de droit public à compter du 1er janvier 2021 lorsqu'ils travaillent pour le compte d'un service public administratif en Polynésie française.

6. Aux termes du même texte, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, en vigueur depuis le 19 juin 2020 :
I. - Sous réserve du 2° de l'article 27 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, les agents non titulaires de l'Etat régis par le droit privé sont placés sous un régime de droit public à compter du 1er juillet 2021 lorsqu'ils travaillent pour le compte d'un service public administratif en Polynésie française.
II. - Par dérogation au I du présent article, les agents non titulaires de l'Etat régis par le droit privé travaillant pour le compte d'un service public administratif en Polynésie française peuvent choisir, dans un délai de six mois à compter de la date mentionnée au même I, de conserver le bénéfice des stipulations de leur contrat de travail de droit privé.
III. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article, notamment les dispositions générales et les conditions d'emploi applicables aux agents non titulaires de l'Etat régis par le droit public en Polynésie française.

7. Pour dire que le tribunal administratif de Papeete est compétent pour statuer sur l'engagement du 24 août 2020, l'arrêt retient, au vu de l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française modifié par l'article 2 de la loi organique n° 2019-706 du 5 juillet 2019 portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française, entrée en vigueur le 16 juillet 2019, qu'il est visé désormais dans les domaines qui relèvent de la compétence de l'Etat une application de plein droit des dispositions législatives et réglementaires relatives aux agents publics de l'Etat, sans distinction entre fonctionnaires et non titulaires. Il ajoute que le contrat querellé signé par les deux parties vise notamment les décrets n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État et n° 2016-1171 du 29 août 2016 relatif aux agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement, d'éducation et d'orientation dans les écoles, les établissements publics d'enseignement du second degré ou les services relevant du ministre chargé de l'éducation nationale et que les contrats retiennent en son article 12 la compétence de la juridiction administrative en cas de litige.

8. L'arrêt retient ensuite que la loi organique dans sa nouvelle rédaction a pour conséquence d'étendre de plein droit aux agents contractuels de l'Etat recrutés en Polynésie française, l'ensemble des dispositions métropolitaines relatives aux agents publics sous contrat, que par suite deviennent notamment applicables de plein droit à compter de l'entrée en vigueur de la loi organique les décrets n° 86-83 du 17 janvier 1986 et n° 2016-1171 du 29 août 2016 et qu'il s'ensuit qu'à compter du 16 juillet 2019, en application des dispositions susvisées applicables de plein droit, les nouveaux contrats relatifs aux agents contractuels conclus par l'Etat en Polynésie française pour exercer des fonctions éducatives sont de droit public et soumis à la compétence de la juridiction administrative.

9. Il énonce enfin que les dispositions légales et réglementaires invoquées par l'intéressée - l'article 8 de la loi n° 2019-707 du 5 juillet 2019 portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française, ensuite modifié par l'article 34 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne et le décret n° 2021-802 du 24 juin 2021 relatif aux agents non titulaires de l'Etat en Polynésie française - ne concernent que « les agents non titulaires de l'Etat régis par le droit privé » et par conséquent seuls ceux dont les contrats de travail ont été conclus avant l'entrée en vigueur de la loi organique modifiée et que l'intéressée ayant signé le contrat postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi organique n° 2019-706, sans être titulaire d'un contrat en cours de droit privé, était dès lors bien un agent de l'Etat soumis au droit public, notamment aux décrets n° 86-83 et n° 2016-1171 précités, et que, par conséquent, le tribunal du travail était incompétent pour statuer sur ce contrat de travail.

10. En statuant ainsi, alors que s'il résultait des dispositions de l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2019-706 du 5 juillet 2019 entrée en vigueur le 16 juillet 2019, qu'étaient applicables de plein droit en Polynésie française à compter de cette date, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires relatives aux agents publics de l'Etat, les agents non titulaires de l'Etat régis par le droit privé n'ont été placés sous un régime de droit public qu'à compter du 1er juillet 2021 en application de l'article 8 de la loi n° 2019-707 du 5 juillet 2019 modifié par l'article 34 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le tribunal administratif de Papeete est compétent pour statuer sur l'engagement du 24 août 2020 et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée ;

Condamne l'Agent judiciaire de l'Etat aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Agent judiciaire de l'Etat et le condamne à payer à Mme [I] la somme de 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401218
Date de la décision : 27/11/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 23 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 nov. 2024, pourvoi n°52401218


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 03/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401218
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