LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 novembre 2024
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1207 F-D
Pourvoi n° S 23-13.056
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 NOVEMBRE 2024
La société Sols confluence, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-13.056 contre l'arrêt rendu le 8 février 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à M. [Z] [X] [D], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Sols confluence, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X] [D], après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 février 2023), M. [X] [D] a été engagé en qualité de maçon le 29 janvier 2001 par la société Sols. A compter du 1er août 2006, son contrat de travail a été transféré à la société Sols confluence (la société). Au dernier état des relations contractuelles, il occupait les fonctions de chef d'équipe.
2. Il a été placé en arrêt de travail pour un accident du travail à compter du 28 juillet 2015 et jusqu'au 1er mai 2016.
3. Licencié le 21 avril 2016 pour faute grave, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et obtenir paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches
Enoncé du moyen
5. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, au titre des congés payés afférents, à titre d'indemnité légale de licenciement, et de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors :
« 2°/ que se rend responsable d'une méconnaissance de l'obligation de loyauté constitutive d'une faute grave le salarié qui, durant un arrêt maladie, a une activité concurrente à celle de son employeur, peu important que cette dernière ait ou non été rémunérée ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait au salarié d'avoir exercé, durant un arrêt de travail, une activité concurrente, malgré un premier un avertissement pour des faits de même nature ; qu'en considérant que "l'activité concurrente n'est pas établie puisque Monsieur [X] [D] est intervenu à titre amical, l'employeur ne démontr(ant) pas que le salarié a perçu une rémunération", la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ainsi que les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du même code ;
3°/ que se rend responsable d'une méconnaissance de l'obligation de loyauté constitutive d'une faute grave le salarié qui, sans autorisation, s'approprie du matériel de l'entreprise ; qu'en l'espèce, l'exposante soulignait, à l'appui de la lettre de licenciement comme de ses conclusions, que le salarié ne disposait d'aucune autorisation pour prendre des bidons de
l'entreprise, fût-ce dans les bennes ainsi qu'il le prétendait ; que le salarié ne
contestait pas ne pas disposer d'une telle autorisation, et n'invoquait aucun
usage l'autorisant à agir de la sorte ; qu'en retenant que si le salarié admettait avoir récupéré des bidons du produit de la société dans les bennes à déchets de l'entreprise, cette récupération, y compris dans l'enceinte de l'entreprise, ne constituait pas une faute grave, la cour d'appel qui n'a pas recherché si une telle appropriation du matériel de l'entreprise sans autorisation, ni usage permettant au salarié d'y procéder, en l'état d'une précédente sanction pour avoir travaillé chez un particulier durant son temps de travail en commandant du béton pour ce dernier sans autorisation, ne révélait pas un manquement réitéré à la loyauté constitutif d'une faute grave, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ainsi que des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du même code ;
4°/ que manque à son obligation de loyauté le salarié qui, durant un arrêt maladie pour accident du travail, travaille sur un chantier ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait au salarié d'avoir été surpris en train de travailler chez un particulier durant son arrêt maladie, l'intéressé reconnaissant donner un "coup de main" sur ce chantier représentant le coulage de 70 m² de béton ; qu'à l'appui de ses écritures, l'exposante soulignait que l'huissier avait constaté que le salarié était en train de "travailler sur un terrain" lorsqu'il s'était présenté chez le particulier ; que le salarié avait objecté qu'il se serait borné à délivrer des conseils, sans lui-même prendre part aux travaux, puisque toute activité physique lui était interdite ; qu'en se bornant à retenir que l'activité concurrente n'était pas établie faute de preuve d'une rémunération et que la récupération de bidons dans l'enceinte de l'entreprise ne constituait pas une faute grave, sans rechercher si le salarié avait ou non travaillé sur le chantier, ce qui aurait été exclusif du respect de l'obligation de loyauté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier texte dans sa rédaction
antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ainsi que des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du même code. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.
7. Pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur peut seulement, dans le cas d'une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l'obligation de loyauté.
8. La cour d'appel a constaté, d'abord, que l'activité concurrente n'était pas établie puisque le salarié était intervenu à titre amical et bénévole, l'employeur ne démontrant pas que le salarié aurait perçu une rémunération, ensuite, que le détournement de marchandises appartenant à la société n'était pas davantage établi, le béton ayant été facturé à son ami, le salarié ayant seulement passé commande.
9. Elle a enfin retenu, que la récupération, y compris dans l'enceinte de l'entreprise, de bidons abandonnés ne constituait pas une faute grave, non plus que l'absence du salarié de son domicile, entre 9 heures et 11 heures.
10. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait qu'aucun acte de déloyauté ne pouvait être reproché au salarié, la cour d'appel a exactement déduit que le licenciement, en l'absence de faute grave, était nul.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sols confluence aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sols confluence et la condamne à payer à M. [X] [D] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.