LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 novembre 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 723 F-B
Pourvoi n° G 23-12.151
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 NOVEMBRE 2024
1°/ Le directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2],
2°/ le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, dont le siège est pôle contrôle fiscal et affaires juridiques, pôle juridictionnel judiciaire, [Adresse 1], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,
ont formé le pourvoi n° G 23-12.151 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [V] [U], domicilié [Adresse 5],
2°/ à Mme [D] [U], épouse [C], domiciliée [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. [V] [U] et Mme [D] [U], après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 novembre 2022), [O] [Y] est décédée le [Date décès 3] 2007, en laissant pour lui succéder son époux, [V] [U], ainsi que leurs deux enfants, [V] [P] et [D] [U], (les consorts [U]). [V] [U] a opté pour l'usufruit sur la totalité des biens de la succession. A l'actif de la communauté, figuraient divers comptes bancaires, parmi lesquels plusieurs comptes titres.
2. [V] [U] est décédé le [Date décès 4] 2016, en laissant pour lui succéder ses deux enfants. Le 27 avril 2017, la déclaration de succession a été enregistrée auprès du service des impôts. Une somme de 168 109,05 euros a été portée au passif de la succession au titre d'une créance de restitution représentative des sommes et éléments figurant sur les comptes bancaires au jour du décès de [O] [U], dont [V] [U] s'était vu attribuer l'usufruit.
3. Le 18 septembre 2017, l'administration fiscale a remis en cause la déduction de la créance de restitution, considérant que les comptes titres figurant à l'actif de la succession de [O] [U] n'avaient pas fait l'objet d'une convention de quasi-usufruit notariée ou enregistrée, réduisant ainsi la créance de restitution de la somme de 168 109,05 euros à celle de 3 806 euros, correspondant aux liquidités. Le 9 février 2018, elle a émis un avis de mise en recouvrement (AMR) pour un montant de 32 860 euros au titre des droits supplémentaires, outre 1 183 euros d'intérêts de retard.
4. Le 11 juillet 2018, l'administration fiscale a rejeté la réclamation contentieuse des consorts [U], lesquels l'ont alors assignée en nullité de la procédure de rectification et, à défaut, en dégrèvement total de l'imposition.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. L'administration fiscale fait grief à l'arrêt de prononcer le dégrèvement total de l'imposition supplémentaire mise à la charge des consorts [U], alors « que le quasi-usufruit conventionnel ne se présumant pas, il doit faire l'objet d'une convention écrite, qu'en conséquence, la déduction de la créance de restitution correspondante n'est permise qu'en présence d'un acte authentique ou sous seing privé dûment enregistré ; qu'en jugeant que la déclaration de succession, identifiant et renseignant exactement le montant des valeurs mobilières au jour du décès, est suffisante à autoriser la déduction de la créance de restitution à cette date, la cour d'appel de Rennes a violé les articles 587 du code civil et 773, 2°, du code général des impôts et fait une fausse interprétation des principes jurisprudentiels en la matière. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 768 du code général des impôts :
6. Aux termes de ce texte, pour la liquidation des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du défunt sont déduites lorsque leur existence au jour de l'ouverture de la succession est dûment justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite.
7. Pour prononcer le dégrèvement total de l'imposition supplémentaire mise à la charge des consorts [U], l'arrêt, après avoir relevé que la déclaration de succession de [O] [Y] faisait apparaître le montant des valeurs mobilières présentes dans la succession au jour de son décès et dont le montant n'était pas contesté par l'administration fiscale, retient que la dette de restitution peut être calculée sur ces valeurs mobilières identifiées précisément et quantifiées avec exactitude pour en déduire que la preuve du montant des valeurs mobilières sur lesquelles portait l'usufruit d'[V] [U] est rapportée par les consorts [U], de sorte que la créance de restitution a été exactement calculée.
8. En statuant ainsi, alors que, s'agissant d'un usufruit légal portant sur un portefeuille de valeurs mobilières, la seule déclaration de succession, identifiant et renseignant exactement le montant des valeurs mobilières au jour du décès, ne peut établir, à elle seule, le caractère certain de la dette de restitution consécutive à la disparition, constatée à la fin de l'usufruit, du portefeuille de valeurs mobilières et en permettre la déduction, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu à statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne M. [V] [U] et Mme [D] [U], épouse [C], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] [U] et Mme [D] [U] et les condamne à payer au directeur général des finances publiques et au directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.