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27/11/2024 | FRANCE | N°42400720

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 novembre 2024, 42400720


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


CC






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 27 novembre 2024








Rejet




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 720 F-B


Pourvoi n° M 23-17.536








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 NOVEMBRE 2024


1°/ M. [P] [M], domicilié [Adresse 1], [Localité 5],


2°/ la société Quimeo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CC

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 novembre 2024

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 720 F-B

Pourvoi n° M 23-17.536

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 NOVEMBRE 2024

1°/ M. [P] [M], domicilié [Adresse 1], [Localité 5],

2°/ la société Quimeo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 5],

ont formé le pourvoi n° M 23-17.536 contre l'arrêt rendu le 21 avril 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 8), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [H] [C], domicilié [Adresse 3], [Localité 7],

2°/ à M. [V] [Y], domicilié [Adresse 2], [Localité 6],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] et de la société Quimeo, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 avril 2023) et les productions, le capital de la société Quimeo était, à la suite d'une cession d'actions intervenue en mars 2015, détenu par M. [M], à concurrence de 57 %, et par M. [C], à concurrence de 43 %.

2. L'article 14 des statuts de la société Quimeo prévoit que tout actionnaire, qui cesse définitivement d'exercer ses fonctions salariés et/ou de mandataire social au sein de la société, perd l'exercice de ses droits attachés à sa qualité d'actionnaire, et que, pour la détermination du prix des actions achetées à la suite d'une telle cessation d'activité, il est fait application du règlement interne, lequel stipule que « La société définit le prix d'achat des actions par décision collective des associés. En cas de désaccord de l'actionnaire sortant, ce dernier dispose d'un délai de trois mois pour trouver un acquéreur. Dans ce cas, la société dispose de trois mois pour acquérir les actions aux mêmes conditions que celles proposées par l'actionnaire sortant. Sinon l'acquéreur proposé par l'actionnaire sortant est considéré comme accepté. »

3. Le 30 septembre 2015, M. [C] a démissionné de ses fonctions de directeur général. Une assemblée générale de la société Quimeo du 27 novembre 2015 a fixé le prix de ses actions à la somme de 73 253,94 euros.

4. Ayant refusé ce prix, M. [C] a assigné, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, la société Quimeo et M. [M] en désignation d'un expert afin de déterminer la valeur de ses actions. Une ordonnance du 15 avril 2016, devenue irrévocable, a accueilli cette demande.

5. Par une ordonnance du 7 juin 2018, M. [Y] a été désigné en remplacement du premier expert. Par un arrêt du 20 février 2019, une cour d'appel a annulé cette ordonnance. Cet arrêt a été cassé, sans renvoi, par un arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2021.

6. Pour les besoins de l'accomplissement de sa mission, M. [Y] a demandé aux parties la communication des comptes sociaux de la société Quimeo des exercices 2014 à 2021 et les rapports de gestion relatifs à ces exercices.

7. Face au refus opposé par la société Quimeo et M. [M], M. [C] les a assignés en référé pour obtenir, sur le fondement de l'article 873 du code de procédure civile, la production de ces documents et le paiement d'une provision à hauteur d'une certaine somme, correspondant au prix de cession qui lui avait été proposé en 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, et les deuxième, troisième et quatrième moyens

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

9. La société Quimeo et M. [M] font grief à l'arrêt de leur ordonner de communiquer à MM. [Y] et [C] les comptes sociaux de la société Quimeo des exercices 2014 à 2021 et les rapports de gestion relatifs à ces exercices, alors :

« 1°/ qu'une mesure d'instruction ne pouvant s'exécuter que dans le respect de la mission du technicien, et de la loi, ne constitue pas un trouble manifestement illicite le refus de communiquer des pièces indifférentes à l'exécution de la mission de ce dernier au regard du cadre légal dans lequel celle-ci doit s'exécuter ; qu'en l'espèce, pour condamner les exposants à produire les pièces sollicitées par le tiers-évaluateur, la cour d'appel a jugé que "l'obstruction des appelants à la mise en oeuvre de l'expertise ordonnée par décision exécutoire et insusceptible de recours, ne constitue pas, ainsi qu'ils le prétendent, "le très légitime exercice de leurs droits fondamentaux" mais s'analyse en une entrave à l'exécution de décisions de justice constitutive d'un trouble manifestement illicite ; qu'en statuant ainsi, quand, d'une part, les ordonnances des 15 avril 2016 et 7 juin 2018 n'avaient pas enjoint aux exposants de communiquer les pièces sollicitées par M. [Y], quand, d'autre part, l'article 1843-4 du code civil dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 ne permettait à celui-ci de procéder à l'évaluation des parts sociales que dans le respect des conventions liant les parties et, au cas présent, des statuts de la SAS Quimeo et de son règlement interne, lesquels prévoyaient des modalités de détermination de la valeur et quand, de troisième part, il ne pouvait être fait injonction aux exposants de produire lesdites pièces que pour autant qu'elles puissent être utiles au tiers-évaluateur pour les besoins de l'accomplissement de sa mission dans les limites de la loi, ce dont le juge des référés devait s'assurer pour pouvoir faire droit à la demande, la cour d'appel, qui a refusé de rechercher si tel était bien le cas des pièces dont elle ordonnait la communication en se contentant de relever que "M. [C] soutient que [l'évaluation par M. [Y]] est nécessaire à l'exercice de ses droits" et que "l'avis de l'expert ne lie pas le juge du fond qui aura la faculté de constater que l'évaluation de l'expert est sans objet ou dénuée de portée", n'a pas caractérisé de trouble manifestement illicite et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a refusé d'exercer le contrôle qu'elle devait exercer sur le cadre légal de la mission de l'évaluateur et sur la légalité de l'utilisation par lui des documents dont la communication était sollicitée par M. [C], a commis un excès de pouvoir négatif et a violé l'article 873 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge des référés ne saurait ordonner une mesure inutile, que ce soit dans l'exercice de ses fonctions préparatoires, conservatoires ou d'anticipation ; qu'en l'espèce, les exposants démontraient que M. [Y], désigné en application de l'article 1843-4 du code civil dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, ne pouvait procéder à l'évaluation des parts sociales que dans le respect des conventions liant les parties et, au cas présent, des statuts de la SAS Quimeo et de son règlement interne, lesquels prévoyaient des modalités de détermination de la valeur, dont l'existence a été dûment relevée dans l'ordonnance du 15 avril 2016 ; qu'en ordonnant néanmoins la communication des pièces sollicitées, aux motifs que "quelles que soient les considérations des appelants quant au bien fondé des ordonnances des 15 avril 2016 et 7 juin 2018, leur opposition à leur exécution que commande pourtant leur caractère irrévocable, aboutit à une situation de blocage en ne permettant pas la réalisation de la mission d'évaluation ordonnée depuis sept ans alors d'une part, que M. [C] soutient que celle-ci est nécessaire à l'exercice de ses droits dès lors que le règlement interne, qu'il n'a pas signé, ne contient aucune modalité de calcul et que la valeur de rachat de ses droits sociaux n'était ni déterminée ni déterminable et, d'autre part, que l'avis de l'expert ne lie pas le juge du fond qui aura la faculté de constater que l'évaluation de l'expert est sans objet ou dénuée de portée", sans rechercher si les pièces sollicitées étaient utiles et opérantes pour l'exécution de la mission du tiers-évaluateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du code de procédure civile, ensemble les articles 143, 144 et 872 du code de procédure civile ;

4°/ que l'autorité de chose jugée ne recouvre que le dispositif des décisions de justice ; qu'en l'espèce, il est constant que les dispositifs des ordonnances des 15 avril 2016 et 7 juin 2018 se contentaient respectivement de désigner un évaluateur, M. [F], "avec pour mission de fixer le prix auquel doivent être cédées les parts détenues par M. [H] [C] dans le capital social de la SAS Quimeo" et de "désigner M. [V] [Y]", sans avoir tranché de contestation sur le bien-fondé de l'utilisation par ce dernier des pièces comptables dont M. [C] sollicitait qu'elles lui soient communiquées, ni sur les méthodes et éléments d'évaluation susceptibles d'être retenues par lui ; que dès lors, en faisant droit à la demande de communication de pièces, aux motifs que "les considérations des appelants quant au bien-fondé des ordonnances des 15 avril 2016 et 7 juin 2018, leur opposition à leur exécution que commande pourtant leur caractère irrévocable, aboutit à une situation de blocage", que "les appelants ont fait obstacle à l'accomplissement de la mission de l'expert" et que "l'obstruction des appelants à la mise en oeuvre de l'expertise ordonnée par décision exécutoire et insusceptible de recours, ne constitue pas, ainsi qu'ils le prétendent, "le très légitime exercice de leurs droits fondamentaux" mais s'analyse en une entrave à l'exécution de décisions de justice", la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée des ordonnances des 15 avril 2016 et 7 juin 2018 et a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. En premier lieu, il résulte de la combinaison de l'article 873 du code de procédure civile et de l'article 1843-4 du code civil que, dans l'hypothèse où les statuts ou toute convention liant les parties ne fixent pas de règles de valorisation des droits sociaux mais en prévoient seulement les modalités, une partie peut se voir enjoindre, en référé, de communiquer toute pièce que l'expert chargé de déterminer la valeur de ces droits indique comme étant nécessaire à l'exécution de sa mission.

11. Après avoir relevé que M. [Y] avait sollicité, en vain, la communication des comptes de la société Quimeo au titres des exercices 2014 à 2021 et des rapports de gestion relatifs à ces exercices afin de pouvoir fixer la valeur des actions de M. [C], l'arrêt retient que l'opposition de la société Quimeo et de M. [M] à l'exécution des ordonnances des 15 avril 2016 et 7 juin 2018 aboutit à une situation de blocage en ne permettant pas la réalisation de la mission d'évaluation ordonnée depuis sept ans cependant, d'une part, que M. [C] soutient que celle-ci est nécessaire à l'exercice de ses droits dès lors que le règlement interne, qu'il n'a pas signé, ne contient aucune modalité de calcul et que la valeur de rachat de ses droits sociaux n'était ni déterminée ni déterminable, d'autre part, que l'avis de l'expert ne lie pas le juge du fond qui aura la faculté de constater que l'évaluation de l'expert est sans objet ou dénuée de portée. Il ajoute que l'obstruction de la société Quimeo et de M. [M] à la mise en oeuvre de l'expertise ordonnée par décision exécutoire et non susceptible de recours s'analyse en une entrave à l'exécution de décisions de justice, constitutive d'un trouble manifestement illicite.

12. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a accueilli à bon droit la demande de communication de pièces formée par M. [C].

13. En second lieu, contrairement à ce que soutient le moyen, pris en sa quatrième branche, la cour d'appel ne s'est pas fondée sur les ordonnances des 15 avril 2016 et 7 juin 2018 pour accueillir la demande de communication de pièces mais a considéré, par des motifs vainement critiqués par les première, deuxième et troisième branches, que le refus de la société Quimeo et de M. [M] était constitutif d'un trouble manifestement illicite.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Quimeo et M. [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Quimeo et M. [M] et les condamne à payer à M. [C] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400720
Date de la décision : 27/11/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

SOCIETE (règles générales) - Parts sociales - Cession - Prix - Fixation - Fixation par expert - Absence de règles statutaires ou conventionnelles fixant les règles de valorisation - Référé - Injonction de communication des pièces nécessaires à l'exécution de la mission de l'expert

REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Expert chargé de déterminer la valeur des droits sociaux - Communication de toute pièce à l'expert par une partie - Pièce nécessaire à l'exécution de sa mission

Il résulte de la combinaison de l'article 873 du code de procédure civile et de l'article 1843-4 du code civil que, dans l'hypothèse où les statuts ou toute convention liant les parties ne fixent pas de règles de valorisation des droits sociaux mais en prévoient seulement les modalités, une partie peut se voir enjoindre, en référé, de communiquer toute pièce que l'expert chargé de déterminer la valeur de ces droits indique comme étant nécessaire à l'exécution de sa mission


Références :

Article 873 du code de procédure civile

article 1843-4 du code civil.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 avril 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 nov. 2024, pourvoi n°42400720


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 10/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400720
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