LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 novembre 2024
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 697 F-D
Pourvoi n° D 22-21.619
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 NOVEMBRE 2024
M. [H] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-21.619 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d'appel de Papeete (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas Nouvelle Calédonie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [K], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas Nouvelle Calédonie, et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 23 juin 2022), entre 2002 et 2010, la société Banque nationale de Paris, a, par l'intermédiaire de son agence BNP Paribas Nouvelle-Calédonie (la banque), consenti à la société ETB (la société) des conventions d'ouverture de crédit, garanties chacune par le cautionnement de M. [K] du 18 août 2011.
2. La société ayant été mise en redressement puis en liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement M. [K], qui a invoqué sa décharge sur le fondement de l'article 2037 du code civil.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il porte sur le concasseur de marque Pegson Metrotrak
Enoncé du moyen
4. M. [K] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque diverses sommes, alors « que la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; que c'est au créancier qu'il appartient de prouver que la perte du droit préférentiel dont se plaint la caution n'a causé aucun préjudice à celle-ci ; qu'en retenant, pour condamner M. [K] ¿ en sa qualité de caution de la société ETB ¿ à payer diverses sommes à la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie, que celui-ci ne justifie pas d'une perte de valeur des biens gagés du fait du délai entre la date à laquelle la banque aurait pu solliciter l'attribution judiciaire des biens gagés et la date de leur vente par le liquidateur, la précision sur la valeur des biens au moment de la liquidation faisant défaut, de sorte que c'est l'existence du préjudice même de la caution qui fait défaut, quand il appartenait à la banque de démontrer que lesdits bien n'avaient subi aucune dépréciation dans cet intervalle, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 2037 du code civil dans sa version applicable en Polynésie Française. »
Réponse de la Cour
5. Ayant relevé qu'il était attesté par une facture du 2 juin 2014 que le concasseur de marque Pegson Metrotrak, qui faisait l'objet d'un gage au profit de la banque, avait été vendu à cette date, soit avant le jugement de liquidation judiciaire de la société, du 18 juin 2014, ce dont il résultait qu'il n'aurait pu faire l'objet d'une attribution judiciaire au profit de la banque sur le fondement des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en Polynésie française, invoquées par M. [K], la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'aucune faute ne pouvait être imputée à la banque par la caution pour ne pas avoir mis en oeuvre le droit que lui accorde ce texte.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur ce moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il porte sur les autres matériels
Enoncé du moyen
7. M. [K] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; que c'est au créancier qu'il appartient de prouver que la perte du droit préférentiel dont se plaint la caution n'a causé aucun préjudice à celle-ci ; qu'en retenant, pour condamner M. [K] ¿ en sa qualité de caution de la société ETB ¿ à payer diverses sommes à la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie, que celui-ci ne justifie pas d'une perte de valeur des biens gagés du fait du délai entre la date à laquelle la banque aurait pu solliciter l'attribution judiciaire des biens gagés et la date de leur vente par le liquidateur, la précision sur la valeur des biens au moment de la liquidation faisant défaut, de sorte que c'est l'existence du préjudice même de la caution qui fait défaut, quand il appartenait à la banque de démontrer que lesdits biens n'avaient subi aucune dépréciation dans cet intervalle, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 2037 du code civil dans sa version applicable en Polynésie Française. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 2314 du code civil, applicable en Polynésie française :
8. Aux termes du second de ces textes, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution.
9. Selon le premier, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
10. Si l'attribution judiciaire du gage, prévue à l'article L. 622-21, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction applicable en Polynésie française, ne constitue qu'une faculté pour le créancier, ce dernier, lorsqu'il est par ailleurs garanti par un cautionnement, commet une faute au sens de l'article 2314 du code civil si, en s'abstenant de demander cette attribution, il prive la caution d'un droit qui pouvait lui profiter.
11. Il incombe au créancier qui a omis de demander l'attribution judiciaire d'un bien gagé à son profit de prouver que la perte du droit préférentiel en résultant, invoquée par la caution, n'a causé aucun préjudice à celle-ci.
12. Pour condamner M. [K], l'arrêt retient que, celui-ci ne justifiant ni du délai entre la date à laquelle la banque aurait pu user de la faculté ouverte à l'article L. 622-21 du code de commerce et la date de vente par le liquidateur ni a fortiori d'une perte de valeur intervenue en raison de celui-ci, il ne démontre pas que la banque aurait commis une faute en n'engageant pas de poursuites sur les biens qui ont été vendus.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne M. [K] à payer à la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie la somme de 3 586 025 francs pacifiques au titre de la convention d'ouverture de crédit n° 08000859 du 20 mars 2008, l'arrêt rendu le 23 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;
Condamne la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.