LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SA9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 novembre 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 655 F-D
Pourvoi n° R 23-13.193
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 NOVEMBRE 2024
1°/ M. [O] [X], domicilié [Adresse 3],
2°/ Mme [T] [X], domiciliée [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° R 23-13.193 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2022 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige les opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Peyregne-Wable, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [X] et de Mme [X], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Peyregne-Wable, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 15 décembre 2022), le 21 mai 2011, la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (la banque) a consenti à M. [X] et sa soeur Mme [X] (les emprunteurs) un prêt immobilier d'un certain montant, remboursable par mensualités assorties d'un taux contractuel ramené à 3,45% par avenant du 26 novembre 2014.
2. Le 12 octobre 2011, la banque a consenti aux emprunteurs un second prêt d'une certaine somme, remboursable par mensualités assorties d'un taux contractuel ramené à 3,45% par avenant du 30 novembre 2014.
3. Lors de l'acceptation de l'offre de chacun des deux prêts précités, les emprunteurs ont adhéré à l'assurance collective souscrite par la banque, couvrant les risques de décès et perte totale irréversible d'autonomie.
4. Ces prêts faisaient suite à un précédent prêt leur ayant été accordé le 5 février 2009 par la banque, pour lequel les emprunteurs avaient adhéré à cette même assurance collective.
5. Les 29 et 30 juillet 2019, les emprunteurs ayant cessé de régler leurs échéances, la banque, après déchéance du terme, les a assignés en paiement.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande relative à la violation du devoir de conseil, de rejeter leur demande de dommages et intérêts et de les condamner solidairement à payer à la banque une certaine somme, outre intérêts au taux contractuel de 3,45 % l'an sur une certaine somme à compter du 6 février 2019, alors « que celui qui est légalement tenu d'une obligation d'information supporte la charge de prouver qu'il a exécuté cette obligation ; que pour débouter les emprunteurs de leur demande indemnitaire fondée sur l'absence de conseil de la banque quant à l'adéquation des risques couverts par l'assurance de groupe au regard de leur situation personnelle, la cour d'appel a retenu que « la preuve de la non-délivrance par la banque d'un conseil adapté en matière d'assurance n'est pas rapportée » ; qu'en statuant ainsi, quand il incombait à la banque de rapporter la preuve qu'elle avait exécuté son obligation de conseil, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
8. Il résulte de ce texte que celui qui est tenu d'une obligation d'information et de conseil doit rapporter la preuve de son exécution.
9. Pour rejeter la demande indemnitaire des emprunteurs fondée sur la violation du devoir de conseil de la banque, l'arrêt énonce que la preuve de la non délivrance par la banque d'un conseil adapté en matière d'assurance n'est pas rapportée.
10. En statuant ainsi, alors qu'il incombait à la banque soumise à l'obligation d'éclairer son client sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, d'apporter la preuve qu'elle s'en était acquittée, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la banque une certaine somme outre intérêts au taux contractuel de 3,45 % l'an sur une certaine somme à compter du 6 février 2019, alors « que dans leurs conclusions, les emprunteurs soutenaient qu'après le prononcé de la déchéance du terme, la banque avait indûment prélevé des cotisations d'assurance à hauteur de 4 143,15 euros chacun, et qu'elle devait être condamnée à leur restituer ; que cette prétention était précisément formulée dans le dispositif de leurs conclusions puisqu'ils sollicitaient, dans ce dispositif, que la banque soit condamnée « à rembourser à M. [X] la somme de 4 143,15 euros au titre des cotisations d'assurances indument prélevées postérieurement à la déchéance du terme des deux prêts sous seing privé, à Mme [X] la somme de 4 143,15 euros au titre des cotisations d'assurances indument prélevées postérieurement à la déchéance du terme des deux prêts sous seing privé, ou subsidiairement 8 286,30 euros aux emprunteurs »; qu'en retenant pourtant que « si des développements figurent à ce titre [les cotisations d'assurance indûment prélevées] dans les motifs des conclusions des emprunteurs, aucune demande n'est formulée à ce titre dans le dispositif », de sorte qu'elle ne serait pas saisie d'une telle prétention, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des exposants, en violation de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
12. L'arrêt, pour dire qu'il ne répondra pas à l'argumentation des emprunteurs relative à des cotisations d'assurance indûment prélevées après déchéance du terme, retient que si des développements figurent à ce titre dans les motifs des conclusions des emprunteurs, aucune demande n'est formulée sur ce point dans le dispositif.
13. En statuant ainsi, alors que les emprunteurs avaient expressément sollicité dans leurs conclusions que la banque soit condamnée à payer à chacun d'eux la somme de 4 143,15 euros au titre des cotisations d'assurances indûment prélevées postérieurement à la déchéance du terme des deux prêts sous seing privé, ou subsidiairement au paiement de la somme globale de 8 286,30 euros, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du dispositif des conclusions, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes des emprunteurs relatives à la violation du devoir de conseil, à l'allocation de dommages et intérêts et les a condamnés solidairement à payer à la banque une certaine somme outre intérêts au taux contractuel de 3,45 % l'an sur une certaine somme à compter du 6 février 2019, l'arrêt rendu le 15 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie et la condamne à payer à M. [X] et Mme [X] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.