LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 novembre 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 649 F-D
Pourvoi n° T 23-12.827
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 NOVEMBRE 2024
M. [V] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 23-12.827 contre l'arrêt rendu le 9 janvier 2023 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ au procureur général près le tribunal judiciaire de Nantes, domicilié en son parquet général, [Adresse 2],
2°/ au procureur général près de la cour d'appel de Rennes, domicilié en son parquet général, place du Parlement de Bretagne, CS 66423, 35064 Rennes cedex,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 janvier 2023), le 15 juillet 2006, M. [C], originaire du Burkina Fasso, a contracté mariage avec Mme [Y], ressortissante française. Le 25 août 2010, il a souscrit, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, une déclaration de nationalité française qui a été enregistrée le 13 juillet 2011.
2. Le divorce de Mme [Y] et de M. [C] a été prononcé le 12 avril 2013.
3. Le 28 janvier 2015, le ministère public a assigné ce dernier en nullité de l'enregistrement de la déclaration de nationalité.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [C] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité de l'assignation du 28 janvier 2015, d'annuler la déclaration de nationalité française qu'il avait souscrite le 25 août 2010, de constater son extranéité et d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil, alors :
« 1°/ que la signification doit être faite à personne ; que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; qu'en constatant que l'huissier de justice s'était rendu sur place où il n'avait trouvé personne, le nom de l'intéressé n'étant pas sur la boîte aux lettres ni sur l'interphone, qu'il n'avait rencontré personne susceptible de le renseigner, l'huissier ayant précisé qu'il avait consulté l'annuaire électronique sans succès et en considérant que les recherches effectuées par l'huissier pour rechercher M. [C] telles que décrites dans son procès-verbal de recherches infructueuses étaient des diligences suffisantes au sens de l'article 659 du code de procédure civile, la cour d'appel qui n'a pas suffisamment caractérisé les diligences accomplies par l'huissier pour rechercher le destinataire de l'acte, a privé ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, M. [C] avait fait valoir, preuve à l'appui, que sa nouvelle domiciliation était non seulement connue de son bailleur qui était le même que précédemment mais également des différentes administrations (impôts, ville de [Localité 6], CNAPS) et du service postal ayant fait suivre son courrier ; qu'en énonçant que le retour à l'huissier du courrier recommandé adressé par ce dernier en application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, courrier qui n'avait pu être remis à son destinataire "inconnu à cette adresse" suffisait à démontrer que M. [C] n'avait pas procédé en son temps à son changement d'adresse sans analyser, même de façon sommaire, les pièces versées au dossier par M. [C] au soutien de ses prétentions de nature à démontrer que celui-ci avait accompli les diligences nécessaires pour procéder à son changement d'adresse, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile, ensemble 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que et en tout état de cause, la demande de réexpédition définitive de courrier à la suite d'un déménagement est d'une durée de six mois renouvelable une fois ou de douze mois maximum ; qu'en énonçant, par des motifs inopérants, que le retour à l'huissier du courrier recommandé adressé par ce dernier en application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, courrier qui n'avait pu être remis à son destinataire "inconnu à cette adresse" suffisait à démontrer que M. [C] n'avait pas procédé en son temps à son changement d'adresse, quand il résultait des propres constatations de l'arrêt que l'assignation avait été faite le 28 janvier 2015 au [Adresse 3] à [Localité 6] et que M. [C] faisait valoir qu'il n'habitait plus à l'adresse indiqué dans le procès-verbal depuis la fin du mois de mars 2013, soit depuis près de deux ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile ;
4°/ que dans ses conclusions d'appel, M. [C] avait fait valoir, preuve à l'appui, que sa nouvelle domiciliation était non seulement connue de son bailleur qui était le même que précédemment mais également des différentes administrations (impôts, ville de [Localité 6], CNAPS) et du service postal ayant fait suivre son courrier ; qu'en énonçant que le retour à l'huissier du courrier recommandé adressé par ce dernier en application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, courrier qui n'avait pu être remis à son destinataire "inconnu à cette adresse" suffisait à démontrer que M. [C] n'avait pas procédé en son temps à son changement d'adresse, et que les recherches effectuées par l'huissier pour rechercher M. [C], telles que décrites dans son procès-verbal de recherches infructueuses étaient des diligences suffisantes au sens de l'article 659 du code de procédure civile, sans rechercher si, comme elle y était invitée par des conclusions demeurées sans réponse, la nouvelle adresse de M. [C] ne pouvait pas être obtenue auprès du service des impôts, des services municipaux ou encore auprès des services postaux la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 659 du code de procédure civile ;
5°/ que la signification doit être faite à personne ; que la signification selon les modalités dérogatoires de l'article 659 du code de procédure civile n'est régulière qu'à la condition que l'huissier de justice ait accompli toutes les diligences utiles pour tenter de délivrer l'acte à personne ; qu'au titre de ces diligences, l'huissier ne doit pas borner ses recherches à la dernière adresse déclarée à son mandant mais doit les étendre à toutes celles qui avaient été portées antérieurement à la connaissance de ce dernier ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour qu'à la date du 28 janvier 2015, date de délivrance de l'assignation, l'huissier et le ministère public avait en leur possession, certes les demandes de transcription à l'état civil de l'acte de naissance des enfants mineurs [H] et [D] [C] du 12 avril 2013 indiquant pour adresse [Adresse 4] à [Localité 6] mais également le jugement de divorce daté du même jour indiquant pour adresse [Adresse 5] à [Localité 6] ; qu'en décidant que la seule adresse connue du ministère public au 25 janvier 2015 était celle indiquée par M. [C] lui-même à l'autorité auprès de laquelle il s'était adressé en dernier lieu afin de faire transcrire les actes de naissance de deux de ses enfants mineurs comme étant au [Adresse 4] à [Localité 6] et que les recherches de l'huissier effectuées pour rechercher M. [C] telles que décrites dans son procès-verbal de recherches infructueuses étaient suffisantes au sens de l'article 659 du code de procédure civile quand il résultait des propres constatations de la cour que le ministère public et l'huissier instrumentaire avaient connaissance d'une autre adresse et que l'huissier n'avait effectué aucune diligence à cette dernière adresse connue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 659 du code de procédure civile ;
6°/ que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; qu'il résulte des articles 654, 655 et 659, alinéa 1, du code de procédure civile que lorsqu'il n'a pu s'assurer de la réalité du domicile du destinataire de l'acte et que celui-ci est absent, l'huissier de justice est tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail ; qu'en se bornant à énoncer que l'huissier instrumentaire avait indiqué s'être rendu sur place au [Adresse 3] où il n'avait trouvé personne, le nom de l'intéressé n'étant pas sur la boîte aux lettres ni sur l'interphone, qu'il n'avait rencontré personne susceptible de le renseigner, qu'il avait consulté l'annuaire électronique pour en déduire que ces diligences devaient être jugées suffisantes, sans rechercher, comme il y était invité, si M. [C], qui avait obtenu du CNAPS un carte d'agent de sécurité n'avait pas un lieu de travail connu la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Ayant relevé que l'huissier de justice ayant procédé à la signification s'était rendu à la dernière adresse connue de M. [C] par le ministère public, telle que M. [C] l'avait lui même indiquée à l'autorité auprès de laquelle il s'était adressé en dernier lieu aux fins de voir transcrire les actes de naissance de deux de ses enfants mineurs, que cet officier ministériel avait relevé qu'aucune personne répondant à l'identification du destinataire de l'acte n'y était domiciliée, que le nom du requis ne figurait ni sur la boîte aux lettres, ni sur l'interphone, qu'il n'avait rencontré personne susceptible de le renseigner, et enfin que la copie du procès-verbal adressée par lettre recommandée avec avis de réception était revenue à son expéditeur avec la mention « destinataire inconnu à l'adresse », c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle a fait.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. M. [C] fait grief à l'arrêt d'annuler la déclaration de nationalité française qu'il avait souscrite le 25 août 2010, de constater son extranéité et d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif à la nullité de l'assignation introductive d'instance du 28 janvier 2015 et entraînera sur le fondement de l'article 624 du code de procédure civile la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif annulant la déclaration de nationalité française qu'il avait souscrite le 25 août 2010,constatant son extranéité de ce dernier et ordonnant la mention prévue à l'article 28 du code civil. »
Réponse de la Cour
9. Le premier moyen étant rejeté, le deuxième moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. M. [C] fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que l'entretien d'une relation adultère n'est pas exclusif, en soi, d'une communauté de vie tant affective que matérielle entre les époux ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la seule circonstance tirée de ce que M. [C] avait entretenu une relation adultère avec Mme [K] pendant son mariage avec Mme [Y], lequel avait duré sept ans, pour en conclure à l'absence d'une communauté de vie affective et matérielle entre les époux, la cour d'appel a violé l'article 21-2 du code civil ;
2°/ que le devoir de communauté de vie entre époux, qui implique, en principe, que ceux-ci vivent ensemble et aient une relation de couple, ne se confond pas avec le devoir de fidélité, lequel implique que ladite relation de couple soit exclusive et monogamique ; qu'en l'espèce, en déduisant la prétendue absence de communauté de vie entre M. [C] et Mme [Y] du seul manquement, par celui-ci, à son devoir de fidélité envers son épouse, en raison de sa liaison adultère avec Mme [K], qu'il n'avait épousé que postérieurement à son divorce, la cour d'appel a violé les articles 212 et 215 du code civil. »
Réponse de la Cour
11. Il résulte de l'article 21-2 du code civil que l'étranger ou l'apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage.
12. Ayant relevé que durant son mariage avec Mme [Y], deux enfants avaient été conçus et étaient nés de la relation entretenue par M. [C] avec une tierce personne, dont l'un avant la souscription de sa déclaration de nationalité, que cette relation, débutée avant la souscription de cette déclaration, était stable et continue, et que l'épouse avait été à l'initiative de la procédure de divorce motivée par les absences prolongées de plusieurs mois de son mari qui se rendait au Burkina Fasso et au désintérêt de son époux à son égard, la cour d'appel, qui n'a pas confondu devoir de fidélité et communauté de vie, a pu en déduire, par la nature des relations entretenues, leur durée et leurs conséquences, que cette relation était incompatible avec l'exigence d'une communauté de vie affective au sens de l'article 21-2 du code civil.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [C] aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.