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26/11/2024 | FRANCE | N°C2401352

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 novembre 2024, C2401352


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° K 23-81.498 FS-B


N° 01352




RB5
26 NOVEMBRE 2024




CASSATION PARTIELLE
IRRECEVABILITÉ




M. BONNAL président,












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 NOVEMBRE 2024



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Mme [M] [S] et M. [I] [K] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 21 février 2023, qui a condamné, la première, pour fausse déclaration en vue de l'o...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° K 23-81.498 FS-B

N° 01352

RB5
26 NOVEMBRE 2024

CASSATION PARTIELLE
IRRECEVABILITÉ

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 NOVEMBRE 2024

Mme [M] [S] et M. [I] [K] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 21 février 2023, qui a condamné, la première, pour fausse déclaration en vue de l'obtention d'un avantage indu, à huit mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'inéligibilité, le second, pour ce délit et pour non-déclaration de changement d'adresse par personne inscrite dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes, à dix mois d'emprisonnement et cinq ans d'inéligibilité, et une confiscation.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [M] [S] et M. [I] [K], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Cavalerie, Maziau, Dary, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Pradel, conseillers référendaires, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Mme [M] [S] et son compagnon, M. [I] [K], ont été déférés devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate, l'un et l'autre, pour escroquerie au préjudice d'un organisme d'aide sociale et M. [K], en outre, pour non-déclaration de changement d'adresse par personne inscrite dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT).

3. Par jugement en date du 16 mars 2022, le tribunal correctionnel a relaxé les deux prévenus.

4. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé par Mme [S] le 23 février 2023

5. Le pourvoi formé par la demanderesse le 23 février 2023 par courrier remis au service d'accueil unique du justiciable, qui en a constaté le dépôt par apposition d'un cachet, ne répondant pas aux exigences de l'article 576 du code de procédure pénale, est irrecevable.

6. Seul est recevable le pourvoi formé le 27 février suivant.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, pris en leur première branche

7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué, en ce qu'il a déclaré M. [K] coupable d'avoir, à [Localité 2] et à [Localité 3], entre le 1er décembre 2021 et le 21 février 2022, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, ayant été informé par l'autorité judiciaire ou ayant reçu notification de son enregistrement au FIJAIT et des mesures et des obligations auxquelles il était astreint, omis, dans les quinze jours au plus tard après son changement d'adresse alors qu'il résidait en France, de remettre en personne au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie dont dépend son domicile un justificatif de moins de trois mois établissant la réalité de son nouveau domicile, alors :

« 2°/ en toute hypothèse, que toute personne dont l'identité est enregistrée dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes est astreinte, à titre de mesure de sûreté, à l'obligation de déclarer son changement d'adresse, dans un délai de quinze jours au plus tard, après ce changement ; que la notion d'adresse, au sens des dispositions de l'article 706-25-7, alinéas 1er et 2, 2°, du code de procédure pénale doit s'entendre comme le lieu où il est matériellement possible d'entrer en contact avec la personne, que celle-ci y habite ou non, et ne se confond pas avec la notion de domicile ; qu'en retenant, pour déclarer M. [K] coupable d'une omission de déclaration d'un changement d'adresse, que ce dernier résidait en réalité au domicile de Mme [S], cependant que cette circonstance, à la supposer vraie, ne caractérisait pas un changement d'adresse au sens des dispositions susmentionnées nécessitant une déclaration aux autorités compétentes, la cour d'appel a méconnu l'article 706-25-7 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Selon l'article 706-25-7, 2°, du code de procédure pénale, toute personne dont l'identité est enregistrée dans le FIJAIT est tenue de déclarer ses changements d'adresse, dans un délai de quinze jours au plus tard après ce changement.

10. Le moyen pose la question de la définition de la notion d'adresse au sens du texte ci-dessus.

11. À cet égard, d'une part, l'article 706-25-4 du même code prévoit que sont enregistrées dans le fichier les informations relatives à l'adresse ou les adresses successives du domicile et, le cas échéant, des résidences des personnes concernées.

12. D'autre part, il résulte des travaux parlementaires que le FIJAIT vise à remédier aux difficultés liées à la localisation et à la domiciliation notamment de personnes condamnées pour terrorisme.

13. Il s'ensuit que l'adresse, au sens des textes susvisés, doit s'entendre comme celle du lieu où demeure effectivement la personne concernée, fût-ce de manière temporaire.

14. Pour déclarer M. [K] coupable de non-déclaration de changement d'adresse dans le délai de quinze jours, l'arrêt attaqué énonce que l'intéressé a déclaré au FIJAIT l'adresse [Adresse 1], à [Localité 2].

15. Les juges constatent que l'intéressé a vécu au domicile de sa compagne, situé à [Localité 3], du 1er décembre 2021 au 21 février 2022, date de son interpellation, et qu'il n'a pas déclaré cette nouvelle adresse.

16. En se déterminant par ces motifs, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

17. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et le moyen relevé d'office et mis dans le débat

Enoncé des moyens

18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [K] et Mme [S] coupables d'avoir, à [Localité 2] et à [Localité 3], entre le 1er décembre 2021 et le 21 février 2022, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, sciemment fourni une fausse déclaration ou une déclaration incomplète en vue d'obtenir ou de tenter d'obtenir, de faire obtenir ou de tenter de faire obtenir d'une personne publique, d'un organisme de protection sociale ou d'un organisme chargé d'une mission de service public, une allocation, une prestation ou un avantage indu, alors :

« 2°/ en toute hypothèse, que tout jugement ou arrêt en matière correctionnelle doit énoncer les faits dont le prévenu est jugé coupable et constater l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction ; que l'infraction de fourniture d'une déclaration fausse ou incomplète en vue d'obtenir d'une personne publique un avantage indu, prévue à l'article 441-6, alinéa 2, du code pénal, n'est caractérisé que si les prestations concernées ne sont pas dues ; que, pour déclarer M. [K] et Mme [S] coupables de cette infraction, la cour d'appel s'est bornée à retenir que M. [K] avait pu obtenir mensuellement le RSA de 497,50 euros ainsi qu'une allocation de logement sociale pour un montant de 226 euros tandis que Mme [S] avait pu obtenir des prestations familiales ou sociales pour un montant total de 1 566,67 euros par mois, qui se composait d'allocations familiales ressources, d'un complément familial majoré, d'une allocation de soutien familial, d'un RSA non majoré et d'une aide personnalisée au logement (arrêt, p. 5, § 1, et p. 8, § 7) ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la perception de chacune de ces sommes supposément perçues de manière indue était conditionnée au fait de vivre seul ou bien si, même vivant ensemble, M. [K] et Mme [S], sans emploi et parents de trois enfants communs, n'y étaient pas éligibles, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'élément matériel de l'infraction, n'a pas justifié sa décision ;

3°/ en toute hypothèse, que tout jugement ou arrêt en matière correctionnelle doit énoncer les faits dont le prévenu est jugé coupable et constater l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction ; que la cour d'appel a relaxé les prévenus du chef de fourniture d'une déclaration fausse
ou incomplète en vue d'obtenir d'une personne publique un avantage indu sur la période comprise entre le 1er avril 2021 et le 30 novembre 2021, soit une durée de huit mois (arrêt, p. 8, antépénult. §), ne laissant subsister de la prévention que la seule période comprise entre le 1er décembre 2021 et le 21 février 2022, soit moins de trois mois ; qu'en n'établissant aucunement le montant des prestations sociales supposément indues au titre de la seule période restante qu'elle avait retenue, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément matériel de l'infraction retenue ;

4°/ en toute hypothèse, que le délit de fourniture d'une fausse déclaration pour l'obtention de prestation ou allocation indue versée par un organisme de protection sociale suppose l'édiction d'un acte matériel déclaratif délibérément mensonger établi en vue d'obtenir un tel avantage ; que, dans leurs conclusions d'appel, les exposants faisaient valoir que le studio que M. [K] avait pu louer ne lui permettait pas d'héberger leurs enfants et que, Mme [S] ayant connu des problèmes de santé significatifs, M. [K] avait été contraint de se rendre plus fréquemment au domicile de cette dernière afin de s'occuper de leurs enfants (conclusions d'appel, p. 6, pénult. § et s.) ; qu'en affirmant pourtant, de façon péremptoire, que M. [K] et Mme [S] avaient « sciemment fourni une déclaration mensongère sur leur situation personnelle et matérielle afin d'obtenir indûment un avantage » de la part de la CAF du Loiret (arrêt, p. 8, § 7) et que « la déclaration mensongère a[vait] été faite par chacun des protagonistes volontairement et en connaissance de cause mais aussi dans le but d'obtenir les avantages indus » (arrêt, p. 8, § 8), sans aucunement expliquer en quoi les prévenus auraient eu conscience de fournir une déclaration dont ils auraient connu le caractère mensonger et auraient eu la volonté d'agir en vue d'obtenir un avantage indu, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. »

19. Le moyen relevé d'office est pris de la violation de l'article 441-6,alinéa 2, du code pénal.

Réponse de la Cour

20. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 441-6, alinéa 2, du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

21. Il résulte du premier de ces textes qu'est réprimé le fait de fournir sciemment une déclaration fausse ou incomplète en vue d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un organisme de protection sociale une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu.

22. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

23. Pour requalifier les faits d'escroquerie commis du 1er avril 2021 au 21 février 2022, initialement poursuivis, en fausse déclaration en vue d'obtenir un avantage indu, au cours de la période du 1er décembre 2021 au 21 février 2022, et en déclarer coupables les deux prévenus, l'arrêt attaqué, après un exposé des résultats de l'enquête, énonce qu'il est démontré que M. [K] et Mme [S] ont vécu ensemble au domicile de cette dernière à compter du 1er décembre 2021.

24. Les juges énumèrent ensuite la liste des diverses prestations et aides perçues mensuellement par chacun des prévenus et précisent que ces avantages sont pour la plupart indus.

25. Ils en déduisent que le couple a effectué une déclaration mensongère à la caisse d'allocations familiales.

26. Ils ajoutent que cette déclaration a été faite par chacun des protagonistes volontairement et en connaissance de cause mais aussi dans le but d'obtenir les avantages indus rappelés précédemment.

27. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.

28. D'une part, elle a considéré à tort que l'omission, par chacun des prévenus, de signaler un changement dans ses conditions de vie caractérisait la déclaration fausse ou incomplète exigée par l'article 441-6, alinéa 2, précité.

29. D'autre part, elle s'est bornée à relever que l'existence d'une vie commune conférait un caractère indu à la plupart des prestations et aides perçues par chacun des prévenus, sans déterminer précisément celles dont le bénéfice procédait de la fraude ainsi caractérisée.

30. Enfin, sans s'expliquer autrement sur l'intention de chacun des intéressés d'obtenir un avantage indu, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions présentées par ces derniers qui faisaient valoir qu'ils avaient agi sans intention frauduleuse dans la mesure où leur nouvelle situation était sans conséquence sur leurs droits respectifs en matière d'aide sociale.

31. La cassation est ainsi encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

32. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives au délit prévu à l'article 441-6, alinéa 2, du code pénal et aux peines. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :

Sur le pourvoi formé par Mme [S] le 23 février 2023 :

Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;

Sur les pourvois formés par Mme [S] le 27 février 2023 et par M. [K] :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 21 février 2023, mais en ses seules dispositions relatives au délit défini à l'article 441-6, alinéa 2, du code pénal et aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bourges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2401352
Date de la décision : 26/11/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

FAUX

L'adresse, au sens de l'article 706-25-7, 2°, du code de procédure pénale doit s'entendre comme celle du lieu où demeure effectivement, fût-ce de manière temporaire, la personne dont l'identité est enregistrée dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT). C'est à bon droit qu'une cour d'appel déclare une personne inscrite au FIJAIT coupable de l'infraction prévue par l'article 706-25-7, 2°, du code de procédure pénale, en retenant que le prévenu, s'il avait conservé son logement, vivait en réalité au domicile de sa compagne. C'est à tort qu'une cour d'appel retient que l'omission, par le bénéficiaire de prestations d'aides sociales et d'allocations familiales, de signaler un changement dans ses conditions de vie caractérise la déclaration fausse ou incomplète exigée par l'article 441-6, alinéa 2, du code pénal


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 21 février 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 nov. 2024, pourvoi n°C2401352


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2401352
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