LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 novembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 619 FS-B
Pourvoi n° W 21-12.661
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 NOVEMBRE 2024
M. [U] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-12.661 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant à M. [L] [D], domicilié [Adresse 5], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. [K], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [D], et l'avis de Mme Delpey-Corbaux, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, M. Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, Mme Delpey-Corbaux, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 janvier 2021), par acte authentique du 21 octobre 1971, [S] [D] a promis de vendre à [M] [K], ou à ses ayants droit, la parcelle de terrain cadastrée section A n° [Cadastre 2], devenue la parcelle A n° [Cadastre 3], que cette dernière exploitait à [Localité 4] selon bail du 23 septembre 1961.
2. Cette promesse unilatérale de vente était consentie pour quatre années à compter du 1er novembre 1971, durée tacitement prorogée et prenant fin un an après la mise en service d'une rocade à proximité de la parcelle et dont le principe de la construction était acquis.
3. [S] [D] et [M] [K] sont décédées, respectivement les 28 décembre 1978 et 6 mars 1999, laissant pour leur succéder, la première, son fils, M. [L] [D] (le promettant), la seconde, son fils, M. [U] [K] (le bénéficiaire).
4. Par lettre recommandée du 1er juin 2011, le promettant a indiqué au bénéficiaire qu'il considérait la promesse de vente comme caduque.
5. Le 18 novembre 2016, le bénéficiaire a levé l'option, dans le délai prévu par la promesse, la rocade devant être ouverte à la circulation le 24 novembre suivant.
6. Sans réponse du promettant, le bénéficiaire l'a assigné, le 17 janvier 2018, aux fins de transfert de propriété de la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 3] et de condamnation au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Le bénéficiaire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de transfert de propriété de la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 3] ainsi que sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive, alors « que le promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente s'oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l'avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire ; qu'en considérant qu'il ne lui était pas possible d'ordonner la réalisation forcée de la vente dans la mesure où le refus du promettant de se soumettre à son obligation de faire ne pouvait se résoudre qu'en dommages et intérêts, la cour d'appel a violé les articles 1101, 1134 et 1142 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1583 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1101, 1134, alinéa 1er, et 1142 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
8. Aux termes du premier de ces textes, le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.
9. Aux termes du deuxième, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
10. Aux termes du dernier, toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur.
11. Alors qu'il était jugé antérieurement, en matière de promesse unilatérale de vente, que la levée de l'option, postérieurement à la rétractation du promettant, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée, la violation, par le promettant, de son obligation de faire ne pouvant ouvrir droit qu'à des dommages-intérêts, la Cour de cassation, procédant à un revirement de jurisprudence, juge, depuis une décision du 23 juin 2021 (3e Civ., pourvoi n° 20-17.554, publiée) que la promesse unilatérale de vente étant un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l'exercice de la faculté d'option du bénéficiaire et à la date duquel s'apprécient les conditions de validité de la vente, le promettant s'oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l'avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.
12. Bien qu'énonçant que la révocation de la promesse par le promettant pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter ne peut empêcher la formation du contrat promis, l'arrêt retient qu'il n'est pas possible en pareil cas d'ordonner la réalisation forcée de la vente, s'agissant d'une obligation de faire ne se résolvant qu'en dommages-intérêts.
13. En statuant ainsi, se conformant à l'état de la jurisprudence à la date du prononcé de son arrêt, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
14. Le bénéficiaire fait le même grief à l'arrêt, alors « que la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l'exercice de la faculté d'option du bénéficiaire et à la date duquel s'apprécient les conditions de validité de la vente ; qu'en considérant que l'appréciation de la vileté du prix devait s'effectuer non à la date de la promesse de vente mais à la date de la levée de l'option, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles 1583 et 1591 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1101 et 1134, alinéa 1er, du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1591 du même code :
15. Aux termes du premier de ces textes, le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.
16. Aux termes du deuxième, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
17. Aux termes du dernier, le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties.
18. Pour confirmer le rejet de la demande de transfert de la propriété de l'immeuble promis, l'arrêt énonce que l'appréciation du prix s'effectue, non pas à la date de la promesse, mais à celle de l'échange de l'accord des volontés, c'est-à-dire à la date de levée de l'option par le bénéficiaire, soit en l'occurrence le 18 novembre 2016, la disparité entre les offres de prix obtenues par le promettant et la proposition d'achat émanant du bénéficiaire établissant le caractère ni réel ni sérieux du prix et conduisant à la nullité de l'acte.
19. En statuant ainsi, alors que la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l'exercice de la faculté d'option du bénéficiaire, de sorte que la vileté du prix s'apprécie, à la différence de l'action en rescision pour lésion ouverte dans les conditions prévues par les articles 1674 et suivants du code civil, à la date de la promesse et non à celle de la levée d'option, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE et ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le rejet des fins de non-recevoir, l'arrêt rendu le 5 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-quatre.