LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 novembre 2024
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 687 F-D
Pourvoi n° Q 23-18.919
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 NOVEMBRE 2024
M. [D] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-18.919 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2023 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc, société coopérative à capital et personnel variables, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société CNP assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [O], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire et après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [O] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société CNP Assurances.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 avril 2023), la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque) a consenti à M. [O] un prêt immobilier. M. [O] a adhéré au contrat d'assurance de groupe souscrit par la banque auprès de la société CNP Assurances (l'assureur).
3. Faisant valoir qu'il était bénéficiaire d'une pension d'invalidité de catégorie III depuis le 16 décembre 2015, il a demandé la prise en charge, par l'assurance, du remboursement des mensualités du prêt, laquelle lui a été refusée au motif d'une clause excluant les situations ayant une origine autre qu'accidentelle.
4. Les 19 août et 12 septembre 2016, devant le refus de l'assureur, M. [O] a assigné ce dernier en garantie et la banque en indemnisation de son préjudice.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [O] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action contre la banque, alors « que le dommage résultant d'un défaut d'information de l'emprunteur sur l'étendue des risques couverts par l'assurance de groupe qu'il a souscrite se réalise au moment du refus de garantie opposé par l'assureur, cette date constituant en conséquence le point de départ du délai de la prescription de l'action en responsabilité contre le prêteur ; qu'en l'espèce, pour dire prescrite l'action de M. [O] contre la banque, la cour d'appel a considéré que la prescription quinquennale avait commencé à courir à compter du jour où elle lui avait notifié les conditions de garantie posées par l'assureur, le 10 juillet 2008, et non pas à compter du jour où il avait été informé du refus de garantie du sinistre qui lui avait été opposé par l'assureur, le 1er décembre 2015 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce :
6. Selon ces textes, les actions personnelles ou mobilières entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
7. Lorsqu'un emprunteur, ayant adhéré au contrat d'assurance de groupe souscrit par la banque prêteuse à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, reproche à cette banque d'avoir manqué à son obligation de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur et d'être responsable de l'absence de prise en charge, par l'assureur, du remboursement du prêt au motif que le risque invoqué n'était pas couvert, le dommage qu'il invoque consiste en la perte de la chance de bénéficier d'une telle prise en charge.
8. Ce dommage se réalisant au moment du refus de garantie opposé par l'assureur, cette date constitue le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité exercée par l'emprunteur.
9. Pour déclarer prescrite l'action en responsabilité engagée par M. [O] à l'encontre de la banque, l'arrêt retient qu'il a eu connaissance de l'étendue et des limites de la garantie offerte par l'assureur le jour où il en a été informé, à savoir le 10 juillet 2008, ce qui ne l'a pas empêché d'adhérer au contrat d'assurance groupe souscrit par la banque dans le cadre de la garantie qui lui était offerte.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable car prescrite l'action engagée par M. [O] à l'encontre de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile l'arrêt rendu le 27 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller référendaire rapporteur et Mme Labat, greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.