LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 novembre 2024
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 682 F-D
Pourvoi n° Z 23-15.938
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 NOVEMBRE 2024
1°/ La société Axyalis patrimoine, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ la société MMA Iard assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes,
3°/ la société MMA Iard, société anonyme,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],
toutes deux venant aux droits de la société Covéa Risks,
ont formé le pourvoi n° Z 23-15.938 contre l'arrêt n° RG 21/00695 rendu le 14 mars 2023 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant à M. [M] [S], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Axyalis patrimoine, des sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard, toutes deux venant aux droits de la société Covéa Risks, de Me Guermonprez, avocat de M. [S], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 14 mars 2023), sur les conseils de la société Axyalis patrimoine, M. [S] a souscrit un contrat d'assurance vie en unités de compte et a investi, le 19 janvier 2011, une certaine somme dans des unités de compte « SG Option Axyalis coupons ». En 2014, les fonds ont été désinvestis et réinvestis dans des unités de compte « Kairos ».
2. Soutenant avoir subi des pertes en capital à la suite de ces investissements, résultant d'un manquement de la société Axyalis patrimoine à ses obligations de conseil en investissement financier, M. [S] l'a assignée, ainsi que son assureur, la société Covea Risks, aux droits de laquelle se trouvent les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, en réparation de son préjudice.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. La société Axyalis patrimoine et ses assureurs font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à M. [S] une certaine somme, alors « que l'indemnisation d'une perte de chance suppose la preuve de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'en retenant que le manquement de la société Axyalis patrimoine à son devoir d'information et de conseil avait causé à M. [S] un préjudice certain, consistant « dans la perte de chance de ne pas souscrire aux produits Axyalis Coupons et Kairos » « quand bien même les deux contrats d'assurance vie sont toujours en cours, et leur valeur liquidative susceptible d'évoluer à la hausse ou à la baisse », cependant que le caractère préjudiciable de l'opération en cause qui résultait des pertes alléguées par l'investisseur, et le caractère favorable de l'éventualité consistant en la conclusion d'un autre contrat qui aurait disparu, ne pouvaient être établis qu'au jour du rachat du contrat d'assurance vie, et ce quand bien même le support en cause aurait fait antérieurement l'objet d'un désinvestissement, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
5. Il résulte de ce texte que le manquement d'un conseiller en gestion de patrimoine à ses obligations d'informer et de conseiller, à l'occasion d'un arbitrage, le souscripteur d'un contrat d'assurance vie libellé en unités de comptes sur le risque de pertes présenté par un support d'investissement, prive ce souscripteur d'une chance d'éviter la réalisation de ces pertes, lesquelles ne se réalisent qu'au jour du rachat du contrat d'assurance vie, quand bien même le support en cause aurait fait antérieurement l'objet d'un désinvestissement.
6. Pour condamner solidairement la société Axyalis patrimoine et les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard, à payer des dommages et intérêts, l'arrêt retient que le manquement de la première à son devoir d'information et de conseil a causé à M. [S] un préjudice certain, consistant dans la perte de chance de ne pas souscrire aux produits Axyalis Coupons et Kairos, quand bien même les deux contrats d'assurance vie seraient toujours en cours et leur valeur liquidative susceptible d'évoluer à la hausse ou à la baisse.
7. En statuant ainsi, alors que le terme du contrat d'assurance vie n'étant pas échu, le risque de pertes ne s'était pas réalisé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement la société Axyalis patrimoine et les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard, toutes deux venant aux droits de la société Covéa Risks à payer à M. [S] des dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 14 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller rapporteur référendaire et Mme Labat, greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.