LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 novembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 681 F-D
Pourvoi n° P 23-19.033
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 NOVEMBRE 2024
1°/ La société Jeanne d'Arc, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 2],
2°/ la société [C] [U], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 1], en la personne de M. [U], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Jeanne d'Arc,
ont formé le pourvoi n° P 23-19.033 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2023 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige les opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire, société coopérative à capital et personnel variables, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 3], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société Jeanne d'Arc et de la société [C] [U], ès qualités, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen,et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 25 mai 2023), le 28 décembre 2009, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire (la banque) a consenti à la SCI Jeanne d'Arc (la SCI) deux prêts immobiliers, dont elle a prononcé la déchéance du terme le 20 novembre 2017 à la suite de mensualités restées impayées.
2. Le 11 décembre 2018, la SCI ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a déclaré sa créance.
3. La SCI en a contesté le bien fondé en reprochant à la banque d'avoir manqué à son obligation de mise en garde lors de l'octroi des prêts. Sur invitation du juge-commissaire qui, par ordonnance du 14 avril 2020, a considéré que la contestation était sérieuse, la SCI a assigné la banque en responsabilité, en présence de la société [C] [U], désignée entre-temps commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SCI.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La SCI et son commissaire à l'exécution du plan font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :
« 1°/ que la banque est tenue à l'égard de l'emprunteur non averti d'un devoir de mise en garde sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt ; que ce devoir oblige la banque à vérifier les capacités financières de l'emprunteur avant d'accorder le crédit ; qu'au cas d'espèce, ayant retenu que la SCI emprunteuse devait être considérée comme non avertie, en s'abstenant de rechercher si la banque avait bien rempli son obligation de vérifier ses capacités financières avant d'accorder les deux prêts litigieux, représentant 700 000 euros en principal, notamment au regard de la circonstance que la SCI était déjà engagée auprès d'elle au titre de trois précédents prêts, consentis en 2003, 2004 et 2009, pour des montants respectifs en principal de 57 600 euros, 220 000 euros et 127 200 euros, avant de juger que la banque n'avait pas manqué à son devoir de mise en garde, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,
2°/ que la SCI produisait devant les juges du fond sa déclaration fiscale du 28 avril 2009, pour l'année 2008, montrant qu'elle possédait deux immeubles ayant produit un revenu net de 4 334 euros, et sa déclaration fiscale du 29 avril 2019, pour l'année 2018, montrant également qu'elle possédait deux immeubles ayant produit un revenu net de 5 522 euros (sa pièce d'appel n° 5) ; qu'en retenant que la SCI ne produisait aucun document justifiant de son patrimoine et ses revenus en 2009 au moment de l'octroi des prêts litigieux, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le rapprochement des deux documents susvisés ne permettait pas d'inférer qu'en 2009, la SCI ne disposait ni des revenus ni du patrimoine suffisants pour écarter le risque d'endettement excessif né de la souscription desdits prêts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
5. Après avoir exactement énoncé que la preuve du risque d'un endettement excessif incombe à l'emprunteur et que ce risque s'apprécie à la date de l'octroi du prêt, c'est dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation des éléments qui lui étaient soumis par la SCI que la cour d'appel a retenu qu'ils ne permettaient pas de connaître les revenus et le patrimoine de celle-ci à la date de l'octroi des prêts litigieux et ainsi d'établir que ces prêts n'étaient pas adaptés à ses capacités financières.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Jeanne d'Arc et la société [U], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SCI Jeanne d'Arc, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller référendaire rapporteur et Mme Labat, greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.