LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 novembre 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1159 F-D
Pourvoi n° J 23-17.787
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 NOVEMBRE 2024
La société Vencorex France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], prise en son établissement sis [Adresse 6], a formé le pourvoi n° J 23-17.787 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2023 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [G] [V], domicilié [Adresse 4],
2°/ au syndicat CGT des personnels du site chimique du [Localité 5], dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à Pôle emploi Auvergne Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
M. [V] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Vencorex France, de Me Haas, avocat de M. [V] et du syndicat CGT des personnels du site chimique du [Localité 5], et l'avis de Mme Wurtz, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 9 octobre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Vencorex France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi Auvergne Rhône-Alpes.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 23 mars 2023), M. [V] a été engagé le 29 août 2005 par la société Rhodia Intermédiaires, aux droits de laquelle vient la société Vencorex France. Il occupait en dernier lieu les fonctions d'opérateur de fabrication.
3. En décembre 2017, un conflit a opposé les salariés rattachés à l'atelier Tolonate, dont faisait partie M. [V], à l'employeur, relatif à la mise à leur disposition d'un véhicule de service.
4. Convoqué le 2 janvier 2018 pour un entretien préalable à un éventuel licenciement, le salarié, licencié pour faute grave le 22 janvier 2018, a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
5. Le syndicat CGT des personnels du site chimique du [Localité 5] (le syndicat) est intervenu volontairement pour solliciter des dommages-intérêts en raison de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer nul le licenciement notifié le 22 janvier 2018 et de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, d'indemnité de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de rappel de salaire, outre les congés payés afférents ainsi qu'au syndicat une somme à titre de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors :
« 1°/ que la nullité du licenciement prévue à l'article L. 2511-1 du code du travail n'est encourue que lorsque celui-ci a été prononcé à raison d'un fait commis au cours ou à l'occasion de l'exercice effectif du droit de grève ; que la seule menace d'une grève hypothétique proférée par le salarié ne saurait lui conférer la protection édictée par ces dispositions ; qu'en l'espèce, pour déclarer nul le licenciement de M. [V], la cour d'appel a retenu que les faits fautifs reprochés au salarié ont été commis à l'occasion de l'exercice du droit de grève aux motifs que des salariés ont témoigné de l'existence, le jour des faits litigieux, d'une revendication collective relative à la mise à disposition par l'employeur d'un véhicule de service et du fait qu'une grève était envisagée pour que l'employeur satisfasse à leur revendication ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations qu'à supposer même que des discussions aient pu avoir lieu au sujet d'une grève, celles-ci ne se sont jamais concrétisées, en sorte que la grève était demeurée hypothétique et que le licenciement de M. [V] n'était pas intervenu à l'occasion de l'exercice du droit de grève, la cour d'appel a violé les articles L. 2511-1 et L. 1132-2 du code du travail ;
2°/ que lorsqu'un salarié établit des faits laissant supposer une discrimination dans la rupture de son contrat de travail en raison de sa participation à un mouvement de grève, il appartient à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à l'exercice normal du droit de grève ; qu'en l'espèce, pour déclarer nul le licenciement de M. [V], la cour d'appel s'est bornée à retenir que les faits fautifs reprochés au salariés ont été commis à l'occasion de l'exercice du droit de grève et que l'employeur n'a pas qualifié les faits litigieux de faute lourde mais de faute grave dans la lettre de licenciement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à l'exercice normal du droit de grève, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2511-1, L. 1132-2 et L. 1134-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte de l'article L. 2511-1 du code du travail que la nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours ou à l'occasion de l'exercice d'un droit de grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde.
9. La cour d'appel, qui a constaté que les faits motivant le licenciement avaient été commis à l'occasion d'une revendication collective relative à la mise à disposition par l'employeur d'un véhicule de service au cours de laquelle le salarié avait annoncé l'intention des salariés de faire grève et de mettre à l'arrêt l'atelier si un véhicule n'était pas présent sur le site le lendemain, en a exactement déduit qu'ils avaient été commis à l'occasion de l'exercice du droit de grève, de sorte que le licenciement, prononcé pour faute grave, était nul.
10. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ;
Condamne la société Vencorex France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Vencorex France et la condamne à payer à M. [V] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.