LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 novembre 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1155 F-D
Pourvoi n° K 22-21.809
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 NOVEMBRE 2024
1°/ Mme [L] [D], domiciliée [Adresse 2],
2°/ le syndicat Union des travailleurs guyanais, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° K 22-21.809 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2022 par la cour d'appel de Cayenne (chambre sociale), dans le litige les opposant à la caisse générale de sécurité sociale de Guyane, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [D] et du syndicat Union des travailleurs guyanais, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse générale de sécurité sociale de Guyane, après débats en l'audience publique du 9 octobre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 24 juin 2022), Mme [D] a été engagée à compter du 1er août 1996 en qualité de gestionnaire des comptes par la caisse générale de sécurité sociale de Guyane (la caisse) le 1er août 1996.
2. La salariée a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 3 avril 2012, prorogé de manière successive jusqu'au 5 novembre 2013.
3. Le 27 juin 2012, elle a adressé à l'employeur une déclaration d'accident du travail. Par décision du 13 juin 2013, la commission de recours amiable de la caisse a reconnu le caractère professionnel de l'accident dont la salariée avait été victime le 3 avril 2012.
4. A compter du 6 novembre 2013, la salariée a repris progressivement son poste de travail comportant les aménagements préconisés par la médecine du travail. Le 29 septembre 2014, elle a été déclarée apte à son poste de travail.
5. Par acte du 22 juillet 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir une reconstitution de carrière, son reclassement en matière de rémunération et des dommages-intérêts pour discrimination syndicale et harcèlement moral.
6. Le syndicat Union des travailleurs guyanais (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur les deux moyens, réunis
Enoncé des moyens
7. Par un premier moyen, la salariée et le syndicat font grief à l'arrêt de déclarer le conseil de prud'hommes de Cayenne matériellement incompétent pour connaître de l'affaire au profit du pôle social du tribunal judiciaire de Cayenne, alors :
« 1°/ que la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles ne fait pas obstacle à l'attribution de dommages-intérêts au salarié en réparation des préjudices que lui a causé le harcèlement moral dont il a été victime antérieurement à la prise en charge de son accident du travail par la sécurité sociale ; qu'en l'espèce, la salariée sollicitait le paiement de dommages-intérêts en raison des faits de harcèlement moral subis à compter de 2006 ; qu'en disant la juridiction prud'homale incompétente au profit du pôle social du tribunal judiciaire de Cayenne au motif que les demandes de la salariée étaient relatives à des faits similaires à ceux invoqués dans la déclaration d'accident du travail ou des faits dont la cause est l'accident lui-même quand la déclaration d'accident du travail effectuée par la salariée datait du 3 avril 2012 et que l'accident déclaré avait été pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail à compter de la décision de la commission de recours amiable en date du 13 juin 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1 et L. 451-1 du code de la sécurité sociale et L. 1411-1, L. 1411-4 et L. 1152-1 du code du travail,
ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
2°/ que la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur la demande de réparation d'un préjudice causé par le harcèlement moral subi en dehors de toute prise en charge au titre de la législation professionnelle ; que la faute inexcusable de l'employeur correspond au manquement de ce dernier à son obligation de sécurité révélé à l'occasion d'un accident du travail ou une maladie professionnelle ; qu'en disant la juridiction prud'homale incompétente aux motifs adoptés que la salariée sollicitait la caractérisation de l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur quand celle-ci demandait l'indemnisation du préjudice constitué par le harcèlement moral subi pendant une période non couverte par la prise en charge de son accident du travail et donc insusceptible de relever de la qualification de faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 1411-1 et L. 1152-1 du code du travail. »
8. Par un second moyen, la salariée et le syndicat font le même grief à l'arrêt, alors « que le conseil de prud'hommes est seul compétent pour connaître des demandes de réparation d'un préjudice résultant d'une discrimination survenue dans le cadre de l'exécution du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la salariée, alléguant une discrimination en raison de ses activités syndicales, avait saisi le conseil de prud'hommes de demandes de reconstitution de carrière, de reclassement au niveau de rémunération 04 à compter de 2010 puis au niveau de rémunération 05A pour la période allant de 2014 à 2019, de rappel de salaires pour la période de 2010 à 2019 et de dommages et intérêts pour discrimination syndicale subie de 2010 à 2015 ; qu'en disant la juridiction prud'homale incompétente au profit du pôle social du tribunal judiciaire de Cayenne au motif inopérant que les faits discriminatoires dénoncés par la salariée étaient identiques à ceux dont elle avait fait état dans sa déclaration d'accident du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1, L. 1411-4 et L. 1132-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
9. Aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit.
10. Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale l'indemnisation des dommages nés d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
11. Il en résulte que la réparation du préjudice allégué par le salarié du fait d'un harcèlement moral et d'une discrimination invoqués au soutien de la reconnaissance d'un accident du travail relève de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale.
12. La cour d'appel ayant constaté, d'une part, que la salariée invoquait devant la juridiction des faits de harcèlement moral ou de discrimination similaires à ceux invoqués dans sa déclaration d'accident du travail ou des faits dont la cause étaient l'accident lui-même, d'autre part, que les griefs de discrimination allégués s'analysaient, après la reprise du travail en novembre 2023, en un dommage résultant directement de l'accident du travail, a retenu que la salariée demandait en réalité la réparation de préjudices nés d'un accident du travail et en a exactement déduit l'incompétence de la juridiction prud'homale.
13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [D] et le syndicat Union des travailleurs guyanais aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.