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14/11/2024 | FRANCE | N°42400656

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 novembre 2024, 42400656


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


CC






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 14 novembre 2024








Cassation




M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 656 F-B


Pourvoi n° D 23-15.781








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇA

IS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 NOVEMBRE 2024


La société Active audit, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a form...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CC

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 novembre 2024

Cassation

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 656 F-B

Pourvoi n° D 23-15.781

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 NOVEMBRE 2024

La société Active audit, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 23-15.781 contre le jugement rendu le 28 avril 2023 par le tribunal judiciaire de Fort-de-France, statuant selon la procédure accélérée au fond, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Société Communale de [Localité 4] (SEMSAMAR), société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Orcom audit, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Active audit, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Orcom audit, de la SARL Gury et Maitre, avocat de la société Communale de [Localité 4], après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Fort-de-France, 28 avril 2023) et les productions, le 26 novembre 2021, la société Société communale de [Localité 4] (la SEMSAMAR) a publié un avis public à la concurrence portant sur un accord-cadre « Marché du second commissaire aux comptes ». Les sociétés Orcom audit (la société Orcom) et Active audit se sont notamment portées candidates à ce marché.

2. Par décision du 15 septembre 2022, notifiée le 16 septembre 2022, l'offre de la société Active audit a été écartée et la société Orcom déclarée attributaire du contrat.

3. Par acte du 23 septembre 2022, enregistré sous le n° 22/01900, la société Active audit a assigné la SEMSAMAR selon la procédure accélérée au fond aux fins de voir constater l'irrégularité de la procédure de passation et, en conséquence, annuler la délibération de la SEMSAMAR du 15 septembre 2022 et enjoindre à celle-ci de reprendre la procédure de passation au stade de l'analyse des offres.

4. L'accord-cadre a été signé le 27 septembre 2022 par la SEMSAMAR avec la société Orcom.

5. Par acte du 14 décembre 2022, enregistré sous le n° 22/02467, la société Active audit a assigné la société Orcom devant la même juridiction aux fins de voir constater que celle-ci avait signé l'accord-cadre avec la société Orcom en violation de l'article 4 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 et, en conséquence, prononcer la nullité de ce contrat en application des articles 16 et 18 de la même ordonnance. Par conclusions du 28 février 2023 dans l'instance n° 22/01900, elle a formé la même demande à l'encontre de la SEMSAMAR.

6. Les deux instances ont été jointes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La société Active audit fait grief au jugement de dire n'y avoir lieu à recours précontractuel et de rejeter ses demandes à l'encontre de la société Orcom, alors « que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens ; qu'en procédure orale, les juges doivent relater les prétentions et moyens développés à l'audience ou, à tout le moins, viser les dernières conclusions des parties présentes à l'audience ; qu'en statuant comme il l'a fait, sans relater les prétentions et moyens développés par les parties lors de l'audience, ni même viser les dernières conclusions déposées par la société Active audit, le juge du fond a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ce texte que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens.

9. Le jugement n'expose pas, même succinctement, les prétentions et moyens formulés oralement à l'audience par la société Active audit ou ceux, formulés par écrit, auxquels elle a pu se référer à l'audience.

10. En statuant ainsi, le président du tribunal n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. La société Active audit fait le même grief au jugement, alors « que, dans le cas où un candidat évincé d'une commande publique saisit le juge d'un recours avant la conclusion du contrat, celui-ci ne peut être signé à compter de cette saisine et jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle ; que, dans le cas où le contrat a été signé pendant la suspension ainsi prévue, le candidat évincé peut modifier ses demandes pour transformer son [recours] précontractuel en [recours] contractuel et conclure à l'annulation du contrat ; que le juge, initialement saisi d'un [recours] précontractuel, peut alors prononcer la nullité du contrat dans les conditions des articles 16 à 18 de l'ordonnance du 7 mai 2009 ; qu'au cas d'espèce, le contrat ayant été signé le 27 septembre 2022 pendant la période de suspension, la société Active audit a demandé, aux termes de ses dernières conclusions en date du 28 février 2023, d'en prononcer la nullité en application des articles 16 et 18 de l'ordonnance du 7 mai 2009 ; qu'en écartant la demande en nullité de la société Active audit au motif que, le contrat ayant été signé avant la date de délibéré, le recours en référé" précontractuel était devenu sans objet et que la société demanderesse n'était pas recevable à se prévaloir d'un référé" contractuel, le président du tribunal judiciaire a violé les articles 4, 12, 16, 17, 18 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 4, 12, 16, 17 et 18 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique :

12. Il résulte du premier de ces textes que, dans le cas où un candidat évincé d'une commande publique saisit le juge d'un recours avant la conclusion du contrat, celui-ci ne peut être signé à compter de cette saisine et jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle.

13. Il résulte du deuxième que le recours contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours précontractuel dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a respecté cette suspension et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours.

14. Selon le troisième, le juge prononce la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre, ou pendant la suspension liée à l'introduction d'un recours précontractuel si, en outre, d'une part, la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur du droit d'exercer le recours prévu aux articles 2 et 5 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, d'autre part, les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat.

15. Aux termes du quatrième, toutefois, dans les cas prévus à l'article 16, le juge peut sanctionner le manquement soit par la résiliation du contrat, soit par la réduction de sa durée, soit par une pénalité financière imposée au pouvoir adjudicateur ou à l'entité adjudicatrice, si le prononcé de la nullité du contrat se heurte à une raison impérieuse d'intérêt général.

16. Selon le cinquième, dans le cas où le contrat a été signé pendant la suspension prévue à l'article 4 ou à l'article 8 de l'ordonnance, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière.

17. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas de conclusion du contrat pendant la période de suspension, le candidat évincé qui a introduit un recours précontractuel peut modifier ses demandes devant le juge et conclure à l'annulation de ce contrat, sur le fondement des textes applicables au recours contractuel.

18. Pour rejeter les demandes de la société Active audit tendant à l'annulation du contrat passé entre la SEMSAMAR et la société Orcom, le jugement énonce que le demandeur qui forme un recours précontractuel ne peut, au cours de la même instance, passer à un recours contractuel.

19. En statuant ainsi, le président du tribunal a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 28 avril 2023, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Fort-de-France ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant la juridiction du président du tribunal judiciaire de Fort-de-France autrement composée ;

Condamne la société Société communale de [Localité 4] et la société Orcom audit aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Société communale de [Localité 4] et la société Orcom audit et les condamne in solidum à payer à la société Active audit la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400656
Date de la décision : 14/11/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

REFERE

Il résulte de la combinaison des articles 4, 12, 16, 17 et 18 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique qu'en cas de conclusion du contrat pendant la période de suspension liée à l'introduction d'un recours précontractuel, le candidat évincé qui a introduit un tel recours peut modifier ses demandes devant le juge et conclure à l'annulation de ce contrat, sur le fondement des textes applicables au recours contractuel


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Fort-de-France, 28 avril 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 nov. 2024, pourvoi n°42400656


Composition du Tribunal
Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SARL Gury et Maitre

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400656
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