LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 novembre 2024
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 614 F-D
Pourvoi n° T 23-17.680
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 NOVEMBRE 2024
La société communale de Saint-Martin, société anonyme d'économie mixte, (SEMSAMAR), dont le siège est [Adresse 12], [Localité 10] et ayant un établissement Centre commercial Family Plaza, [Adresse 13], a formé le pourvoi n° T 23-17.680 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2023 par la cour d'appel de Cayenne (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [E] [Y], domicilié [Adresse 9], [Localité 11],
2°/ au Centre hospitalier de l'ouest guyanais, établissement public, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 11],
défendeurs à la cassation.
Le Centre hospitalier de l'ouest guyanais a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Choquet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société communale de Saint-Martin, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat du Centre hospitalier de l'ouest guyanais, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Choquet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 26 avril 2023) et les productions, M. [E] [Y] a acquis en viager de son père, [K] [Y], par acte du 24 avril 2002, une parcelle cadastrée section AI n° [Cadastre 1], comprenant une maison en bois de type F4, un hangar et un logement de type T2.
2. Invoquant le bénéfice de la prescription acquisitive sur une portion de terrain située sur la parcelle contiguë cadastrée section AI n° [Cadastre 6] appartenant à la société d'économie mixte de Saint-Martin (la SEMSAMAR), M. [E] [Y] a assigné celle-ci et le Centre hospitalier de l'ouest guyanais, propriétaires des parcelles cadastrées section AI n° [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], en bornage de leurs fonds, puis en revendication de la propriété d'une partie de la parcelle cadastrée section AI n° [Cadastre 6], et plus précisément de la future parcelle cadastrée section AI n° [Cadastre 7], pour une superficie totale de 7 074 m², contiguë avec la parcelle cadastrée section AI n° [Cadastre 1].
3. Les instances ont été jointes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le premier moyen du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé des moyens
4. La SEMSAMAR et le Centre hospitalier de l'ouest guyanais font grief à l'arrêt de constater la possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire de la parcelle cadastrée section AI n° [Cadastre 6] par M. [E] [Y] et de dire que l'arrêt vaut titre de propriété sur cette parcelle, le Centre hospitalier de l'ouest guyanais faisant au surplus grief à l'arrêt de désigner un expert aux fins de bornage, alors « que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé, et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en reconnaissant le droit de propriété de M. [Y] sur « la parcelle cadastrée AI [Cadastre 6] » cependant que ce dernier n'avait sollicité la reconnaissance de sa propriété par usucapion que sur une portion de cette parcelle « portant sur une superficie totale de 7 074 m², correspondant à la future parcelle AI [Cadastre 7] [?] suivant le plan établi par le géomètre expert du 19 juillet 2018 », la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen du pourvoi incident
5. M. [E] [Y] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que n'en étant pas propriétaire, le Centre hospitalier de l'ouest guyanais est dénué d'intérêt à contester l'arrêt en ce qu'il a statué sur la propriété de la parcelle cadastrée section AI n° [Cadastre 6].
6. Cependant, le Centre hospitalier de l'ouest guyanais justifie d'un intérêt à la cassation de l'arrêt en ce qu'il a fait droit à la revendication, par M. [E] [Y], de la propriété de toute la parcelle cadastrée section Al n° [Cadastre 6], dès lors qu'il est constant qu'elle est en cours de division en deux parcelles destinées à être cadastrées section AI n° [Cadastre 7] et [Cadastre 8], et que la SEMSAMAR envisage de vendre la première parcelle au Centre hospitalier de l'ouest guyanais.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé des moyens
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :
8. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
9. Aux termes du second, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
10. L'arrêt constate la possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire de la parcelle cadastrée section AI n° [Cadastre 6] par M. [E] [Y], qu'il tient de son auteur, [K] [Y], dit qu'il vaut titre de propriété, et désigne un géomètre-expert aux fins de bornage de cette parcelle.
11. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, M. [E] [Y] ne demandait à la cour d'appel que de dire qu'il avait acquis par prescription la propriété d'une partie de la parcelle cadastrée section AI n° [Cadastre 6] portant sur une superficie totale de 7 074 m², correspondant à la future parcelle cadastrée section AI n° [Cadastre 7], suivant le plan établi par un géomètre-expert le 19 juillet 2018, et de désigner un géomètre-expert aux fins de bornage de sa propriété ainsi délimitée, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Cayenne, autrement composée ;
Condamne M. [E] [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.