LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 novembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1005 F-D
Pourvoi n° G 23-12.427
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024
La société Entreprise Pironin, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 23-12.427 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2022 par la cour d'appel de Riom (première chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MMA IARD, société anonyme,
2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 2],
3°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SARL Gury & Maitre, avocat de la société Entreprise Pironin, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 septembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 6 décembre 2022) et les productions, la société Entreprise Pironin (la société Pironin) a participé à la réalisation de travaux sur une terrasse avec piscine dans un lot situé au dernier étage d'un immeuble en copropriété.
2. Des infiltrations d'eau étant apparues à la suite de la réalisation de ces travaux, des procédures judiciaires ont été engagées, notamment à l'encontre de la société Pironin.
3. Dans une instance distincte, celle-ci a assigné en garantie ses assureurs successifs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA) et la société SMABTP.
4. Devant le juge de la mise en état, les sociétés MMA ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action intentée à leur encontre.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa première branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. La société Pironin fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, pour cause de prescription biennale prévue à l'article L. 114-1 du code des assurances, l'action intentée par elle à l'encontre des sociétés MMA et SMABTP, et en conséquence, de la débouter de l'ensemble de ses demandes à leur encontre, alors « que, pour que la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances soit opposable à l'assuré, le contrat d'assurance doit préciser tous les points de départ de la prescription, et notamment le point de départ de la prescription de l'action de l'assuré contre l'assureur lorsqu'elle a pour cause le recours d'un tiers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 20 des conditions générales de décembre 2010 faisait référence à l'article L. 114-1 du code des assurances, et que cette clause rappelait, conformément aux dispositions de l'article L. 114-2 du code des assurances, que la prescription était interrompue notamment par la saisine d'un tribunal en référé ; qu'en jugeant que la prescription biennale était opposable à la société Pironin, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le contrat d'assurance était lacunaire quant aux différents points de départ de la prescription, et notamment qu'il ne précisait pas quel était le point de départ de la prescription de l'action de l'assuré contre l'assureur lorsqu'elle avait pour cause le recours d'un tiers, la cour d'appel a violé les articles L. 114-1 et R. 112-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 112-1 du code des assurances :
7. Il résulte de ce texte que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale, les différents points de départ du délai de la prescription biennale prévus par l'article L. 114-1 du code des assurances.
8. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action de la société Pironin engagée à l'encontre des sociétés MMA, l'arrêt, après avoir retenu que la prescription biennale avait été acquise, relève qu'une clause des conditions générales du contrat, portées à la connaissance de l'assuré, renvoie expressément à l'article L. 114-1 du code des assurances.
9. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que les différents points de départ de la prescription biennale prévus par l'article L. 114-1 du code des assurances étaient énoncés, de manière exhaustive, dans le contrat d'assurance, ce que la société Pironin contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable, pour cause de prescription biennale, l'action intentée par la société Pironin à l'encontre des sociétés MMA n'emporte pas celle de la disposition déclarant irrecevable, pour cause de prescription biennale, l'action intentée par la société Pironin à l'encontre de la SMABTP.
Mise hors de cause
11. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société SMABTP, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme l'ordonnance du 8 février 2022 en tant, d'une part, qu'elle déclare irrecevable, pour cause de prescription biennale prévue à l'article L. 114-1 du code des assurances, l'action intentée par la société Entreprise Pironin à l'encontre des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, d'autre part, qu'elle déboute, en conséquence, la société Entreprise Pironin de l'ensemble de ses demandes formées contre ces sociétés, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 6 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Met hors de cause la société SMABTP ;
Condamne la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à la société Entreprise Pironin la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.