LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 octobre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 579 F-D
Pourvoi n° V 22-19.702
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 OCTOBRE 2024
Mme [L] [C], domiciliée [Adresse 8], [Localité 1], a formé le pourvoi n° V 22-19.702 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2022 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :
1°/ à [S] [R], ayant été domicilié [Adresse 7], [Localité 9], décédé,
2°/ à Mme [D] [S], domiciliée [Adresse 6], [Localité 9], prise en sa qualité d'héritière de [R] [S],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme [C], après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mme [C] de sa reprise d'instance à l'encontre de Mme [S], en sa qualité d'héritière de [R] [S], décédé.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 juin 2022), [R] [S] a acquis de Mme [C] une parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 2], comportant des bâtiments à usage de dépendance jouxtant la voie publique, une cour intérieure et, à l'arrière, des bâtiments affectés à l'usage d'habitation.
3. Mme [C] s'est réservée la propriété des autres parcelles, issues de la division d'un même fonds d'origine, cadastrées section A n° [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5].
4. Après que Mme [C] ait refusé que [R] [S] emprunte un passage situé sur la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 4] pour accéder en véhicule aux bâtiments situés à l'arrière de sa propriété, celui-ci l'a assignée en rétablissement du passage pour cause d'enclave et fixation de son assiette.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. Mme [C] fait grief à l'arrêt de dire que la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 2] est enclavée, et de rejeter ses demandes de dommages-intérêts, alors « que les droits attachés à la servitude légale de passage pour cause d'enclave n'ont pas pour objet d'assurer un simple confort au propriétaire d'un terrain, afin d'accéder en véhicule directement à l'habitation du propriétaire mais de permettre un accès à la voie publique à un fonds qui n'en dispose pas ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont retenu que, si le fonds de [R] [S] était limitrophe de la [Adresse 11], il ne pouvait être accédé à la cour du fonds de M. [S] ni à la maison d'habitation au moyen d'un véhicule ; qu'en statuant ainsi, quand la simple commodité consistant pour M. [S] à pouvoir garer son véhicule dans la cour, près de sa maison d'habitation, ne pouvait justifier qu'il bénéficie d'un droit légal de passage sur le terrain de Mme [C], la cour d'appel a violé l'article 682 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 682 du code civil :
6. Selon ce texte, le propriétaire, dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, est fondé à réclamer sur le fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fonds.
7. Pour retenir l'état d'enclave, l'arrêt relève, d'abord, que le bâtiment situé sur la parcelle de [R] [S], à usage de grange et limitrophe de la [Adresse 11], comprend une porte cochère permettant d'y garer un véhicule de petit gabarit mais pas d'accéder, compte tenu de sa largeur et du dénivelé du sol existant entre la grange et la cour, en véhicule à l'arrière de la parcelle et que le bâtiment limitrophe du [Adresse 10], sur cette même parcelle, ne comprend qu'une ouverture de moins d'un mètre de large.
8. Il retient, ensuite, que l'utilisation normale du fonds, en particulier la possibilité de stationner un véhicule dans la cour, impose de pouvoir y accéder en véhicule, de même qu'à la maison d'habitation se trouvant à l'arrière de la parcelle et que celle-ci est donc enclavée.
9. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser un usage du fonds, qui disposait d'accès directs à la voie publique, nécessitant de pouvoir accéder directement en véhicule jusqu'à la cour intérieure et aux bâtiments affectés à l'habitation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt disant que la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 2] est enclavée entraîne la cassation des chefs de dispositif fixant son assiette, ordonnant le rétablissement du passage dont s'agit, sous astreinte, interdisant à Mme [C] d'obstruer le passage, sous astreinte, et rejetant les demandes de dommages-intérêts formées par Mme [C], qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande en remboursement de frais de constat d'huissier de [R] [S], l'arrêt rendu le 7 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne Mme [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille vingt-quatre.