LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 octobre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 573 FS-B
Pourvoi n° N 22-24.410
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 OCTOBRE 2024
Mme [S] [Y], épouse [F], domiciliée [Adresse 17], a formé le pourvoi n° N 22-24.410 contre l'arrêt rendu le 25 août 2022 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la commune de [Localité 19], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 15],
2°/ à M. [W] [Z], domicilié [Adresse 20],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pic, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de Mme [Y], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la commune de [Localité 19], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Pic, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Oppelt, Foucher-Gros, conseillers, Mme Schmitt, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, Mme Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme [Y] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [Z].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 août 2022) et les productions, la commune de [Localité 19] (la commune) a installé une station de prélèvement d'une eau destinée à la consommation humaine sur les parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] dont elle est propriétaire. Un arrêté de la préfète de la Lozère du 17 septembre 2008 a fixé, pour cette zone de captage, des périmètres de protection immédiate et rapprochée.
3. Se prévalant de l'état d'enclave de ces parcelles, la commune a fait assigner M. [M], M. et Mme [G], M. et Mme [P], M. et Mme [L], Mme [N], M. et Mme [E], Mmes [B] épouse [D] et [B] épouse [U], MM. [B] et [A], Mmes [K], [J] et [Y], et M. [Z], propriétaires de fonds voisins, en fixation de l'assiette de la servitude de passage.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de dire que la servitude de passage pour l'accession aux parcelles communales, cadastrées section B n° [Cadastre 1] à [Cadastre 5], lieu-dit [Localité 18], recevant le captage d'alimentation de la source de [Localité 21], à l'effet d'y effectuer les contrôles, les travaux d'entretien et de réparation, s'exercera notamment sur les parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 12], [Cadastre 11], [Cadastre 10], [Cadastre 9], [Cadastre 8] et [Cadastre 7], lieu-dit [Localité 16], selon le plan annexé à l'arrêté préfectoral du 14 février 2008, alors :
« 1°/ que si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes ; que pour fixer l'assiette de la servitude selon le plan annexé à l'arrêté préfectoral du 14 février 2008, l'arrêt retient que le choix des consorts [P] de céder amiablement leurs parcelles à la commune de [Localité 19] était contraint et résultait du fait que cette dernière aurait pu acquérir ces parcelles par voie d'expropriation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, desquelles il résultait que l'enclave résultait de la division d'un fonds par suite d'une vente, et a violé l'article 684 du code civil ;
2°/ que si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes, sauf dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés ; que pour fixer l'assiette de la servitude selon le plan annexé à l'arrêté préfectoral du 14 février 2008, l'arrêt retient que le passage sur les fonds divisés se heurte à l'interdiction d'excavation d'une profondeur supérieure à un mètre posée par l'article 6-2 de l'arrêté préfectoral du 17 septembre 2008 portant déclaration d'utilité publique de l'installation des périmètres de protection rapproché du captage de la source de [Localité 21], qu'il n'appartient pas à la cour d'appel de remettre en cause ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée si la commune de [Localité 19] n'était pas en situation de demander utilement à l'ARS une dérogation au strict respect de cette disposition de l'arrêté préfectoral, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une impossibilité juridique certaine d'établir la servitude de passage sur les fonds divisés, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 684 du code civil ;
3°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en fixant l'assiette de la servitude selon le plan annexé à l'arrêté préfectoral du 14 février 2008, au motif que le tracé alternatif proposé par Mme [Y] par sa parcelle B [Cadastre 6] se situerait dans le périmètre de protection rapproché du captage de la source de [Localité 21] défini par l'arrêté préfectoral du 17 septembre 2008, cependant que les parties s'accordaient sur le fait que la parcelle B [Cadastre 6] se situe hors du périmètre de protection, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que pour fixer l'assiette de la servitude selon le plan annexé à l'arrêté préfectoral du 14 février 2008, l'arrêt retient que le tracé alternatif proposé par Mme [Y] par sa parcelle B [Cadastre 6] se situe dans le périmètre de protection rapproché du captage de la source de [Localité 21] et qu'il se heurte à l'interdiction d'excavation d'une profondeur supérieure à un mètre posée par l'article 6-2 de l'arrêté préfectoral du 17 septembre 2008 ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen des écritures d'appel de Mme [Y] qui faisait valoir que le chemin par sa parcelle B [Cadastre 6] était d'ores et déjà réalisé et ne nécessitait aucune excavation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Selon les articles 682 et 683 du code civil, le propriétaire d'un fonds enclavé peut réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fonds et ce passage doit être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique et dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé.
6. Aux termes de l'article 684 du même code, si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes. Toutefois, dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l'article 682 serait applicable.
7. Il est jugé que l'assiette de la servitude légale de passage prévue à l'article 682 du code civil doit être compatible, lorsque les fonds concernés sont situés dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, avec les éventuelles contraintes d'urbanisme et d'environnement applicables (3e Civ., 5 septembre 2012, pourvoi n° 11-22.276, Bull. 2012, III, n° 115).
8. Dès lors, lorsque l'enclave résulte de la division d'un fonds, un passage ne peut être établi sur les parcelles du fonds divisé si cette fixation méconnaît une règle d'urbanisme ou d'environnement applicable à ces parcelles.
9. La cour d'appel, après avoir constaté que l'état d'enclave des parcelles appartenant à la commune résultait de la division d'un fonds unique, a, d'abord, retenu, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante, que l'arrêté préfectoral du 17 septembre 2008 déterminant le périmètre de protection rapprochée autour du captage des eaux de la source [Localité 21], interdisait d'effectuer dans cette zone des excavations d'une certaine profondeur et empêchait donc la fixation de l'assiette de la servitude de passage sur les parcelles du fonds divisé situées dans ce périmètre.
10. Elle a, ensuite, relevé sans modifier l'objet du litige, et sans avoir à répondre à un moyen qui n'était pas soulevé, qu'une fixation de l'assiette sur la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 6] appartenant aussi à Mme [Y], et non issue de la division du fonds, se heurtait à la même impossibilité dès lors qu'elle était également située dans le périmètre de protection rapprochée déterminé par arrêté.
11. Elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Y] et la condamne à payer à la commune de [Localité 19] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille vingt-quatre.