LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 978 F-D
Pourvoi n° K 22-13.736
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 OCTOBRE 2024
La société Banque du bâtiment et des travaux publics, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 22-13.736 contre l'arrêt n° RG : 21/09838 rendu le 20 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Construction et travaux coopératifs Cotracoop, dont le siège est [Adresse 2], société coopérative à forme anonyme,
2°/ à la société JSA, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Construction et travaux coopératifs Cotracoop,
défenderesses à la cassation.
La société JSA, prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Construction et travaux coopératifs Cotracoop, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Banque du bâtiment et des travaux publics, de la SCP Spinosi, avocat de la société JSA, prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Construction et travaux coopératifs Cotracoop, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 septembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 janvier 2022), la société Construction et travaux coopératifs Cotracoop (la société Cotracoop) a été placée en liquidation judiciaire, la société JSA étant désignée en qualité de liquidateur.
2. La société Banque du bâtiment et des travaux publics (société BTP banque) a déclaré une créance que le juge-commissaire a rejetée par ordonnance du 2 décembre 2020 dont elle a relevé appel.
3. La société Cotracoop n'ayant pas constitué avocat devant la cour d'appel, l'appelante a signifié la déclaration d'appel et ses conclusions par actes du 11 février 2021 délivrés d'une part à la société Cotracoop « domiciliée chez la SELARL JSA », d'autre part à l'adresse de son siège social.
4. Par ordonnance du 20 mai 2021 que la société BTP banque a déférée à la cour d'appel, un conseiller de la mise en état a dit que la déclaration d'appel de la société BTP banque n'avait pas été signifiée au représentant de la société Cotracoop, intimée défaillante, dans le délai requis par l'article 902 du code de procédure civile et a constaté la caducité de cette déclaration d'appel à l'égard de toutes les parties en raison de l'indivisibilité du litige.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. La société BTP banque fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 20 mai 2021 ayant dit que la déclaration d'appel de la société BTP banque n'avait pas été signifiée au représentant de la société Cotracoop, intimée défaillante, dans le délai requis par l'article 902 du code de procédure civile et constaté, en conséquence, la caducité de cette déclaration d'appel à l'égard de toutes les parties en raison de l'indivisibilité du litige, alors « que la caducité de la déclaration d'appel, faute de notification par l'appelant de sa déclaration d'appel et de ses conclusions à l'intimé défaillant dans le mois de l'avis adressé par le greffe, ne peut être encourue, en raison d'une irrégularité de forme affectant cette notification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration par celui qui l'invoque du grief que lui a causé l'irrégularité ; que la Banque du bâtiment et des travaux publics avait, par deux exploits d'huissier du 11 février 2021, soit dans le délai d'un mois à compter de l'avis adressé par le greffe le 22 janvier 2021, fait assigner la société Cotracoop, intimée défaillante, en lui dénonçant la déclaration d'appel, ses conclusions et son bordereau de communication de pièces, d'une part, celle-ci « domiciliée chez la Selarl JSA », d'autre part, à l'adresse de son siège social, ce que la cour d'appel a expressément relevé ; qu'en constatant la caducité de la déclaration d'appel sans avoir préalablement annulé dans les conditions de l'article 114 du code de procédure civile les actes de signification susvisés délivrés à la société débitrice, la cour d'appel a violé l'article 114 du code de procédure civile, ensemble l'article 902 du même code. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. La société JSA, en qualité de liquidateur de la société Cotracoop, conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.
7. Cependant, le moyen ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.
8. Il doit, dès lors, être déclaré recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 114, 117 et 902 du code de procédure civile :
9. Il résulte des deux premiers de ces textes, que, quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d'un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l'article 117 du code de procédure civile.
10. Il résulte de la combinaison du premier et du troisième que la caducité de la déclaration d'appel, faute de signification par l'appelant de la déclaration d'appel à l'intimé dans le délai imparti par l'article 902 du code de procédure civile, ne peut être encourue, en raison d'un vice de forme affectant cette signification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration, par celui qui l'invoque, du grief que lui a causé l'irrégularité.
11. Pour confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état, l'arrêt retient, après avoir relevé que l'acte du 11 février 2021 dénonçant la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante avait été signifié d'une part à la société Cotracoop domiciliée chez son liquidateur, d'autre part à son ancien siège social, qu'en l'absence de siège social du fait de la liquidation de la société, et compte tenu de l'absence de représentation du débiteur par le mandataire judiciaire, il appartenait au créancier appelant de l'ordonnance critiquée, de signifier la déclaration d'appel au représentant de la société débitrice, à son adresse personnelle, seul ce dernier étant habilité à recevoir un acte dans le cadre de l'exercice des droits propres de la société, et que la déclaration d'appel signifiée à la société domiciliée chez le liquidateur alors que l'adresse du représentant légal était connue puisque figurant sur le K-Bis, était nulle.
12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'irrégularité alléguée affectant l'acte de signification s'analysait en un vice de forme, la cour d'appel, qui ne pouvait ainsi prononcer la caducité de la déclaration d'appel sans constater au préalable la nullité de cet acte, sur la démonstration d'un grief, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt ayant confirmé l'ordonnance du 20 mai 2021 entraîne la cassation du chef ayant dit qu les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective, qui s'y rattache par un lien d'indivisibilité.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 20 mai 2021 et dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective, l'arrêt rendu le 20 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Construction et travaux coopératifs Cotracoop et la société JSA en qualité de liquidateur judiciaire de la société Construction et travaux coopératifs Cotracoop aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille vingt-quatre.