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23/10/2024 | FRANCE | N°52401085

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 octobre 2024, 52401085


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 23 octobre 2024








Rejet




M. SOMMER, président






Arrêt n° 1085 FS-B


Pourvoi n° M 23-19.629








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



r> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024


La société Orthograu technologies, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-19.629 contre l'arrêt rendu le 8 j...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 octobre 2024

Rejet

M. SOMMER, président

Arrêt n° 1085 FS-B

Pourvoi n° M 23-19.629

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024

La société Orthograu technologies, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-19.629 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2023 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [D], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Orthograu Technologies, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [D], et l'avis écrit de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 8 juin 2023), Mme [D] a été engagée en qualité de vendeuse spécialisée, le 15 juillet 1986, par la société Espace santé Grau, aux droits de laquelle vient la société Orthograu technologie.

2. L'employeur lui a proposé une offre de reclassement, le 12 juillet 2019, dans le cadre d'une réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité, qu'elle a refusée le 19 juillet suivant.

3. Son contrat de travail a été rompu le 24 septembre 2019, après qu'elle a accepté le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui lui avait été proposé.

4. Elle a saisi la juridiction prud'homale en contestation de cette rupture.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses troisième à sixième branches

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 3°/ qu'en vertu de l'article D. 1233-2-1 du code du travail en sa rédaction issue du décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017, pour l'application de l'article L. 1233-4, l'employeur adresse des offres de reclassement de manière personnalisée ou communique la liste des offres disponibles aux salariés, et le cas échéant l'actualisation de celle-ci, par tout moyen permettant de conférer date certaine ; que ces offres écrites précisent l'intitulé du poste et son descriptif, le nom de l'employeur, la nature du contrat de travail, la localisation du poste, le niveau de rémunération et la classification du poste ; qu'en revanche, le texte n'exige pas que soit précisées au salarié l'activité et l'adresse de l'entreprise au sein de laquelle le poste de reclassement est proposé ; qu'en jugeant dès lors le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, motif pris notamment que l'offre de reclassement ne précisait ni l'activité ni l'adresse de l'entreprise au sein de laquelle le poste de reclassement était proposé, la cour d'appel a ajouté au texte susvisé une condition qu'il ne prévoit pas et a violé l'article D. 1233-2-1 du code du travail ;

4°/ que l'absence de mention dans l'offre de reclassement du nom de l'employeur et de la classification du poste ne constitue, dès lors que la localisation du poste et le niveau de rémunération proposé sont précisés, qu'une irrégularité de procédure ne suffisant pas, en soi, à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en jugeant encore qu'en l'absence de précision du nom de l'entreprise et de la classification du poste proposé, Mme [D] n'était pas en mesure de répondre valablement à l'offre de reclassement, cependant qu'elle constatait que l'offre de reclassement proposait à la salariée ''un poste de magasinière à [Localité 3] (12) avec reprise de votre ancienneté et au même niveau de rémunération'', ce dont il résultait qu'elle était suffisamment précise quant à la localisation et au niveau de rémunération de l'emploi proposé pour que l'intéressée puisse valablement prendre position et, en conséquence, que l'absence de précision du nom de l'employeur et de la classification du poste ne constituait qu'une irrégularité formelle ne privant pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article D. 1233-2-1 du code du travail en sa rédaction issue du décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017 ;

5°/ qu'en affirmant que ''la seule mention « au même niveau de rémunération » éta[i]t très insuffisante pour permettre à la salariée de répondre valablement à cette offre », cependant qu'il en résultait qu'il était proposé à la salariée de conserver la rémunération qui était la sienne au sein de la société Orthograu technologies, ce qui revêtait un caractère de précision suffisant, la cour d'appel a violé l'article D. 1233-2-1 du code du travail en sa rédaction issue du décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017 ;

6°/ que la société Orthograu technologies versait aux débats le courrier de la salariée refusant l'offre de reclassement qui lui avait été faite par courrier du 12 juillet 2019 ; que ce courrier ne comportait aucune réserve ni demande de précision des caractéristiques du poste proposé ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher s'il ne résultait pas de cette circonstance que l'intéressée s'estimait suffisamment informée pour pouvoir décliner l'offre qui lui était faite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 et de l'article D. 1233-2-1 du code du travail en sa rédaction issue du décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente.
A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

8. Aux termes de l'article D. 1233-2-1, alinéa II, du même code, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017, ces offres écrites précisent :
a) L'intitulé du poste et son descriptif ;
b) Le nom de l'employeur ;
c) La nature du contrat de travail ;
d) La localisation du poste ;
e) Le niveau de rémunération ;
f) La classification du poste.

9. A défaut de l'une de ces mentions, l'offre est imprécise, ce qui caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

10. La cour d'appel, après avoir constaté que la salariée avait reçu le 12 juillet 2019 une offre de reclassement libellée comme suit "un poste de magasinière à [Localité 3] (12) avec reprise de votre ancienneté et au même niveau de rémunération", a relevé que cette offre était taisante sur l'adresse de l'entreprise, son activité, la classification du poste, la seule mention " au même niveau de rémunération" étant très insuffisante pour permettre à la salariée de répondre valablement à cette offre.

11. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que l'offre de reclassement adressée à la salariée ne comportait ni le nom de l'employeur ni la classification du poste ni la nature du contrat de travail, elle a pu déduire, abstraction faite du motif justement critiqué par la troisième branche mais qui est surabondant, et sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que l'employeur n'avait pas accompli avec la loyauté nécessaire son obligation de reclassement, se contentant d'une offre de reclassement imprécise et formelle, ce dont il résultait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme de 40 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que pour déterminer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9 du code du travail ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait que si, par extraordinaire, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse était due à Mme [D], la cour d'appel devrait tenir compte des 20.396,04 euros déjà perçus par la salariée en application de l'article L. 1233-67 du code du travail, au titre du contrat de sécurisation professionnelle signé, et représentant déjà près de 10 mois de salaire ; qu'en accordant à Mme [D] la somme de 40 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sans répondre au moyen opérant de la société Orthograu technologies selon lequel les indemnités versées à la salariée à l'occasion de la rupture devaient être prises en compte pour apprécier le montant de l'indemnité sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; que si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau inscrit à l'article L. 1235-3 du code du travail ; qu'en application de ce texte, l'indemnité allouée pour un salarié justifiant d'une ancienneté supérieure à trente années ne peut excéder vingt mois de sa rémunération brute mensuelle ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que la rémunération moyenne brute de la salariée s'élevait, sur la période de septembre 2018 à septembre 2019, à 1 893,97 euros, de sorte qu'elle ne pouvait prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 40 100 euros nets, comme réclamée par elle ; qu'en allouant dès lors à Mme [D] la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans préciser le salaire de référence retenu ni les modalités de calcul de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018. »

Réponse de la Cour

14. D'abord, aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous, qui est pour un salarié ayant 30 ans et au-delà d'ancienneté dans l'entreprise, comme le cas de la salariée, une indemnité minimale de 3 mois et maximale de 20 mois de salaire brut.Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9.

15. Selon l'article L. 1233-67 du code du travail, la rupture du contrat de travail résultant de l'adhésion au CSP, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis ouvre droit à l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement pour motif économique au terme du préavis ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu'aurait été l'indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l'employeur représentatif de cette indemnité mentionné au 10° de l'article L. 1233-68.

16. Il en résulte que la somme versée au salarié en application de l'article L.1233-67 du code du travail au titre de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9 du même code, n'a pas à être prise en compte pour le calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

17. C'est souverainement que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à un moyen insusceptible d'avoir une influence sur la solution du litige, a apprécié l'existence et l'étendue du préjudice subi par la salariée ainsi que le montant de l'indemnité propre à en assurer l'entière réparation, dès lors qu'elle a alloué une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail, sans être tenue de s'expliquer sur le choix des critères d'évaluation qu'elle a retenus ou de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.

18. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Orthograu technologies aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Orthograu technologies et la condamne à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401085
Date de la décision : 23/10/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. Aux termes de l'article D. 1233-2-1, alinéa II, du même code, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017, ces offres écrites précisent, l'intitulé du poste et son descriptif, le nom de l'employeur, la nature du contrat de travail, la localisation du poste, le niveau de rémunération et la classification du poste. A défaut de l'une de ces mentions, l'offre est imprécise, ce qui caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 08 juin 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 oct. 2024, pourvoi n°52401085


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer
Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401085
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