LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1063 F-D
Pourvoi n° N 22-23.260
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024
M. [Y] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-23.260 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre, chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société BASF France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société BASF France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société BASF France, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Panetta, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société BASF France, défenderesse au pourvoi principal, du désistement de son pourvoi incident en ce qu'il est dirigé contre M. [O].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2022), M. [O] a été engagé en qualité d'agent technico-commercial, statut cadre, le 8 décembre 1994 par la société MBT France. Son contrat de travail a été transféré à la société BASF France (la société). En dernier lieu, il exerçait en Algérie et au Maroc les fonctions de « director construction chemicals Algeria and Morocco & Head of UGC Africa » et était soumis à une convention de forfait annuel de 216 jours de travail.
3. Licencié le 2 octobre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens du pourvoi principal
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, le second étant irrecevable et les deux autres n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de congés payés afférents, alors « qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 3121-45, dans sa version alors applicable, L. 3171-4 et D. 3171-10 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le salarié versait aux débats une liste de mails professionnels lui ayant été adressés ou qu'il avait lui-même envoyés des dimanches ou des jours fériés entre 2014 et 2017, a néanmoins, pour dire les pièces du salarié non probantes et le débouter, en conséquence, de ses demandes, énoncé qu'il ne présentait pas d'élément suffisamment précis quant à des temps de travail ou journées de travail réalisées dépassant le forfait annuel en jours et non rémunérées afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait d'une part que le salarié présentait, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément sur le nombre de jours effectivement travaillés par ce salarié, faisant peser sur le seul salarié la charge de la preuve des jours travaillés en dépassement des 216 jours fixés par la convention de forfait jours, et a ainsi violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-45, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, L. 3171-4 et D. 3171-10, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-1553 du 18 novembre 2016, du code du travail :
6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait en jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir.
7. Pour débouter le salarié de sa demande de paiement de sommes au titre des jours supplémentaires non rémunérés pour les années 2014 à 2017, l'arrêt retient qu'il produit une liste de courriels professionnels lui ayant été adressés ou qu'il a lui-même envoyés des dimanches ou jours fériés mais que celle-ci ne constitue pas un élément suffisamment précis quant à ses temps de travail ou journées de travail réalisés dépassant le forfait annuel en jours et non rémunérées.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément sur le nombre de jours effectivement travaillés par le salarié, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [O] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 22 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société BASF France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BASF France et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre.